Né par hasard au début des années 50, le roadster Dyna Junior (puis cabriolet) devait n’être qu’une petite série de 500 exemplaires. Pourtant, ce petit jouet à la ligne minimaliste restera en production pendant 5 ans et contribuera à dynamiser la marque Panhard jusqu’alors cantonnée à la production d’une Dyna X pleine de qualité mais à l’esthétique discutable. Si la Junior n’atteindra jamais des volumes de production énormes, elle n’en est pas moins un joli succès d’estime pour la marque doyenne à un moment où les difficultés s’amoncellent.
Production (1952-1956) : 4 707 exemplaires
Dont : 770 roadsters et 3 937 cabriolets
Le marché américain : une occasion à saisir
Alors qu’avant-guerre, Panhard jouissait d’une certaine réputation dans les véhicules de luxe, elle doit se contenter à la Libération d’un créneau de production dans les petites voitures (3 à 5 CV). Lancée en 1946, sa Dyna X jouit d’une excellente réputation grâce à ses petits bicylindres à plat vifs et sportifs, et à une tenue de route exemplaire pour l’époque (traction). Sa principale concurrente, la Renault 4CV lancée en 1947, est certes moins chère et produite en plus grande série mais son moteur s’avère moins puissant et sa conduite plus délicate à gérer pour le conducteur lambda (mécanique en porte à faux arrière). Aussi, quand un certain Fergusson, distributeur automobile de New York, propose à Paul et Jean Panhard, début 1951, de créer un roadster à destination de la jeunesse étudiante américaine, ils y voient rapidement une occasion à saisir.
Une Dyna X idéale pour en décliner un roadster minimaliste et sportif
Jusqu’alors, Panhard, faute d’un réseau suffisant, se contentait du marché français ou belge et d’une diffusion homéopathique partout ailleurs. Avec la proposition de Fergus Motors, on entrevoit la possibilité du marché américain et la création d’un nouveau modèle avec un débouché assuré. L’idée est simple : offrir un roadster séduisant, sportif et abordable à une jeune clientèle de plus en plus séduite par les petites anglaises du même acabit (MG ou Triumph). En s’associant avec Panhard, Fergusson pense pouvoir offrir une alternative intéressante : il faut dire que le châssis brillant de la Dyna X s’y prête et permettra d’offrir une tenue de route inconnue chez les anglaises.
Un prototype réalisé en un temps record
Pour réaliser un prototype, Panhard fait appel à l’un de ses sous-traitants, la Société Industrielle Aéronautique et Automobile (SIAA). Tenue par la famille Di Rosa, la SIAA travaille de longue date avec Panhard pour des carrosseries de poids-lourds ou d’autocars mais n’a pas d’expérience en automobile. Cependant, l’un des dessinateurs de l’entreprise, Albert Lemaître, va s’atteler à la tâche et sortir en un temps record un premier prototype, début juin 1951. Ce dernier ressemble à ce que deviendra la Junior, mais avec un porte à faux avant moins long, une calandre spécifique et une seule porte (un choix étonnant). Panhard approuve la direction prise par Lemaître, qui va dans le sens économique dicté par le cahier des charges, mais demande de revoir la copie sur de nombreux détails.
Le refus américain, l’obstination française
Pourtant, l’aventure déraille rapidement. Les retours américains ne sont pas bons. Dans un premier temps, Fergusson critique la ligne du prototype et demande la réalisation d’un nouveau dessin. Puis, fin juin, c’est la douche froide. Prétextant la Guerre de Corée et l’indécence à proposer un tel modèle à la jeunesse américaine lorsque nombre d’entre eux partent combattre à l’autre bout du monde, il annule bonnement et simplement le projet. Adieu les USA. Mais le coup de Jarnac américain ne suffit pas à décourager Panhard. Confiante dans le potentiel d’un tel modèle de niche et de la plus-value d’image qui en découle, la marque doyenne décide de continuer seule et commande deux prototypes à Lemaître et à la SIAA pour une exposition au Salon de Paris en octobre. Le succès est au rendez-vous et Panhard se décide à produire le petit jouet en série. Jusqu’alors, l’investissement a été relativement faible : châssis et moteurs existent déjà, et seule la carrosserie est à réaliser. En outre, il s’agit d’un roadster minimaliste à l’équipement famélique, ce qui permet de gagner de l’argent malgré un tarif inférieur à celui de la Dyna X.
Des ambitions modestes
Panhard reste modeste dans ses ambitions et passe commande de 500 exemplaires à la SIAA qui s’engage à fabriquer cette petite série. Avenue du quai d’Ivry, l’usine est entièrement dédiée à la Dyna X, aux camions et au matériel militaire. Chez Di Rosa, on saute sur cette commande mais ses ateliers à La Garenne-Colombes sont trop exigus. Il faut donc louer une nouvelle usine à Saint Denis. Grâce à l’avance de Panhard, la SIAA se dote d’outillages et recrute des équipes de montage. La production peut donc commencer en avril 1952. Pourtant, l’inexpérience du sous-traitant pour une telle cadence automobile, fut-elle restreinte comme celle du roadster, saute rapidement aux yeux de Panhard. Non seulement le rythme n’est pas tenu mais la qualité en pâtit. Dès l’été 1952, la firme parisienne reprend une partie de la fabrication pour soulager son partenaire. Mais cela ne change rien au problème et l’intégralité de la production de la Junior est rapatriée chez Panhard en novembre 1952. Cette situation mettra la SIAA en faillite mais sauvera la Junior.
Des évolutions régulières
Pour ses débuts, la Junior Roadster propose un unique moteur de 4CV : le flat twin de 745 cc issu de la Dyna X et développant 38 chevaux. Sa calandre s’inspire d’ailleurs de la petite berline Panhard et donne l’illusion d’une gamme. Cependant, au printemps 1953, la Junior évolue. Elle propose tout d’abord une mécanique 5 CV de 851 cc et 42 chevaux qui donne encore plus de peps à la voiture. Enfin, une nouvelle version apparaît, moins spartiate : le cabriolet, reconnaissable à son pare-brise fixe en trois parties, à sa banquette 3 places et ses poignées de portes extérieures. Rapidement, c’est cette finition qui prendra le dessus, le roadster devenant anecdotique. La Junior est particulièrement cruciale à cette époque. En effet, la Dyna X s’efface en juin 1953 mais sa remplaçante, la Dyna Z, ne doit entrer en production qu’en décembre. Pendant toute cette période, la Junior est donc l’unique modèle Panhard disponible (hors stocks).
Une gamme simplifiée
Au salon de Paris 1953, la Junior évolue encore et gagne une nouvelle calandre plus discrète et plus personnelle, affinant sa ligne et accentuant son air de jouet pour adulte. Avec 2 819 exemplaires produits cette année-là, la Junior réalise un carton plein étant donné l’étroitesse de son marché et montre une belle progression grâce à ses évolutions (681 exemplaires en 1952). Pourtant, jamais la Junior n’atteindra plus ces sommets. Non pas par désaffection du public, mais par obligation, pour Panhard, de donner la priorité à la nouvelle Dyna Z sur laquelle pèse la survie de l’entreprise. La Junior est un peu délaissée. Elle abandonne ses version 4CV en juin 1954 (de toute façon il ne s’en vendait quasiment plus avec seulement 18 modèles produits en 1953) et propose, en option, un surpresseur MAG permettant au flat twin d’atteindre les 60 chevaux et 145 km/h. En juillet 1954, Panhard fait réaliser un prototype de cabriolet 4 places mais abandonne rapidement le projet. La production 1954 tombe, elle, à 781 unités seulement.
Nissan Figaro (1991) : l’héritière nipponne
Si la Panhard Junior n’eut jamais de descendance, elle inspira 35 ans plus tard la marque japonaise Nissan pour son étonnante Figaro (une inspiration revendiquée). Faisant partie du programme Pike Factory qui proposait à une clientèle limitée des modèles différents en série limitée, la Figaro est un amusant petit cabriolet 2+2 (uniquement disponible en conduite à droite) basée que la Nissan Micra de l’époque. Produite uniquement en 1991, elle sera vendue à 20 073 exemplaires (dont un petit millier pour l’export vers la Grande Bretagne).
La Junior condamnée par la 2CV Fourgonnette
En 1955, la situation financière de Panhard n’est pas au mieux, et les négociations avec Citroën permettent d’envisager plus sereinement l’avenir, croit-on. Ces accords offrent de l’air et de la trésorerie, pour un temps, notamment grâce à la fabrication de la 2CV Fourgonnette dans l’usine parisienne du 13ème arrondissement. Or cette nouvelle chaîne d’assemblage condamne, à terme, la Junior dans une usine sur deux niveaux qui n’est pas extensible. Ses ventes sont d’ailleurs tombées à 378 exemplaires en 1955 (tandis que le roadster, vendu au compte goutte, a été retiré du catalogue en mars). Quelques cabriolets seront encore produits en 1956 (48 pour être précis) mais la Junior tire sa révérence en mars, sans descendance. Dommage, au même moment paraissait une nouvelle petite sportive sur base 4CV, l’Alpine A106, qui sera à l’origine d’une belle marque automobile quand Panhard disparaîtra, elle, en 1967.
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