40 ans après le dernier exemplaire produit, la paire 504 Coupé et Cabriolet fascine encore et toujours les collectionneurs. Il faut dire que ces 504 spécialement dessinées par Pininfarina et sans lien stylistique ou presque avec leur donneuse de berline étaient de toute beauté. Pourtant, bien que plaisantes, ces 504 C n’étaient ni les plus pointues, ni les plus sportives de leur époque et leurs ventes restèrent relativement confidentielles. Preuve en est que le charme se suffit à lui-même pour durer dans le temps et que la nostalgie est souvent plus forte que la réalité technique et chiffrée. C’est toute la force de l’élégant dessin italien de ce couple de coupé / cabriolet : une méthode que Peugeot réitérera des années plus tard avec la 406 Coupé.
Production (1969-1983) : 31 163 exemplaires (8 188 cabriolets et 23 175 coupés)
Dont : 7 211 cabriolets 4 cylindres, 977 cabriolets V6, 16 949 coupés 4 cylindres et 6 229 coupés V6
La tradition Peugeot
Fidèle à la tradition initiée par la 203 au lendemain de la guerre, Peugeot décline chacune de ses berlines en de multiples versions, et notamment coupé ou cabriolet. La 403 (sans coupé cependant) et la 404 n’y échappèrent pas, il n’y avait pas de raison que la nouvelle 504 lancée en 1968 s’en prive malgré des ventes toujours restées confidentielles. Il en allait de l’image plus que de la rentabilité, histoire de rendre glamour des berlines réputées pour leur sérieux plutôt que pour leur sex-appeal. Depuis la 403, Peugeot fait appel à Pininfarina pour son style, y compris celui des coupés ou cabriolet : la même méthode est donc employée pour décliner la 504, avec une différence cependant. Alors que 403 (cabriolet) et 404 (coupé et cabriolet) gardaient une grande proximité de style avec leurs berlines respectives, Pininfarina proposa à Peugeot un pari : faire des 504 coupé et cabriolet des modèles à part, avec leur identité propre. Contre toute attente, la proposition fut validée.
Pininfarina à la baguette (et au stylo)
Car si la 504 était une bonne voiture, solide, fiable et parfaitement adaptée à sa cible, sa face avant plutôt réussie et sa ligne haute semblaient difficilement adaptables à un coupé ou un cabriolet. Ce qui marchait avec une petite voiture (la 204 puis la 304) risquait de rendre pataude une déclinaison plus haut de gamme. Avec habileté, Pininfarina proposa donc deux silhouettes relativement différentes de la berline, avec un tout nouveau regard, plus adapté au marché visé. Le châssis est celui de la 504, évidemment, mais à l’empattement raccourci à 2,55 mètres. Le coupé est sans doute le plus réussi, préservant 4 vraies places tout en offrant un pavillon très bien dessiné. Le cabriolet, lui, s’apprécie surtout décapoté. Toutes deux furent dessinées par Franco Martinengo chez Pininfarina. Les carrosseries étaient réalisées et peintes à Grugliasco, près de Turin, puis expédiées à Sochaux pour l’assemblage final avec le châssis et la mécanique (mécanique, transmission, suspensions).
Une ligne séduisante sur une base très classique
Pour le lancement, Peugeot propose, pour son coupé et son cabriolet, une mécanique éprouvée issue de la berline : un 4 cylindres XM-KF6 de 1 796 cc développant 96 chevaux DIN accouplé à une boîte manuelle à 4 vitesses. Pas de quoi transformer les 504 C en sportives, mais une puissance suffisante pour l’époque : de toute façon, la cible visée par Peugeot s’avère plus bourgeoise que sportive, à qui une mécanique fiable convient plus qu’un moteur pointu, fut-il chantant et agréable. Présentés au salon de Genève en mars 1969, les 504 C rencontrent aussitôt un succès d’estime, mais se paient cher (presque 50 % de plus qu’une berline). La production est lancée et la carrière du duo commence avec confiance. Les deux voitures vont cependant recevoir une évolution moteur dès la fin de l’année 1970. Tout comme la berline, les 504 C troquent leurs 1.8 litre contre un 2 litres XN2 (1 971 cc) à injection mécanique Kugelfischer de 104 chevaux. Le bond en performance n’est pas flagrant, mais le couple supérieur permet une conduite bien plus souple.
Peugeot 504 Riviera
En septembre 1971, Pininfarina présente au salon de Paris sa vision du shooting brake sur la base d’une 504 C : la Riviera. Ce type de carrosserie revenait à la mode (Volvo avec la 1800ES, Reliant Scimitar) et le carrossier italien voyait sa Riviera autant comme une étude de style qu’une proposition faite à Peugeot pour une nouvelle variante de carrosserie. Il fit de même avec la Lancia Gamma quelque temps plus tard, sans plus de succès. En effet, Peugeot refusa la Riviera, non sans avoir hésité semble-t-il. Prudente, la marque préféra rester en terrain connu avec le cabriolet et le coupé. Pininfarina présenta à nouveau la Riviera au salon de Barcelone en mai 1972, puis cacha le prototype qui ne reparut plus jamais. Certaines rumeurs laissent entendre qu’il serait resté en Espagne, d’autres qu’il serait au secret dans les réserves de Peugeot. Cette dernière affirmation semble démentie par Matthias Hossann lui-même qui m’avoua en 2017 s’être inspiré d’un de mes articles sur la Riviera pour les premiers travaux exploratoires du concept Peugeot Instinct. Si l’original semble donc avoir disparu, deux passionnés ont déjà réalisé leurs propres répliques particulièrement réussies.
Un V6 PRV pour sublimer les 504 C
En 1971, tant pour satisfaire une cible plutôt âgée que pour l’export, Peugeot propose une boîte ZF Automatique à 3 rapports. Etrangement, cette dernière sera supprimée en 1972 sur le cabriolet. Mais la vraie révolution pour les 504 C se déroule en 1974. Cette année-là, ils reçoivent un restylage particulièrement appuyé sur les optiques en adoptant des feux rectangulaires à l’avant comme à l’arrière. Ce nouveau regard reste très élégant et apporte une modernité bienvenue, mais change du tout au tout la signature des deux voitures. Côté moteur, les 504 C abandonnent en septembre le XN2 pour ne plus proposer qu’un V6 en avant-première, le fameux PRV qu’on retrouvera par ailleurs l’année suivante sur la grande 604 (mais jamais sur la berline 504). Avec 2 664 cc et deux carburateurs (un simple et un double), ce 6 cylindres développe seulement 136 chevaux et renchérit encore plus la voiture qui vise de plus en plus le haut de gamme. Goulu à la pompe alors que la crise de 1973 se paie encore cash, le PRV ne relance pas vraiment les 504 C, au contraire : les ventes s’effondrent rapidement.
Peugeot 504 Targa Caruna
En 1977, un client suisse s’offre une 504 Cabriolet V6 et désire en réaliser une version toute personnelle. Il fait appel au carrossier helvétique Caruna (qui travaillait déjà sur des Mercedes) qui lui propose de retravailler le style (on aime ou pas, chacun ses goûts) mais aussi le concept. De cabriolet, la 504 devient Targa et reçoit des nouveaux feux avant comme arrière, ainsi qu’une nouvelle calandre et une peinture biton. La voiture existe encore aujourd’hui et son nouveau propriétaire lui a consacré un site étonnant à découvrir ici.
Retour à la raison
Il faudra presque 3 ans pour que Peugeot ne corrige son erreur marketing. En 1977, la firme réalise enfin son erreur et réintroduit le 4 cylindres XN2 (désormais fort de 106 chevaux) dans la gamme. Mieux, elle supprime le V6 du cabriolet pour ne le conserver que sur le coupé (à qui il va fort bien malgré tout). Pour pallier la surconsommation et offrir un surcroît de puissance, le PRV passe à l’injection et délivre désormais 144 chevaux. Le caractère du coupé n’en est pas modifié, mais il devient bien plus séduisant dans cette configuration. Autre sujet étonnant : alors que la 504 réalise des scores tout à fait honnêtes aux USA, les 504 C pourtant fort bien adaptés à la clientèle américaine n’y sont pas importés. En 1979, Peugeot étudiera une version plus moderne (et bien moins jolie) à destination des Etats-Unis, dénommée E27, sans aller plus loin que quelques prototypes.
Une fin de carrière tranquille
En 1980, Peugeot n’abandonne pas son coupé malgré ses presque 11 ans d’âge. Elle lui offre un ultime restylage qui modernise (certains disent alourdir plutôt) les lignes des 504 C avec des pare-chocs avant et arrière plus volumineux. Non peints sur les versions 4 cylindres coupé et cabriolet, il le sont sur le coupé V6 qui est le seul à sortir gagnant de ce lifting de fin de carrière. Les ventes déclinent lentement et deviennent encore plus anecdotiques au sein du groupe PSA devenu n°1 européen avec le rachat de Chrysler Europe. En août 1983, la production est arrêtée et les 504 C restent sans descendance. Certes, on pensa en 1984 à créer un coupé et un cabriolet 505 pour la clientèle américaine mais le projet restera lettre morte malgré deux prototypes. L’heure n’était plus aux grands coupés bourgeois, du moins dans l’esprit de Peugeot. L’entreprise n’y reviendra qu’en mai 1997 avec le lancement de la 406 Coupé.
Images : Peugeot, DR, Caruna
Un commentaire
Super article 🙂