De 1956 à 1999, il était tout à fait possible de rouler en Renault dans le métro parisien. Vous l’imaginez, il ne s’agissait pas d’introduire une voiture sur les voies métropolitaines, mais de monter dans une rame connue sous le nom de MP55, exclusivement dédiée à la ligne 11. Le MP55 (M pour métro, P pour Pneumatique et 55 pour l’année de conception) était en effet en partie construit par Renault dans ses ateliers de Choisy-le-Roi, et fut l’un des derniers matériels ferroviaires construits par la firme au losange après la « grande période » des Autorails Picasso (nous y reviendrons).
Michelin veut vendre des pneus
Revenons au début des années 50. La Régie Autonome des Transports Parisiens (RATP, aussi connu sous le nom de « Rentre Avec Tes Pieds ») s’intéresse à ce qui a déjà fait ses preuves sur le réseau ferroviaire secondaire à l’initiative de Michelin : le trains sur roues (les célèbres Micheline). C’est d’ailleurs Michelin, jamais à court d’idées pour écouler des pneumatiques, qui suggère cette solution à la Régie, avec quelques avantages à la clé : des accélérations et des freinages bien plus efficaces qu’avec des rames classiques sur rails (meilleure motricité) mais aussi un confort sans commune mesure. Aussitôt dit aussitôt fait, la RATP teste la solution sur un prototype appelé MP51 en… 1951 évidemment !
Grand-Mère à la manoeuvre
Ce premier prototype, surnommé Grand-Mère, fait ses essais sur la voie navette entre le Pré St Gervais et la Porte des Lilas, passant et repassant par la Station Haxo bien connue de nos lecteurs. Ils dureront 4 ans, entre 1952 et 1956, le temps de valider les solutions (notamment les pneus latéraux dédiés au guidage) et de concevoir un nouveau métro, le MP55. Pour cette nouvelle rame et avant de généraliser (ou non) les pneumatiques à l’ensemble du réseau, on choisit une ligne parfaite pour l’expérimentation : la ligne 11. Elle est courte, son parcours relativement difficile permet d’étudier défauts et qualités, et elle est relativement peu fréquentée (ce qui est, avouons-le, propice aux essais). Enfin, la ligne 11 est toujours pourvue d’antiques rames Sprague-Thomson qu’il est grand temps de remplacer.
Renault fabrique la majorité des rames MP55
La conception du MP55 est réalisée en 1955 par les ingénieurs de la RATP et la fabrication des rames est confiée à deux constructeurs : Renault (30 motrices avec ou sans loge « conducteur », et 10 remorques) et Brissonneau & Lotz (24 motrices et 7 remorques). Pour Renault, c’est à Choisy-le-Roi que sont fabriquées les motrices et les remorques (Creil pour Brissonneau & Lotz, qui tâtera aussi un peu d’automobiles, assemblant un roadster avec Louis Rosier dans les années 50 ou l’Opel GT dans les années 60, entre autres). Les moteurs quant à eux viennent de chez Alsthom ou de la Compagnie Electro Mécanique (CEM) : 4 blocs de 90 chevaux par motrice, soit une puissance totale de 1 080 chevaux . La mise en service s’effectue entre 1956 et 1957, la ligne 11 devenant celle dont le matériel est le plus moderne du réseau. Elle devient en quelques sortes la ligne Pilote d’un projet de modernisation qui entraînera l’équipement en rames pneumatiques de nombreuses lignes par la suite.
Succès pour le pneumatique
Rapidement, la RATP constate l’intérêt des rames pneumatiques (MP) : elles permettent d’augmenter significativement la fréquence des rames, permettant une hausse de 5,5 % des capacités de la ligne, le tout dans un confort royal et malgré un coût d’exploitation légèrement supérieur au matériel ferré. Forte de cette expérience, la RATP décide de convertir d’autres lignes à ce type de matériel. Le MP59 équipera la ligne 1 à partir de mai 1963, puis la ligne 6 à partir de 1966 (viendra plus tard le MP73). Cependant, les progrès faits en matière de métro sur chemin de fer avec le MF67 limitera les « transformations de ligne ». Seules les nouvelles ligne (la 14 par exemple) seront par la suite converties au pneumatique.
Une longue carrière, jusqu’en 1999
Revenons à notre MP55. Satisfaite, la RATP le conserve tel quel sur la 11 jusqu’en 1977. A cette date, les rames sont toutes rénovées (avec notamment les sièges du MP73) et resteront en service jusqu’en 1999. A partir de 1997 un jeu de chaise musicale entre la 1, la 4 et la 11 va transférer les MP59 sur la 11, envoyant les MP55 à la retraite. Ces derniers auront pourtant résister dix années de plus que prévu par le plan de la RATP (ils devaient quitter le réseau entre 1984 et 1988). Les MP55 resteront les seuls métros Renault à circuler sous les rues de Paris. Evidemment, tous les MP55 recevront à partir de 1977 leurs petits auto-collants à l’effigie de Serge Le Lapin et sa célèbre phrase : « Attention ! Ne mets pas tes mains sur la porte, tu risques de te faire pincer très fort« .
Aller plus loin
N’hésitez pas à lire l’excellent article de Renault Concepts
Images : Renault Communication / Tous droits réservés
Merci à Dominique William Jacson (Renault Classic) et Stéphanie Lévêque (Publicis Paris)