Né du hasard et de la concordance des planète, la MG RV8 est un roadster à l’ancienne qui se veut pourtant moderne, clin d’oeil au passé et teaser du futur, en bref, un truc comme seuls les anglais savent faire : réalisé à l’arrache, avec un budget riquiqui, une certaine dose de kitsch (ou d’humour anglais, au choix) et pour un prix délirant. Et malgré tout cela, ce roadster RV8 est totalement indispensable.
Production (1993-1995) :
2 014 exemplaires (1 983 exemplaires de série et 31 de développement ou pré-séries, dont seulement 24 immatriculés).
311 exemplaires vendus en Angleterre, 91 dans le reste de l’Europe, et 1 581 au Japon.
La bonne idée de British Motor Heritage
Tout commence en 1988, par le biais d’une filiale de Rover Group, British Motor Heritage (voir encadré). Cette dernière, répondant à une demande croissante de propriétaires de MG B biodégradables, se lance enfin dans la production de carrosseries neuves. Suggérée par des membres du MG Car Club en visite à l’atelier, l’idée de produire un roadster reprenant le style de la MG B tout en utilisant des composants plus modernes et un moteur V8 fait son chemin chez BMH qui va alors réaliser deux prototypes : l’un utilisant un V8 3.5 litres et l’autre, plus complexe, dont la suspension est totalement revue et doté de la version 3.9 litres. Si l’idée est séduisante, BMH préfère rester dans le champ de son activité principale, et abandonne le projet. Pourtant, ces deux modèles vont donner des idées à la toute nouvelle division Rover Special Product (RSP) : commercialiser une version moderne de la MG B en série limitée afin de donner du temps au projet PR3 (la future MG F) tout en l’annonçant. Une sorte de teaser en fait !
British Motor Heritage
British Motor Heritage (BMH) est créée en 1975 au sein du groupe British Leyland avec une idée simple : continuer à fournir sa clientèle en pièces détachées pour ses modèles anciens (on dirait aujourd’hui “classiques”) à partir de l’outillage d’origine et pour toutes les marques du groupe. L’activité se poursuit au sein d’Austin Rover Group (1982) puis Rover Group (1986) mais se diversifie en 1988 avec la production de nouvelles carrosseries pour les MGB. L’activité carrosserie se développe en 1991 avec les Midget, mais aussi des modèles Triumph dans les années 90. En 1994, BMH passe (comme tout le groupe Rover) entre les mains de BMW qui revend l’entreprise à des investisseurs privés en 2001. Depuis, BMH continue ses activités de façonnage de pièces détachées et de carrosseries pour de nombreux véhicules anglais (notamment la Mini).
5 millions pour un Revival V8
Depuis quelques années, Austin-Rover, puis Rover, regrette d’avoir abandonné le marché du roadster à l’anglaise sans arriver à concrétiser (voir encadré Midget Concept). Mais c’est le lancement de la Mazda MX-5 qui va réveiller (enfin) les anglais. Deux projets sont lancés en 1989, DR2 (voir encadré plus bas) et PR3. Le second remporte la mise en 1991 mais nécessite encore au moins 4 ans de développement. Le projet BMH porté désormais par RSP tombe donc à pic pour faire patienter la clientèle et annoncer haut et fort le retour de MG. La direction approuve la stratégie et offre un tout petit budget : 5 millions de livres, pas une de plus. En janvier 1992, la voiture dénommée RV8 (sans doute pour Revival V8) est présentée aux concessionnaires. Les brochures commerciales sont imprimées en juin, tandis que le petit roadster est présenté au public en octobre au Salon de Birmingham.
MG Midget concept (1983)
En 1980, MG cessait la fabrication de la MGB pour se recentrer sur l’habillage un brin sportif des Metro, Maestro et Montego. Adieu roadster à l’anglaise, qui séduisit tant et tant d’amateurs et de jeunes conducteurs. On pensait ce temps-là révolu et passéiste. Rapidement pourtant, l’état-major d’Austin-Rover Group constate les limites de cette politique et entend plancher sur une vision plus moderne. Alors que les équipes planchent sur le projet AR6 censé remplacer la Metro, on tente d’en décliner une version jeune, pimpante et sportive dénommée Midget Concept. Cette Midget rentrait donc dans le plan AR6 composé d’une citadine siglée Austin, d’une autre plus luxueuse badgée Vanden Plas, et de versions sportives MG visant particulièrement le marché américain (atmo et turbo, berline, coupé et roadster Midget). Ce plan n’ira jamais à son terme, le nouveau Rover Group préférant la solution de facilité en lançant une Série 100 directement dérivée de la Metro.
Une MG B au goût du jour
La RV8 s’équipe donc, comme son nom l’indique, du V8 Rover 3.9 litres de 190 chevaux. La MG B, dans sa version GT, l’avait déjà utilisé entre 1973 et 1976, mais jamais sur le roadster (bien que Costello en ait produit une trentaine d’exemplaires au début des années 70). Le vrai progrès de la RV8 réside surtout dans sa suspension totalement inédite et autrement plus moderne que l’antique système de la MG B : bras superposés, ressorts hélicoïdaux, amortisseurs hydrauliques télescopiques et barre antiroulis à l’avant ; essieu rigide, bras longitudinaux, ressorts à lames semi-elliptiques, amortisseurs hydrauliques téléscopiques et barre antiroulis à l’arrière. Le gros des éléments mécaniques et des pièces détachés viennent de la banque d’organes Rover (y compris la BVM 5 vitesses) permettant de rester dans le budget attribué par la direction. Vous noterez l’étonnante provenance des feux avant : tout simplement de la Porsche 911 993.
MG DR2 / PR5 prototype (1989)
La sortie de la Mazda MX5 (ou MX-5, ou Miata, appelez-là comme vous voulez) résonne comme un coup de tonnerre en Angleterre : contre toute attente, il existe encore un marché pour les petits roadsters de ce type, et c’est un japonais qui propose la meilleure solution. Certes, Lotus, sous l’égide de GM, sort au même moment l’Elan M100, mais elle coûte bien plus cher (et déçoit les puristes par sa qualité de traction). Rover Group va donc explorer ce marché sans savoir précisément dans quelle direction aller. Deux projets sont menés : l’un s’appelle PR3 et explore l’idée d’un roadster accessible à moteur central arrière, l’autre se nommant DR2 (il sera renommé PR5 plus tard) et préfigurant un roadster plus haut de gamme à moteur V8 avant, et pouvant porter la marque MG comme Austin-Healey. Présenté en 1989, le DR2 utilise un châssis de TVR Tasmin 350i modifié et le bien connu V8 3.9 Rover. Le projet PR3 l’emporte finalement et devient la MG F en 1995.
Une série limitée qui fait craquer le Japon
Dès le départ, la RV8 se veut une série limitée, produite au compte goutte jusqu’au lancement de la MG F. Le prix prohibitif de 26 000 livres est là pour veiller à ne pas trop en vendre : il s’agit malgré tout d’un produit artisanal et il faut que BMH puisse suivre la production des carrosseries. On envisage entre 1 500 et 2 000 exemplaires sur les seuls marchés en conduite à droite, essentiellement en Grande Bretagne et au Japon. La production commence en mars 1993 et la voiture est présentée au Salon de Tokyo en octobre de la même année. Les japonais tombent amoureux de la voiture instantanément, et MG repart avec 1 300 bons de commandes. En tout, il s’en vendra 1 581 exemplaire au pays du soleil levant, soit près de 80 % de la production de série. La production prend fin le 22 novembre 1995, laissant définitivement la place à la MG F.
A bien y réfléchir, quel coup de communication ! D’une part, la voiture donnait vraiment envie, malgré son apparence obsolète, et d’autre part, elle permettait de faire revivre la marque pendant 3 ans (de la présentation à Birmingham jusqu’au lancement de la F) pour un coût finalement dérisoire. Il faut parfois faire preuve d’audace et d’ingéniosité quand on a pas ou peu de moyen, et Rover, qui n’avait à l’époque pas les moyens que lui apporterait BMW ensuite, a su joué le coup tel un Maestro !