Talentueux et visionnaire, Davide Arcangeli aurait pu devenir un grand nom du design automobile. Le jeune italien n’aura pas eu le destin qui lui était promis, quittant ce monde à tout juste trente ans mais en laissant deux œuvres majeures en héritage : la Peugeot 406 Coupé et la BMW Série 5 E60.
Ils sont peu nombreux, parmi les amateurs d’automobiles, à savoir qui se cache derrière l’élégance du coupé 406 ou l’éloquence d’une E60. Car malgré les ombrelles de Pininfarina (pour l’une) ou de Chris Bangle (pour l’autre), c’est bien à l’italien Davide Arcangeli que l’on doit ces deux automobiles marquantes de la fin des années 90 et du début des années 2000. Un designer méconnu à la carrière rapide, brutalement interrompu dans son ascension par la leucémie, l’empêchant même de voir rouler sa dernière réalisation pour BMW.
Repéré par Pininfarina
Né en 1970 à Rimini, le jeune Davide se révèle très rapidement doué pour le dessin. Son talent grandit en même temps que sa passion pour l’automobile, l’emmenant inévitablement vers le design. Dès l’âge de 14 ans, il s’inscrit aux Beaux-Arts et en 1990, sûr de sa vocation, il n’hésite pas à faire le tour des carrossiers turinois pour proposer ses services. Chez Pininfarina, on repère tout de suite ce jeune si prometteur. On lui propose aussitôt un stage de six mois au sein du bureau de style de la vénérable officine italienne. Il lui faudra tout juste un mois et demi pour transformer l’essai en un véritable CDI. Pininfarina tient là sa pépite.
La Peugeot 406 Coupé, premier coup de maître
En 1992, Peugeot confie à Pininfarina l’étude et la réalisation d’une version coupé de sa future berline 406. Le style du projet D85 est confié à Lorenzo Ramaciotti (directeur Style et Recherche) et à son équipe. C’est Davide Arcangeli qui va se charger pour une bonne part du design extérieur du coupé français. Comme pour la 504 en son temps, on décide de donner une personnalité propre au coupé par rapport à la berline, tout en conservant des gènes Peugeot évidents. Davide va accomplir sa tâche avec brio, livrant une copie parfaite. Le Coupé 406 ne peut renier ses origines franc-comtoise mais sa robe rappelle aussi l’élégance de la Ferrari 456 GT dessinée chez Pininfarina par Pietro Carmadella. Les dons d’observation et de synthèse de Davide font merveille et ravissent les dirigeants de Peugeot qui valident aussitôt le style. Entre les premiers dessins de juin 1992 et les véhicules de présérie en 1996, le style pur et élancé n’a quasiment pas bougé, preuve de la justesse de la vision d’Arcangeli. Pour cette première œuvre, il reçoit en 1997 le « Car Award Design », une consécration à seulement 27 ans.
Honda Argento Vivo : concept-car devenu réalité
Durant l’année 1995, Davide Arcangeli va travailler sur un tout autre projet. Le constructeur japonais Honda mandate Pininfarina pour réaliser un concept-car destiné à être présenter au salon de Tokyo, fin octobre. Davide prend en charge sa réalisation et va proposer un charmant coupé-cabriolet à toit rigide escamotable (devançant en cela la Mercedes SLK et la Peugeot 206 CC). Il va faire appel à l’aluminium qu’il conservera poli (non peint) pour le capot et le coffre, donnant sa signature et son nom à l’Argento Vivo. Le reste de la carrosserie est réalisé en fibre de verre, peinte de couleur bleue marine. Le châssis est lui aussi réalisé en aluminium, permettant à l’Argento Vivo de rester relativement léger (1 240 kg). Le moteur est un 5 cylindres Honda de 2,5 litres et 20 soupapes développant 190 chevaux. Le 28 octobre 1995, la Honda Argento Vivo fait sensation auprès du public japonais mais pas seulement : le Sultan de Brunei tombe amoureux du modèle et en commande 5 exemplaires auprès de Pininfarina qui, en ce temps là, ne rechignait jamais devant n gros chèque. En revanche, les modèles « de série » seront dotés d’un V12 Mercedes AMG de 7.3 litres et 525 chevaux en lieu et place du moteur Honda, gâchant un peu la philosophie première de l’œuvre d’Arcangeli.
Débauché par Chris Bangle
Pendant ce temps, chez BMW, un homme a repéré Davide Arcangeli : il s’agit de Chris Bangle qui désormais dirige le Style Center de la marque à Munich. Impressionné par le jeune italien, il n’hésite pas à le débaucher et à lui faire rejoindre l’Allemagne pour travailler sur un enthousiasmant projet : créer la future série 5, nom de code E60. Davide est lui aussi séduit par Bangle et saute le pas. Pour l’E60, il va s’inspirer des travaux en cours pour la Série 7 E65 et du Flame Design cher à Bangle, mais pas seulement. C’est l’aéronautique qui inspirera grandement son dessin, notamment le Lockheed SR71 Blacbird, mais aussi les armatures visibles sous la toile des Zeppelin du début du siècle. Malheureusement, il ne verra jamais le résultat de ses dessins. Au tout début du mois de décembre 2000, on lui diagnostique une leucémie. Alors qu’il s’apprête à débuter une chimiothérapie, il développe un anévrisme cérébral et décède le 16 décembre.
La BMW Série 5 E60 ne sortira qu’en 2003 et on l’attribuera à tort au seul Chris Bangle. Cela dit, c’est aussi lui qui recevra les critiques pour ce changement radical de style chez BMW. Pourtant le temps fait son œuvre et l’E60 s’avère beaucoup plus subtile et en avance sur son temps qu’il n’y paraissait au moment de sa sortie. L’audace du dessin heurtait sans doute les amateurs de la continuité à laquelle BMW les avait habitués jusqu’alors. On y retrouve pourtant des subtiles évolutions (notamment les phares et feux arrière) du style présent sur le coupé 406. Aujourd’hui, l’E60 est reconnue pour son avant-gardisme qui inspirera plus tard les autres acteurs du premium. Arcangeli n’aura signé que deux voitures de série, mais quelles voitures !