C’est en 1991 que Peugeot se décide à accompagner une 205 vieillissante mais toujours vaillante par un modèle plus petit, se rapprochant dans la philosophie de feue la 104 et parfait complément en attendant la sortie de la 206 prévue pour 1998. De fait, la 106 rencontre rapidement son public grâce à ses multiples versions, accessibles ou sportives, essence ou diesel (et même électrique), 3 ou 5 portes, jusqu’à tutoyer les 3 millions d’exemplaires en 13 années de carrière. Retour sur un best-seller qu’on oublie trop souvent au moment du choix, à tort comme nous le verrons.
Production : 2 798 246 exemplaires (dont 504 110 à moteur diesel et 3 504 électriques)
Lieux : Mulhouse, Aulnay, Vesoul, Sochaux, Cerizay (Heuliez, électriques)
A la fin des années 80, Peugeot doit assurer l’avenir. Certes, les ventes de la Peugeot 205 se portent bien depuis son lancement en 1982 mais la fin de carrière de la petite 104 en 1988 laisse un vide sur le marché des citadines. Il devient évident qu’un second modèle, en complément d’une 205 que l’on veut faire durer le plus longtemps possible, serait le bienvenu en entrée de gamme. En effet, Peugeot a besoin de temps pour remplacer son sacré numéro qui continue à cartonner et qui avait mis la barre très haut : pas le droit à l’erreur pour la future 206 qui prendra son temps pour succéder à l’irremplaçable 205 (1998). On décide donc d’encadrer la vieillissante diva par une moderne 106 en dessous, puis plus tard une moderne 306 au-dessus (remplaçant la 309 en 1993), jusqu’à ce que la 206 daigne pointer le bout de son nez pour un trio infernal. La stratégie sera payante puisque la 205, malgré une gamme de plus en plus limitée, terminera honnêtement sa carrière tandis que la 206 deviendra la Peugeot la plus vendue de l’histoire. Quant aux 106 et 306, elles connaîtront elles-aussi le succès (bien plus que les 104 et 309 qu’elles remplacent).
Mais revenons à notre 106. Contrairement aux apparences, il ne s’agit pas d’un modèle au rabais bien qu’elle emprunte son châssis à la Citroën AX lancée en 1986. La preuve ? Elle inaugure la numérotation en X06, une charge qui n’est pas anecdotique chez Peugeot puisqu’elle annonce le renouvellement de la gamme (suivront dans l’ordre 306, 406 puis 206, tandis que la gamme 60X passera directement de 605 à 607, cette dernière initiant la nouvelle numérotation en X07 à l’aube des années 2000). Bien que techniquement proche de l’AX, la 106 n’en est pas moins une voiture moderne : l’avantage d’un châssis bien né (comme à l’époque toutes les Peugeot et Citroën) et de moteurs reconnus, les fameux TU réputés increvables. La 106 se veut aussi plus cossue que sa cousine Citroën, et plus sécuritaire aussi. Il en résulte un poids supérieur, certes, mais cela va de paire avec l’équipement et la qualité ressenti (sans prétendre aux standards allemands de l’époque, n’exagérons rien).
Les chiffres de production en question
Si Peugeot dispose bien d’un tableau de production que la marque a bien voulu me transmettre, il n’est cependant pas très détaillé. Impossible par exemple de vous donner les chiffres de production des Griffe et Roland Garros décrites dans cet article, ni même ceux de la Rallye bien que les amateurs du modèle avancent des estimations (11 000 exemplaires pour la phase 1, 4 300 pour la phase 2, soit un total de 15 300). Pour la S16, c’est plus facile : seul modèle à disposer de 16 soupapes, elle bénéficie d’une ligne dédiée permettant d’affirmer une production de 34 615 exemplaires. Pour la XSi, on peut simplement l’estimer : seul modèle à moteur à injection multipoint pour la phase 1, il suffit de faire une addition des années 91 à 95 sur la ligne dédiée, soit 58 244 exemplaires. Cependant quelques modèles furent fabriqués en 1996, il en manque sans doute quelques-uns dans ce total. En tout cas, cela donne un ordre de grandeur.
Bien que succédant à la 104 sur le créneau de la petite citadine, la 106 s’avère plus grande puisque sa version 3 portes mesure exactement la taille de la 5 portes de son aïeule (3 580 mm). La cinq portes, quant à elle, s’approche des mensurations de la 205 (3 680 mm contre 3 710). Visuellement cependant, elle apparaît vraiment plus petite, grâce à une ligne élancée signée en interne et inspirée des 405 et 605). Présentée à la presse au milieu de l’année 1991, elle rentre en concession le 12 septembre de la même année. Elle n’est alors disponible qu’en version 3 portes, à motorisations essence (954, 1 124 et 1 360 cc) et en finition XN (entrée de gamme), XR (milieu de gamme), XT (haut de gamme) et XS (haut de gamme à tendance sportive). En novembre 1991, la petite sportive XSi vient compléter la gamme avec ses 100 chevaux (voir encadré). Il faut attendre 1992 pour voir apparaître les moteurs diesels ainsi que les versions 5 portes. Cette année-là, la 106 frôle les 300 000 exemplaires, preuve de l’adéquation de la voiture au marché.
La 106 XSi
La XSi fait son apparition peu après le lancement de la 106, en novembre 1991. L’appellation GTI sonnant trop années 80, on hésite avec XTi, avant de se rabattre sur XSi plus facile à prononcer. Elle s’équipe d’un moteur TU de 1 360 cc dotée d’une injection directe multipoints développant 98 chevaux dans sa première version (mais annoncée à 100 chevaux tous ronds, c’est plus vendeur). En 1993, les normes anti-pollution font passer la puissance à 94 chevaux toujours largement suffisants pour les 840 kg de la voiture. En 1994, la XSi reçoit un nouveau TU passé à 1 587 cc et toujours à injection multipoints. Le moteur gagne évidemment en puissance (103 chevaux) mais aussi et surtout en couple, permettant un usage plus souple du moteur (135 Nm contre 117 pour la précédente version). Côté cosmétique, la XSi se virilise grâce à un nouveau bouclier avant, des jantes en alu de 14 pouces, des baguettes latérales et extensions d’ailes, ainsi qu’une déco intérieure spécifique. Une seule série spéciale lui sera dédiée, la Le Mans, produite à 1 000 exemplaires (dont 300 pour la France). Certes, elle n’a pas l’aura de la 205 GTi mais cette bombinette légère et agile satisfera n’importe quel amateur de youngtimers énervées. Performante, homogène, saine et dotée d’un châssis aux petits oignons, elle est plus civilisée, mais toute aussi plaisante.
Avec cet excellent démarrage, la 106 va faire l’objet d’une attention justifiée de la part de Peugeot : campagnes de publicité décalées et souvent très drôles mais aussi lancement de nombreuses séries limitées ou déclinaisons à partir de 1993. Ainsi, la phase 1 va voir apparaître une petite sportive accessible (la Rallye, reprenant les couleurs et la philosophie de sa grande soeur 205, voir encadré), une citadine chic (Roland Garros) voire très chic (Griffe), une sportive collector (XSi Le Mans), une citadine low cost (la Kid, qui intégrera la gamme) et tant d’autres (Carte Rouge et Noir, Atoll, Husky, Chérie FM, Lee Cooper, Sergio Tachini etc). Bref, la 106 copie la recette de la 205 avec brio (avec qui ?) et devient la coqueluche de la jeunesse, des femmes, et des beaux quartiers. Cependant, la 106 restera très classique : malgré des projets de roadster (en interne) et des réalisations du carrossier allemand Elia (qui décapsulait aussi la Renault Clio), elle ne sera jamais proposée autrement qu’en berline.
La 106 Rallye
Dans le sillage de la 205 Rallye, la 106 s’offre une déclinaison sportive accessible et donc moins bourgeoise que la XSi. Elle apparaît dans la gamme en novembre 1993 et reprend l’accastillage de la 205 éponyme. Elle en reprend aussi le moteur 1 294 cc (présent aussi sous le capot de l’AX Sport) passé à l’injection et qui développe 98 chevaux (plus que la XSi à la même époque). Avec elle, ne cherchez pas le luxe ni même le confort : elle offre le strict minimum pour abaisser le poids à 810 kg (30 de moins que la XSi). En 1996, elle troque son 1.3 contre le 1.6 de 103 chevaux de la défunte XSi : elle gagne en couple ce qu’elle perd en caractère et s’éloigne alors de sa définition initiale, celle d’une voiture rageuse et pointue. Elle sort du catalogue en 1998.
Les 106 Roland Garros et Griffe
En 1993, Peugeot décide d’accorder le label Roland Garros à sa petite 106 alors qu’elle le retire à sa 205. Le vert RG lui va très bien, tout comme ses jantes alu de 14 pouces (différentes de celles des XSi), ses phares anti-brouillard, son toit ouvrant et ses logos spécifiques. A l’intérieur, c’est le luxe avec des sièges en cuir blanc et tissu, son volant à trois branches, ses surtapis, et autres petites attentions (comme les ceintures de sécurité rouges). Elle est disponible en 3 ou 5 portes et n’est produite que jusqu’en 1997, y compris en phase 2.
En juillet 1994, c’est au tour de la Griffe d’être lancée. Si la 205 Griffe était une sportive et que le luxe s’appelait alors Gentry, l’appellation est ici signe du très haut de gamme. Elle dispose de teintes spécifiques (bleu marine, gris clair, gris foncé, prune, vert foncé, beige), de jantes alu de 14 pouces et de pare-chocs et baguettes couleur carrosserie. A l’intérieur, la sellerie est intégralement en cuir gris ou beige (selon la teinte de la voiture, avec tableau de bord beige si cuir beige) et reçoit des placages en vrai-faux bois sur la planche de bord. Elle reçoit un équipement impressionnant pour l’époque, et notamment la climatisation (sauf en BVA). Côté moteur, elle reçoit le 1.6 de 90 chevaux, largement suffisant pour une utilisation bourgeoise et citadine. Elle ne sera produite que jusqu’en 1995 et n’aura jamais droit à la phase 2.
Si la 106 cartonne toujours autant (340 000 exemplaires en 1994, 330 000 en 1995), il convient de faire durer la petite lionne en lui offrant une cure de jouvence en avril 1996. A cette époque, la Saxo remplaçait l’AX sur la même base que la 106 dans un style très rond de ce milieu des années 90. La petite Peugeot se devait donc de rester dans le coup en gommant ses arêtes pour plus de galbes. Certains préfèrent, d’autres regrettent le dessin plus acéré de la phase 1, mais grâce à cet habile maquillage, la 106 reste totalement dans le coup. Elle gagne par ailleurs une intéressante version sportive portée à 120 chevaux grâce à ses 16 soupapes et opportunément dénommée S16 et qui remplace la XSi. La Rallye est maintenue au catalogue avec un 1.6 de même puissance mais plus coupleux. Au fil du temps, la politique des séries spéciales revient pour supporter le modèle jusqu’en 2003 et son remplacement par la petite 107. Aux finitions Equinoxe, Symbio, Sport ou Cashmere s’ajoutent les Bahia, Inès de la Fressange, Color Line, Eden Park, Quiksilver, Enfant Terrible et autre Color Line.
La 106 S16
Avec la phase deux, la petite sportive évolue et prend l’appellation S16. Normal puisque son moteur 1.6 reçoit 4 soupapes par cylindres : résultat, puissance en hausse (120 chevaux) tout comme le couple d’ailleurs (145 Nm). Malheureusement, malgré son caractère rageur, il doit composer avec un poids en hausse (988 kg). Cela dit, la S16 reste un véritable petit bolide avec son châssis démoniaque. On lui pardonne donc son équipement et sa finition indignes même à l’époque, d’autant que son look se fait bien moins discret que celui de la XSi voulue plus bourgeoise. Ici, on est dans le sport, et on le montre.
Cela n’empêche pas les ventes de fléchir à partir de 1998 (275 000 ex) mais surtout 1999 (136 000). La 106 descend même à 70 000 en 2002 avant de tomber à 35 000 la dernière année. Normal, la sortie de la 206 a ringardisé la petite Peugeot, tandis que le poids des ans se faisait sentir. La dernière 106 sort des chaînes en 2003 sans qu’une descendance directe ne soit prévue dans l’immédiat. Il faudra attendre 2005 pour voir une 107 encore plus petite apparaître sur le marché. Il est vrai que les automobiles de ce segment devenant de moins en moins rentables, il fallait trouver un partenaire pour répartir les frais. Pour se maintenir sur ce marché, PSA s’alliera avec Toyota et construira une usine dédiée en République Tchèque. Mais cela, c’est une autre histoire.
Discrète bien que pétrie de talent, la 106 a parfaitement joué son rôle. Moins révolutionnaire que la Renault Twingo (sortie en 1992 et produite jusqu’en 2007 en Europe et 2012 à l’international), elle fera pourtant aussi bien qu’elle en termes de production pour une carrière plus courte. Si l’originalité de la Twingo a marqué les esprits, le sérieux et la pertinence de l’offre de la 106 a permis à Peugeot de performer sur un marché réputé difficile et partagé avec ses cousines Citroën (AX puis Saxo). Avec ses nombreuses finitions et déclinaisons, il y en a pour tous les goûts, de la première voiture (Kid) à la petite bombinette (XSi, Rallye, S16) en passant par les luxueuses Griffe, Roland Garros ou Eden Park. Par chance, leur vocation citadine et leur fiabilité permettent d’en trouver encore beaucoup sur le marché de l’occasion et offrent une alternative à la 205 de plus en plus collectionnée. A noter qu’il existe une version électrique qui fera l’objet d’un article dédié (ainsi qu’à ses cousines AX et Saxo).
Un commentaire
Merci Paul pour cet article.
Je suis étonné que tu mentionnes que la version 5 portes soit 10cm plus longue que la 3 portes.
Dans mon souvenir, c’est la phase 2 qui a rajouté ces 10 cm, aussi bien en 3 qu’en 5 portes.
D’ailleurs, je crains d’avoir raison: dans cette vidéo de 1992, l’essayeur précise, vers 1mn14s, que la nouvelle version 5 portes n’a « pas d’augmentation de taille ».
🙂
https://www.youtube.com/watch?v=jcl9O2T2k18&t=74s