Si la 204 était une véritable révolution (tant pour Peugeot que sur le marché), la 304, elle, n’était qu’une simple évolution. Pourtant, elle inaugurait un nouveau segment pour la marque : celui des berlines compactes, à une époque où les gammes commençaient à se structurer. Chaînon manquant entre la “petite” 204 et la grande 504, la 304 va permettre à Peugeot d’élargir sa clientèle à moindre frais quand Citroën dépensait sans compter pour développer une GS. Une stratégie prudente, mais payante.
Production (1969-1979) : 1 178 423 exemplaires (dont 849 103 berlines)
De la « petite » 204. à la « grande 304
Revenons en 1965. Cette année-là, Peugeot surprenait la concurrence en présentant la 204, une voiture polyvalente d’entrée de gamme, plus novatrice que sa ligne à trois volumes ne le laissait paraître : première traction de la marque (si l’on excepte les utilitaires D3/D4), elle offrait un moteur moderne en alliage léger, à arbre à cames en tête et placé en position transversale. Rapidement, la petite Peugeot conquiert une nouvelle clientèle et séduit les amateurs de la marque. En 1968, la 504 succède à la 404. Si elle en conserve les fondamentaux (propulsion, fiabilité, solidité), elle offre un style inimitable avec ses yeux à la Sophia Loren et modernise l’image de la marque. Avec ces deux best-sellers, Peugeot tenait là un duo gagnant. Duo ? Pas tout à fait. Peu de temps après le lancement de la 204, Peugeot sent qu’il y a un coup à jouer avec un troisième modèle permettant de s’offrir une véritable gamme sans lourds investissements : la 304.
Complément de gamme
S’inspirant de la Peugeot 204 pour la partie technique et de la 504 pour la partie cosmétique, la 304 est une habile synthèse des deux : plus statutaire, plus volumineuse et plus puissante (7CV) que la 204, elle s’offre la face avant de la 504. L’astuce consiste à récupérer la plate-forme de la 204 sans changement majeur, mais en rallongeant le coffre. La voiture gagne alors 15 cm en longueur (4 140 mm contre 3 990) et paraît plus cossue (une méthode déjà employée par Renault pour avec la Renault 10, dérivée de la R8). Ses deux paires de feux arrière hexagonaux parachèvent l’impression d’une montée en gamme. Côté moteur, il faut là aussi en donner un peu plus. Alors que la 204 proposait un moteur XK de 1 130 cc, 6 CV fiscaux et 53 chevaux, la 304 s’offre une nouvelle version 7CV appelée XL3 accouplé à une boîte longue à 4 vitesses : à la clé, 1 288 cc au profit du couple, et 65 chevaux. Cela paraît peu mais à l’époque, c’était largement suffisant.
La 304 à la conquête des USA
Alors que Peugeot a réussi a diffuser près de 26 000 exemplaires de la 404 dans les années 60 aux USA, il devient évident que la « petite » 304 pourrait rencontrer une petite clientèle dans le sillage de la VW Type 1 ou des petites japonaises nouvellement importées là-bas. Dès 1970, la 304 à peine modifiée (essentiellement les feux avant pour respecter la législation) est donc commercialisée aux Etats-Unis en version Sedan ou Station Wagon aux côtés de la grande 504. Bien évidemment, la compacte sochalienne fera un bide, et sera retirée du catalogue outre-Atlantique en 1972 après 4 269 exemplaires vendus.
La 304 se développe
En 1970, Peugeot va là encore jouer l’entourloupe. Considérant que le “prestige” était l’apanage de la 304, la marque fait un tour de passe-passe en maquillant le coupé et le cabriolet 204 en 304, tout en lui collant sous le capot le XL3. En 1971, l’astuce est réitérée avec le break qui devient par là-même plus court que la berline de 15 cm. En 1972, le coupé et le cabriolet reçoivent une version S du XL3 développant 74,5 chevaux (soyons précis). De quoi proposer un peu plus de nerf à notre placide berline. En 1973, c’est au tour de la berline de recevoir ce moteur pour une version S un peu plus désirable. Cette même année, la 304 reçoit un léger restylage avec de nouveaux feux arrière rectangulaires, un toit rehaussé et un nouvel accastillage du tableau de bord. De quoi durer encore quelques années malgré la disparition du coupé et du cabriolet en juillet 1975. Avec la petite 104 apparue en 1972, les 204 et 504 qui perdurent et la grande 604 lancée en 1975, la gamme Peugeot a alors fière allure et couvre, pour la première fois, l’intégralité des segments du marché.
Peugeot 304 Cabriolet
Production (1970-1975) : 18 647 exemplaires
Peugeot 304 Coupé
Production (1970-1975) : 60 186 exemplaires
Fin de vie contrôlée
Alors que la 305 se profile au bureau d’études de Peugeot, la 304 élargit pourtant sa palette en 1976, profitant de la disparition tardive de la 204 : elle en récupère le moteur diesel 1 347 cc de 45 chevaux et le XK4 essence 1 127 cc de 57 chevaux (uniquement sur l’entrée de gamme Break GL). Apparaît aussi une version fourgonnette tôlée et à trois portes pour avoir l’air chic en Société. L’arrivée de la 305 en 1977 ne signe pas tout de suite l’arrêt de mort de notre bonne vieille 304 : il faut attendre 1979 pour voir la berline sortir du catalogue, et 1980 pour le break. Avec presque 1,2 millions de clients, la 304 aura été une excellente opération pour Peugeot. Son coût de développement quasi nul et sa parfaite complémentarité avec les autres modèles auront fait de cette berline “compacte” un modèle de rentabilité, permettant sans doute à Peugeot d’absorber Citroën entre 1974 et 1976 puis Chrysler Europe en 1979.
Peugeot 304 Break
Production (1971-1980) : 216 183 exemplaires
Peugeot 304 Fourgonnette
Production (1976-1980) : 34 303 exemplaires
Idéale pour débuter en collection
Aujourd’hui, seuls le cabriolet et le coupé sont véritablement collectionnés et c’est fort dommage car cette 304 sent diablement Peugeot et les années 70. Certes, elle ne se distingue pas par sa sportivité mais elle conserve, encore aujourd’hui, beaucoup de charme, avec son intérieur et ses tissus surannés, sa ligne classique de mini-504 et sa modernité (qui la rend toujours agréable à conduire, même sur longue distance). Fiable comme les Peugeot de l’époque, elle est une excellente occasion d’entrer en collection pour la première fois pour un tarif frisant le ridicule. Alors pourquoi s’en priver ?
Chirac et la 304
On ne pouvait terminer cet article sans citer l’un des propriétaires les plus célèbres de Peugeot 304 : il s’agit ici d’un cabriolet, qui servira à une belle séance de communication de notre Chichi national. Opération réussie puisque 45 ans plus tard, on en parle encore !