Le temps passant, les gens oublient (pour les plus vieux) ou ignorent (pour les plus jeunes) l’existence de délicieux dérivés Société, Service ou Fourgonnette d’honnêtes berlines de milieu de gamme, voire de citadines dans le Panorama Automobile Français (notre PAF à nous), particulièrement dans les années 70, période de gloire pour le genre. Il fallait bien un article pour réhabiliter ces beautés malgré elles, ces gracieuses ouvrières et ces jolies commerçantes, appelez-les comme vous voulez.
Devant la photo partagée de Renault 12 Société aux couleurs d’Air France, présente dans cet article, la réponse d’un lecteur fut des plus surprenante, notamment par son ton péremptoire : “la R12 n’a jamais été commercialisée en break 2 portes”. Lapidaire, imparable (croyait-il) et très symbolique des réseaux sociaux. Si l’on en a jamais vu, c’est qu’elle n’a jamais existé. Et pourtant.
La vie parisienne
Moi qui me croit toujours jeune (et pourtant à l’approche de la cinquantaine), j’ai pourtant le souvenir bien précis de ces voitures élégantes et pourtant laborieuses dans les rues d’un Paris encore un peu gris (les ravalements systématiques n’existaient pas encore). Parfois décorées d’une enseigne (le plus souvent inconnue), garée (mal) entre une Renault 14 flashy et une pimpante Peugeot 104 rouge, pas loin d’un magasin, d’un chantier ou du Balto du coin, elles faisaient partie du territoire, ces Citroën GS Service, Renault 12 Société et autres Peugeot 304 Fourgonnettes, conservant les dimensions d’un break tout en n’offrant que 3 portes. De vrais petits Shooting Brake pour l’enfant que j’étais.
Des années 50 aux années 70
Ces voitures utilitaires directement dérivées de modèles de série ne datent pas d’hier. Dans les années 50, alors que les gammes des constructeurs étaient bien moins grandes qu’aujourd’hui, il fallait rentabiliser chaque plate-forme et toucher le plus de clients possibles. Les Juvaquatre de chez Renault, Aronde chez Simca, Dyna chez Panhard (et bien d’autres) proposaient toutes leurs variantes tôlées destinées aux entrepreneurs ou aux commerçants. Peu à peu, le créneau se sépara vers des versions plus spécialisées ou plus adaptées (plateaux, fourgonnettes), dites utilitaires, mais les années 60 et 70 allaient rester dans la tradition du break de société conservant le statut social de la berline dont il dérivait tout autant que son confort (tout est relatif, ces versions étaient souvent dépouillées) et ses performances (enfin, pas toujours, l’offre se contentant des motorisations les plus basiques).
Ainsi donc, aux côtés des 2CV (puis Acadiane), Simca 1100 VF2 ou R4 Fourgonnettes et des grands utilitaires (Type H, Estafette, J7), on pouvait commander en 1966 une pimpante Peugeot 204 Fourgonnette, dérivée du break. Bon an mal an, la petite sochalienne offre à Peugeot entre 3 et 4 000 clients supplémentaires chaque année, et ce pendant 10 ans. Dans la foulée, la 304 en reprend les lignes pour poursuivre jusqu’en 1980, ajoutant plus de 34 000 clients dans sa besaces. Cela peut paraître un détail, pour vous, mais pour Peugeot ça voulait dire beaucoup : presque 70 000 ventes d’un véhicule amorti depuis belle lurette, ce n’était que du bonus. Pour les clients, c’était l’assurance de se démarquer des Fourgonnette classiques. Simca fit la même chose avec sa VF1 dérivée de la 1100, complétant la gamme VF2 bien plus “utilitaire”.
Au début des années 70, c’est au tour de Citroën de rentrer dans la danse avec sans doute celle qui restera la plus belle de toutes : la GS Service. Grande nouveauté, elle proposait bien entendu une version tôlée mais aussi une version vitrée d’une rare élégance avec sa deuxième et unique vitre arrière longue comme un jour sans fin (et sans doute très chère à remplacer). Il fallait être sacrément dingue (ou alors un pure esthète) pour s’offrir cette version pourtant si désirable (et introuvable) aujourd’hui. Lorsque la GSA Service remplace la GS en 1980, elle n’offrira plus que la version tôlée, et c’est bien dommage.
La fin d’une époque
En 1975, c’est Renault qui joue la carte Société avec un choix étonnant : la Renault 5. Un choix pourtant rentable puisque plus de 200 000 modèles sortiront des chaînes en dix ans, tôlés ou vitrés, preuve que la demande d’une voiture plus petite et économique était bel et bien là. Dans la foulée, la Régie présente une Renault 12 (uniquement tôlée) du plus bel effet : cette carrosserie break de chasse sied à ravir à sa ligne déjà élancée. Hélas, la clientèle ne sera pas au rendez-vous et dès 1979, la voiture quitte la gamme et devient, dès lors, une rareté. Désormais, l’heure n’est plus à la voiture de Société, de Service ou autre. Peugeot continuera dans les années 80 à proposer une 305 Break Service (jusqu’en 1990) mais la clientèle préférait déjà se rabattre sur des utilitaires de plus en plus adaptés à leurs demandes, Citroën C15 et Renault Express notamment, ou à de banales versions “2 places” de voitures quasiment inchangées et destinées aux commerciaux.
Aujourd’hui, ces quelques exemples (non-exhaustifs) de voiture de société sont hautement désirables : devenues rares, le plus souvent parties à la casse et sûrement pas collectionnées, elles sont pourtant d’une élégance folle. Imaginez un peu la classe : rouler en GS Break Service vitré dans les rues de Paris (ou ailleurs). D’ailleurs, observez-bien les photos de cet article : Hermès, Guy Laroche, Lenôtre, même les professionnels peuvent être chics !
Production :
Citroën GS Service : 22 000 ex entre 1972 et 1980
Citroën GSA Service : 12 000 ex entre 1980 et 1986
Renault 5 Société : 218 795 ex entre 1975 et 1984
Renault 12 Société : 1976-1979 NC
Peugeot 204 Fourgonnette : 37 994 ex entre 1966 et 1976
Peugeot 304 Fourgonnette : 34 303 ex entre 1976 et 1980
Peugeot 305 Break Service : NC 1982-1990