Fin 1981, la nouvelle marque du groupe PSA présentait sa nouvelle citadine, la Samba. Il était temps car depuis la disparition de la 1000 en 1978, Simca puis Talbot ne disposait plus d’entrée de gamme. Pour combler ce manque rapidement, le groupe français n’avait pas eu d’autre choix que de faire du neuf avec du vieux. Cependant, l’excellente base, des moteurs solides, l’intelligence, la débrouille et un ingénieux marketing firent de la petite Samba une excellente voiture. Malheureusement, elle ne connaîtra pas le succès espéré : la situation financière de PSA, les grèves à répétition à Poissy, la concurrence interne de la Peugeot 205 et la disparition programmée de la marque condamnèrent la petite Talbot à faire de la figuration sur le marché. Dommage.
Production (1981-1986) : 288 010 exemplaires (Poissy, Madrid)
Dont 13 062 cabriolets et environ 11 000 Rallye (estimation).
Un nouveau groupe et une nouvelle marque
Lorsqu’au printemps 1978, Peugeot-Citroën annonce le rachat de Chrysler Europe (Simca en France, Rootes en Grande Bretagne et Barreiros en Espagne), l’opération semble une bonne affaire. Sur le papier, le nouveau groupe PSA devient le numéro 1 en Europe. Pas mal quand, dix ans plus tôt, Peugeot n’était que le 3ème constructeur français. Rapidement pourtant, la situation s’avère moins reluisante que prévu : les filiales européennes de Chrysler n’étaient qu’un agglomérat de sociétés aux gammes disparates, aux marques essentiellement nationales et à l’outil industriel vieillissant. La crise pétrolière issue de la révolution iranienne, fin 1979, n’arrangea pas les choses. Toujours est-il que PSA se retrouve dans une situation délicate pour relancer l’ex-Chrysler Europe dont les marques ont été unifiées sous celle, unique, de Talbot.
Créer l’entrée de gamme
Au sein de la gamme Simca, les dernières 1000 ont quitté les chaînes de Poissy en 1978. Ce petit modèle à moteur arrière était déjà largement obsolète mais permettait l’accès à la gamme pour une poignée de francs. Sa disparition laissait un vide en dessous de la 1100, appelée à disparaître elle-aussi, et de l’Horizon. Chez PSA, on comprend rapidement que Talbot ne pourra pas survivre sans une citadine mais qu’il faudra faire vite. Dans les cartons de Chrysler Europe se trouve bien un projet de petite voiture nommé C2, mais il est désormais hors de question de partir de bases techniques Chrysler Europe. Seul le projet C9, trop avancé, sera maintenu : il deviendra Tagora mais en reprenant de nombreux éléments Peugeot (trains roulants, V6). Pour la C2, on repart de zéro. Enfin pas tout à fait. Passé maître pour accommoder les restes, PSA va faire ce qu’il sait le mieux faire : du neuf avec du vieux. Déjà, la technique avait bien réussi avec la LN/LNA chez Citroën qui s’était offert une citadine à moindre frais sur une base de 104. Pourquoi ne pas faire de même pour Talbot ? La solution n’a que des avantages : temps de développement réduit, investissements modestes, et même rentabilisation des investissements consentis pour la 104. Pour une solution plus ambitieuse, on verrait plus tard, après le lancement de la M24 chez Peugeot (205) prévue pour 1983.
Une pimpante Samba conçue en un temps record
Entre le rachat effectif de Chrysler Europe (juillet 1978) et le lancement de la Samba (novembre 1981), les équipes n’auront pas chômé et l’on voit alors tout l’intérêt de choisir une base éprouvée pour lancer un nouveau modèle. Pourtant, la Samba n’est pas tout à fait une 104 trois portes. Les équipes PSA ayant décidé d’orienter la marque Talbot vers le luxe et le sport (la Tagora SX et son V6 PRV de 165 chevaux en étant le manifeste), il convient de faire mieux que l’opération LN/LNA dont le clonage ne fait aucun doute aux yeux du public. La solution va vite être trouvée : la Samba ne sera proposée qu’en 3 portes, mais son empattement rallongé de 11 cm par rapport à la 104 Coupé (2 340 mm contre 2 230) et sa longueur totale portée à 3 505 mm (contre 3 300 pour la 104 Coupé). La petite Talbot s’approche donc en longueur de la berline 104. Ce châssis modifié offre donc plus de standing et d’espace intérieur à la Samba, mais aussi une tenue de route améliorée, ce qui n’est pas négligeable.
Une 104, mais en mieux
Côté style, là encore, on peut être admiratif : si le profil de la 104 ne disparaît pas totalement, les designers ont réussi à transformer la Samba en une mini Horizon, et cela lui va bien. La compacte de Simca était particulièrement moderne à son lancement, et la Samba prolonge agréablement ce dessin au début des années 80. A sa présentation au Salon de Paris d’octobre 1981, la petite Talbot fait sensation : il faudra attendre la sortie de la 205 début 1983 pour que la Samba perde son avantage. Pour la partie mécanique, PSA choisit de privilégier ses moteurs X qui ont fait leurs preuves. Les deux premiers modèles commercialisés, la LS d’entrée de gamme et la GL mieux équipée, sont équipés du 1 124 cc de 50 chevaux, accouplé à une boîte de vitesses à 4 rapports, permettant d’atteindre les 145 km/h et surtout de descendre sous la barre des 5 litres aux 100 : un argument non négligeable en ce début des années 80.
Un cabriolet signé Pininfarina
En mars 1982, Talbot élargit enfin la gamme de sa nouvelle citadine en présentant la GLS. Il s’agit de la version “haute” de la Samba, mieux équipée encore, et dotée du 1 360 cc à carburateur double corps (72 chevaux) déjà vu sur la 104 ZS notamment. Elle récupère par ailleurs une boîte à 5 vitesses et offre à la fois le chic et le punch. Cette dernière évoluera au millésime 1984 (à partir de juillet 1983) avec deux carburateurs simple corps et 80 chevaux. Cependant, c’est au printemps 1982 que la vraie cerise sur le gâteau arrive : le cabriolet. Basée sur la GLS dont elle partage le moteur (et son évolution à 80 chevaux en 1983), elle a été dessinée par Pininfarina qui en assume la fabrication près de Turin. Afin d’assurer une rigidité optimale, elle adopte un arceau parfaitement intégré à la ligne, une solution qui sera retenue aussi sur la 205 Cabriolet.
La Rallye met le feu
La sortie du cabriolet est un message fort : à cette époque et à ce niveau de gamme, ce type de carrosserie se fait rare et positionne clairement la Samba comme un modèle chic et fun, surtout avec sa motorisation pétillante. A défaut d’un succès énorme (13 062 exemplaires entre 1982 et 1986), le cabriolet servira de laboratoire pour la 205 qui, elle, confirmera le bien fondé de la formule (72 125 exemplaires) et qui lui succédera sur ce créneau au sein de PSA. La Samba initiera aussi un autre genre chez PSA : le sport accessible (et performant) avec la Rallye lancée en décembre 1982 (dans une version d’homologation à 200 exemplaires destinée aux titulaires d’une licence FFSA) puis début 1983 (pour le grand public). L’objectif est clair : proposer une voiture amusante à conduire, sur la route comme en compétition, pas chère (et à l’équipement spartiate) et permettant l’homologation dans différentes catégories sportives.
Le 4 cylindres 1 219 cc à deux carburateurs double corps développe 90 chevaux. Cela peut paraître peu, d’autant que Peugeot lance en mars 1984 une 205 GTI 1.6 litre à injection de 105 chevaux (dépassant le cap fatidique des 100 canassons), mais en réalité, le châssis bien né de la 104 et opportunément rallongé pour la Samba permet de tirer pleinement profit de toute la puissance. Agile, bondissante, et rugissante, elle tient largement la comparaison avec sa sœur sochalienne qui devra corriger le tir avec un kit PTS (125 chevaux) et une version “de série” gonflée à 115 chevaux. Cependant, la concurrence n’existe pas vraiment : la GTI s’adresse à une clientèle plus huppée, cherchant de la performance mais aussi du confort (relatif cependant) et du standing : la mode est à l’ostentatoire. La Rallye, elle, s’adresse à une clientèle plus restreinte, plus jeune, et plus désargentée. Surtout, elle s’adresse à des amateurs de sport automobile. Le concept fait mouche avec environ 11 000 exemplaires produits (il s’agit d’une estimation, les chiffres détaillés n’existant pas) et se déclinera justement chez Peugeot en gardant la même appellation (Rallye) et le même concept. Les bonnes idées se recyclent toujours. En 1985, la Rallye s’assagira pour repasser à 80 chevaux avec le même moteur que la GLS et le cabriolet : ce dernier opus sera le chant du cygne pour la Samba.
La Samba vite dépassée
En effet, après une année 1982 mémorable (116 279 exemplaires), le soufflet Samba retombe vite (85 808 unités en 1983). La concurrence frontale de la 205 n’y est pas étrangère, sans parler, à partir de 1984, de la Super 5 de Renault. La Samba n’aura été moderne qu’une seule année, le temps d’être supplantée par une nouvelle génération de citadines plus adaptée à la demande et surtout plus moderne (nouveaux châssis, injection etc). Le sort de Talbot sera rapidement scellé : entre la baisse des ventes de tous les modèles sans exception, les grèves à répétition, les difficultés financières de PSA entre 1980 et 1983, il devient vite évident que le groupe ne pourra pas assumer 3 marques généralistes, et la dernière née en fera les frais : seules Peugeot et Citroën passeront l’année 1986. La Samba tiendra la baraque quelques temps, avec des séries spéciales (Bahia, Sympa) et des tarifs particulièrement attractifs (à l’encontre du positionnement initial de la marque) sans pour autant enrayer la baisse inéxorable des ventes : 42 093 en 1984, 18 330 en 1985 et, pour terminer, 6 741 en 1986.
La Samba achève donc sa carrière dans l’indifférence générale : la 205 caracole au sommet de la hype tandis que la nouvelle Citroën AX récupère le rôle de la citadine fiable et abordable. Il n’y a pas de place pour la Samba alors que Talbot disparaît définitivement. Malgré cette disparition sans gloire, la Samba n’aura pas démérité. Avec 288 010 exemplaires, elle aura vaillamment lutté, initié des concepts (cabriolet, Rallye), et contribué à faire de la plate-forme 104 une légende, aux côtés des LN/LNA, Visa, et surtout le légendaire C15 (sans parler de la R14 qui est une cousine avec ses moteurs et son train avant).
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Images : PSA, DR