Si Peugeot est sans le constructeur le plus touché par la guerre, avec des usines pillées, détruites, et surtout libérées bien plus tard que ses concurrents, elle dispose au catalogue d’une voiture encore très moderne qui lui permet d’exister commercialement le temps qu’un nouveau modèle arrive : la 202. Cette dernière, lancée en 1938, est encore tout à fait dans le coup en cette deuxième moitié des années 40. Elle tiendra son rang avec honneur jusqu’en 1949, finalement remplacée par la moderne 203.
Production (1945-1949) : 74 094 exemplaires
Dont : 39 169 berlines, 1 463 cabriolets, 1 121 commerciales et 32 341 utilitaires
Production totale 202 (1938-1949) : 139 718 exemplaires.
Reconstruire l’après-guerre
Lancée en février 1938 dans la catégorie des 6 CV, la 202 remplaçait la 201 et offrait le style de la grande 402 à une clientèle plus modeste. Malheureusement, la guerre empêche cette voiture moderne d’avoir une carrière normale. Dès l’été 1940, la Société Anonyme des Automobiles Peugeot passe sous contrôle allemand et la production automobile est stoppée (hors quelques utilitaires jusqu’en 1942) pour participer à l’effort de guerre du Reich. Commence alors un résistance passive avec l’appui de la direction, consistant à faire baisser drastiquement la productivité de l’usine de Sochaux. Avec le passage sous l’autorité de Ferdinand Porsche et d’Anton Piëch en 1943, la résistance devient même active (passage des plans des V1 vers Londres, mais aussi de nombreux sabotages). De nombreux outillages modernes sont confisqués par l’Allemagne et envoyés à KdFStadt (qui sera renommée Wolfsburg après-guerre) pour l’utilisation exclusive de Volkswagen, et des ouvriers et cadres déportés : la famille Peugeot en gardera une inimitié tenace vis à vis de Porsche, expliquant son opposition absolue à l’utilisation du 901 au début des années 60.
Une 202 toujours moderne au catalogue
Alors que la plupart des grands constructeurs voient leurs installations libérées dès août 1944 (Renault, Citroën, Ford SAF, Simca, Panhard), Peugeot doit patienter jusqu’au 18 novembre pour que Sochaux soit débarrassée des allemands. Il faut reconstruire les bâtiments largement détruits lors des bombardements alliés, acheter des outillages neufs ou récupérer ceux, volés, qui se trouvent en Allemagne. En un temps record, l’usine retrouve une forme de normalité et la production de pièces détachées peut reprendre courant 1945 (quelques utilitaires seront aussi fabriqués au compte goutte). Ce n’est qu’en mai 1946 que la production de véhicules de tourisme peut reprendre. Si l’étude de la future 203 a commencé pendant la guerre, la voiture n’est encore qu’au stade de l’ébauche. Peugeot décide donc de reconduire sa petite 202 dont le caractère économique correspond bien à la demande du moment et qui reste relativement récente. Seule Citroën et Renault disposent, avec la Traction et la Juvaquatre, de voitures encore dans le coup en cet immédiat après-guerre.
Des nouveaux freins pour une nouvelle mouture
Si quelques 402 (61 exemplaires selon les archives de Peugeot) sont produites en 1946, c’est donc sur la 202 que compte Peugeot pour se relancer et patienter avant l’arrivée du nouveau modèle. Les premiers exemplaires tombent des chaînes en mai 1946, d’abord uniquement en berline avant que la gamme ne soit élargie à l’occasion du salon de Paris en octobre : berline découvrable, cabriolet, Break “woody” et, bien entendu, les utilitaires (châssis cabine, camionnette, fourgon tôlé ou ambulance). Cette nouvelle gamme s’appelle 202 BH (tourisme) ou UH (utilitaire). Ce “H” vient souligner une amélioration majeure pour la 202 : l’abandon des freins à câbles pour un système hydraulique bien plus performant et moderne. Ainsi équipée, la petite Peugeot est tout à fait dans le coup. Son moteur 4 cylindres en ligne à soupapes en tête, bloc fonte et culasse en alliage de 1 133 cc reste moderne et offre 30 chevaux. C’est suffisant pour mouvoir les 815 kg de la berline dont la carrosserie profilée permet d’atteindre les 100 km/h.
Une concurrence toute relative
Petit à petit, Peugeot retrouve, grâce à la 202, une production normale. Chez la concurrence, la Citroën Traction est sur un autre créneau (11 CV) tandis que la moderne Panhard Dyna X (3 CV) s’avère bien plus modeste. La vraie concurrente se trouve chez Renault qui a repris la production de sa Juvaquatre en attendant l’industrialisation à grande échelle de la petite 4CV. Lancée en 1937, elle est relativement moderne mais son moteur à soupapes latérales de 1 003 cc et 23 chevaux s’avère bien poussif par rapport à celui de la 202, sans parler de sa tenue de route jugée médiocre. Elle conserve cependant pour elle une certaine robustesse et un coût d’usage relativement bas.
La 203 prend la relève
Si la carrière de la 202 est relancée, ses jours sont pourtant comptés. Dès le salon de Paris 1947, Peugeot annonce (sans la présenter) la sortie prochaine de la nouvelle 203 qui doit positionner la marque dans le milieu de gamme (7 et 8 CV). Sa silhouette est d’ailleurs présente dans le catalogue distribuée aux visiteurs. L’annonce de cette nouveauté freine un peu les acheteurs de 202 mais il faudra patienter jusqu’en octobre 1948 et le Salon suivant pour voir la 203 sur le stand Peugeot. La production démarre en mars 1949, signant la fin de la carrière de la vénérable 202 BH.
Avec 74 094 exemplaires fabriqués, la 202 BH/UH aura dignement tenu son rang : c’est plus de la moitié des 202 produites entre la fin 1938 et le début 1949, preuve que cette voiture était encore à la page. Avec sa calandre caractéristique enfermant ses deux feux avants, la 202 restera familière pour de nombreux français jusqu’à la fin des années 50, connaissant une seconde carrière en occasion.
Images : Peugeot, DR