L’e-Méhari est un échec commercial, et personne ne s’en cache. Issu d’un accord de sous-traitance avec Bolloré, ce modèle opportuniste permettait à Citroën de mettre un autre pied dans l’électrique (après la C-Zéro et les AX et Saxo électriques), en attendant le développement de modèles plus séduisants (et performants). Pour camoufler l’indigence de l’offre, il suffisait de la camoufler derrière une vague idée de Méhari revisitée : un cache misère qui ne trompa personne..
Dates de production : 2016-2019
Ventes Europe : 1 475 exemplaires
Lieu de production : Rennes (35)
Restylage : 2018
En ce milieu des années 2010, Bolloré se rêve encore en constructeur automobile. Depuis 2013, sa Bluecar (fabriquée d’abord chez Pininfarina, puis, à partir de 2015, chez Alpine, à Dieppe et produite à quelques milliers d’exemplaires) sature les paysages urbains de Paris (Autolib), Bordeaux (Bluecub), Lyon (Blulye) et même Londres (BlueCity), Indianapolis (BlueIndy), Los Angeles (BlueLA) et Singapour (BlueSG). Un succès de façade puisque rapidement, les services fermeront, y compris à Paris (sa vitrine commerciale).
Accord industriel avec Bolloré
Mais en 2014, l’heure est encore à l’euphorie chez BlueSolution, la filiale de Bolloré dédiée à l’électrique et à la production de batterie. Après la Bluecar dédiée à l’auto-partage, place désormais à la Bluesummer, un petit véhicule de loisir basé sur la même technologie. La cible s’avère un peu différente cette fois-ci. Dans le viseur, les professionnels de l’hôtellerie et du camping, la location de voitures sur site (stations balnéaires), et bien entendu les (riches) particuliers désireux d’un véhicule de plage tamponné “bon pour la planète”. La situation avec Pininfarina n’étant plus au beau fixe, Bolloré va se tourner vers PSA pour la sous-traitance de sa production. Cela tombe bien puisque l’usine Citroën de Rennes-La Janais a besoin d’activités en attendant l’arrivée des futures 3008 et 5008. Le contrat est donc signé et la petite BlueSummer, aux objectifs affichés de 3 500 véhicules par an, se retrouve alors sur les chaînes de l’usine bretonne. Au même moment, l’usine signe un contrat avec la SNCF pour la rénovation intérieurs des wagons de TGV. C’est dire si l’usine tourne alors au ralenti.
Une version Citroën pour sauver la Bluesummer
Au moment de la signature, PSA n’a pas – a priori – d’ambition pour la Bluesummer. Cependant, le contrat miracle avec Bolloré s’avère plus compliqué que prévu. Les objectifs, bien que bas, ne sont pas près d’être atteints tant la Bluesummer peine à séduire la clientèle. Il faut dire que cette dernière n’a pas de réseau de distribution à proprement parlé et qu’aucun budget de communication ne lui a été affecté par Bolloré, un peu léger sur l’affaire. Pour tenter de booster la ligne de production qui marche au ralenti, Citroën décide donc d’en produire une version siglée des chevrons. La marque y voit quelques avantages : faire tourner la chaîne, donner une opportunité de communication verte et s’offrir à bon compte une image écologique à une époque où la marque ne possède que la C-Zéro (fabriquée au Japon) dans sa gamme électrique. Enfin, Citroën dispose d’un réseau dense de concessions et d’agents : de quoi dynamiser la voiture.
Faire revivre l’esprit Méhari
Puisqu’il s’agit d’une voiture de plage et que l’on veut mettre toutes les chances de son côté, on décide de faire appel à l’imaginaire et à la nostalgie de la Méhari en la renommant tout simplement e-Méhari. Un crime de lèse-majesté pour les puristes, d’autant qu’aucun signe particulier ne rappelle l’ancienne Citroën sur le nouveau modèle (si ce n’est, on l’a dit, le concept). Peu importe : les ambitions de Citroën n’étaient pas très élevées puisqu’il fallait rester en dessous d’un certain niveau de production pour bénéficier des dérogations de sécurité (absence d’airbags notamment). Peu de risques donc, et des objectifs très mesurés certes, mais de là à se prendre une telle gamelle ? Les décideurs de PSA ne s’y attendaient peut-être pas !
Échec complet
Il faut dire que l’e-Méhari était chère, pas forcément très jolie, disposait d’une autonomie plutôt faible (195 km annoncés, beaucoup moins en réalité). Mais il y a pire : l’e-Méhari (comme la Bluecar et la Bluesummer) devait être laissée constamment en charge pour maintenir la température de la batterie LMP : une aberration écologique tout en étant peu pratique. Vous l’aurez compris, après 3 années de production et seulement 1 475 exemplaires (quelle cadence), la e-Méhari tire sa révérence sans regret, ni chez PSA, ni chez les acheteurs. De toute façon, l’usine de Rennes tourne désormais à fond grâce au succès des 3008 et 5008 et n’a plus besoin de compenser par de la sous-traitance. Sachez enfin qu’il existe une seule série spéciale sur la base de la e-Méhari, signée Courrèges et produite à 61 exemplaires seulement. Enfin, en 2018, Jean-Charles de Castelbajac réalisa une version spéciale à l’occasion des 60 ans de la Méhari, un exemplaire qui restera unique.