Après avoir connu un relatif succès avec le coupé CD et les coupés, cabriolets et (dans une moindre mesure) berlines SC, Erich Bitter prenait le virage des années 80 avec la Type 3 et des ambitions : passer du stade artisanal au stade semi-industriel, avec de gros volumes, une voiture moderne et l’appui réel d’un grand constructeur. L’Allemand était à deux doigts de réussir. Pourtant, rien ne se passera comme prévu.
Un succès d’estime avec les CD et SC
Depuis 1973, l’ancien coureur automobile Erich Bitter fabriquait des automobiles (essentiellement des coupés) sur des bases techniques Opel. Il s’était à l’origine occupé du lancement et de la distribution de l’Intermeccanica Indra, mais il préféra rapidement développer son propre modèle, avec le soutien tacite d’Opel qui voyait d’un bon oeil le lancement d’un coupé valorisant sur la base de la Diplomat A. Erich Bitter va alors s’appuyer sur les travaux de Pietro Frua pour le concept Coupé Diplomat de 1969 et en dériver sa propre version, fabriquée chez Baur : la Bitter CD.
Après 395 exemplaires produits, Bitter lançait un nouveau modèle basé sur la plate-forme technique de la Senator A. Malheureusement, le partenaire industriel initial, Baur, s’avéra dans l’impossibilité de la produire entre ses propres modèles et la BMW M1 désormais assemblée dans ses ateliers. Erich Bitter se tourne alors vers l’Italie. Le carrossier OCRA produira 79 modèles avant d’être écarté tant la qualité était perfectible. Bitter préfère alors se tourner vers Maggiora. Une version cabriolet (22 exemplaires) puis une version berline (5 unités seulement) viendront renforcer le coupé (le plus vendus avec 461 ex sortis des chaînes).
De nouvelles ambitions pour Isuzu et GM
Maintenant que le décor est planté, parlons de la Type 3 qui nous intéresse. Jusqu’alors, Erich Bitter n’avait reçu qu’un soutien de principe de la part d’Opel et de GM sans pour autant recevoir une grande aide. Tout juste avait-il pu bénéficier de la plate-forme de la Senator A en avance pour concevoir la SC, mais jamais le groupe n’avait mis à disposition sa force commerciale. Or en 1986, le vent semble tourner. GM est alors sur tous les fronts, rachetant Lotus (1986) et se préparant à avaler 50 % de Saab (1989). En Asie, le groupe américain dispose de 34 % du capital du constructeur Isuzu qui, à l’époque, disposait d’une gamme de véhicules particuliers en plus de sa puissante division industrielle. Or justement, la marque japonaise tente à l’époque de se construire une image dynamique notamment aux Etats-Unis avec son coupé Piazza / Impulse mais aussi la Gemini. Ces deux modèles bénéficieront d’ailleurs de l’image de Lotus (qui en retravaillera les suspensions).
C’est dans ce contexte que Erich Bitter développe en 1986 la Type 3 sur la base technique de l’Omega A qui vient tout juste de sortir. Il est prévu de proposer un cabriolet et un coupé aux châssis raccourcis, mais aussi une berline. Tous doivent recevoir le 6 cylindres en ligne 3 litres de l’Omega (177ch) mais le premier prototype réalisé (un cabriolet jaune) reçoit provisoirement le L6 de 3.9 équipant les SC (210 chevaux). Il est présenté à Genève en mars 1987 tandis qu’un partenariat est noué avec Steyr-Puch pour une éventuelle production dans son usine de Graz (là où sont fabriqués le Classe G et les caisses de Peugeot P4).
Poussé puis lâché par Isuzu
A Genève, les dirigeants d’Isuzu sont séduits par la Type 3 qui leur apparaît comme un excellent produit d’image pour conquérir les États-Unis. Les dirigeants de GM, contactés, semblent trouver l’idée excellente. On envisage tout d’abord de distribuer la Type 3 dans le réseau US d’Isuzu mais rapidement, on s’oriente vers un logo japonais sur la voiture allemande. Pour Bitter, l’enjeu est de taille : on parle d’une commande de 10 000 voitures. Pour produire autant chez Steyr-Puch, il faut investir pas moins de 50 millions de DM : une fortune mais le jeu en vaut la chandelle. Erich Bitter se démène alors comme un beau diable pour réunir le financement. Le projet semble sérieux et les promesses d’investissements sont réunies : tout semble prêt pour une belle aventure. Pendant ce temps-là, 4 autres prototypes sont réalisés (2 cabriolets, un coupé et une berline), tandis que, confiant, on imprime déjà des brochures publicitaires.
Malheureusement, Erich Bitter et ses associés ne voient pas le vent tourner. En janvier 1990, les dirigeants d’Isuzu l’annoncent aux allemands : la Type 3 ne sera pas intégrée à la gamme japonaise, ni même distribuée par son réseau. Isuzu ne s’explique pas vraiment sur l’instant, mais la réponse est a posteriori compréhensible : les berlines et coupés (Gemini, Impulse) n’arrivent pas à émerger tandis qu’à l’inverse, le marché naissant du SUV s’avère particulièrement porteur. Depuis 1981, le Trooper cartonne, et en 1989, Isuzu a lancé le Mù rapidement décliné chez Opel (Frontera) entre autres : la Type 3 n’avait alors plus de place dans la nouvelle orientation du constructeur.Erich Bitter envisage alors de produire la Type 3 de façon artisanale, comme il l’avait fait pour les CD et SC. Malheureusement, il apprend assez rapidement la mise en chantier d’une nouvelle Omega (la B, qui sortira en 1994) qui rend caduque tous ses plans.
Bitter Berlina
Après la Type 3, Bitter s’oriente vers une carrosserie berline pour sa bien nommée Berlina, simplifiant les opérations. Elle devait recevoir le V6 de la MV6 boosté par un Turbo à 250 voire 300 chevaux. Le style est fluide, et la voiture désirable, mais elle restera unique.
La rage au ventre, il se lance alors dans la réalisation d’une nouvelle voiture reprenant la plate-forme de l’Omega B : la Berlina. Les carrosseries devaient être fabriquées en Italie chez Stola, et l’assemblage final chez Karmann. La voiture est présentée au salon de Genève 1994 Pour financer ce nouveau projet, Bitter prévoit une introduction en bourse. Malheureusement, un escroc du nom de Hans-Heinrich Kuhlen fera capoter le projet : Bitter,sans le sou, ne peut aller plus loin, lâché par Karmann apeuré par le scandale. Kuhlen, lui, sera arrêté en 1995 pour fraude à l’investissement. La Berlina restera un exemplaire unique, propriété aujourd’hui d’un collectionneur.
2 commentaires
Très heureux de vous relire en ce début 2023 😊
Un petit couac cependant, vous écrivez dans cet article fort intéressant : « Isuzu qui, à l’époque, disposait d’une gamme de véhicules particuliers en plus de sa puissante division particulière » . Je pense que vous vouliez écrire industrielle comme dernier mot ?
Au plaisir de lire encore de nombreux de vos articles
Merci pour ce message. Et bien vu pour la coquille, je corrige 😉