Lancée en 1938, la Juvaquatre connut un démarrage difficile. Si l’arrivée d’une berline (4 portes) annonçait des jours meilleurs en 1939, la Seconde Guerre mondiale mit un coup d’arrêt brutal à la petite Renault. Relancée à la libération, elle sert surtout de sparadrap, le temps que la 4CV soit lancée en 1948. On aurait pu croire sa carrière terminée mais c’était sans compter sa résilience : profitant d’une architecture plus adaptée aux utilitaires et aux breaks, elle fera de la résistance jusqu’en 1960. Conçue avant guerre, elle sera, de fait, une voiture d’après-guerre, certes archaïque mais vaillante et fiable, surtout une fois remotorisée dans les années 50.
Production (1937-1960) : 251 728 exemplaires (dont 183 075 entre 1945 et 1960)
Dont Coach (1937-1948) : 24 056 exemplaires ; Coach découvrable (1938-1948) : 691 exemplaires ; Coupé (1939) : 81 exemplaires ; Berline (1939-1951) : 41 393 exemplaires ; Fourgonnette (1938-1960) : 101 634 exemplaires (Dauphinoise comprise) ; Fourgonnette Service (1945-1960) : 32 669 exemplaires (Dauphinoise comprise) ; Break (1945-1960) : 21 045 exemplaires (Dauphinoise comprise)
Des débuts difficiles
La Juvaquatre est présentée au public en octobre 1937, au Salon de Paris. Il s’agit pour Renault de revenir sur le marché des voitures populaires (6 CV), créneau qu’elle avait quitté en 1929 pour se concentrer sur des véhicules plus luxueux (et plus rentables). Ce programme avait été lancé en 1935 et donnait la priorité à un coach (4 places 2 portes) inspiré de l’Opel Olympia et motorisé par un 4 cylindres de 1 003 cc de 21 chevaux SAE (BVM 3 vitesses). La production en série commence au début de l’année 1938 mais la concurrence française bien plus séduisante (Peugeot 202, Simca 8) lui taille des croupières malgré des tarifs supérieurs. En cause : un design trop classique, une tenue de route perfectible et une accessibilité faible tandis que les agents et concessionnaires privilégient les hauts de gamme Renault, bien plus rentables que cette petite populaire.
Une gamme vite élargie
Si Renault introduit dès 1938 un coach découvrable qui restera confidentiel, c’est en 1939 que le taureau est pris par les cornes avec le lancement d’une berline 4 portes (suicides) et d’un coupé sans doute trop élitiste. Les ventes reprennent alors un cours acceptable, surtout grâce au lancement dès 1938 des versions Fourgonnette qui resteront jusqu’en 1960 la colonne vertébrale de la gamme Juvaquatre. En tout cas, avec une gamme remaniée et plus adaptée, la Juvaquatre pensait légitimement reprendre la main sur le marché. Malheureusement, la guerre stoppera sa carrière en 1940 même si une poignée de coupés, berlines, coach ou fourgonnettes fut produits jusqu’en 1943.
Juvaquatre Coupé
Au printemps 1939, Renault présente une version coupé de sa Juvaquatre. La guerre, déclarée en septembre, empêche d’envisager une industrialisation et le coupé restera fabriqué artisanalement, augmentant son coût et limitant sa diffusion. 68 exemplaires seront produits avant-guerre, et 13 après guerre, pour un total limité à 81 unités : une vraie rareté. Renault Classic en possède encore un exemplaire en parfait état de marche que l’auteur a pu conduire : l’expérience est bluffante et la voiture très agréable. Cependant, l’heure n’était plus à ce type de carrosserie, du moins pour un temps et Renault cessera rapidement (1946) sa production. Il faudra attendre le lancement de la Floride en 1958 pour retrouver ce type de carrosserie.
La relance de 1945
D’une certaine manière, la vraie carrière de la Juvaquatre commence en 1945. Une fois les usines de Billancourt reconstruites, et vu le positionnement affecté à Renault par le Plan Pons, la Juvaquatre devient le modèle essentiel à la relance en attendant le lancement de la future 4CV, étudiée pendant la guerre et devant poser les bases de la petite berline populaire française. Jusqu’en 1948, la Juvaquatre devient l’offre quasi-unique de la Régie. Ainsi, la berline reprend du service (et ce jusqu’en 1951) et lutte à nouveau avec les Peugeot 202 et Simca 8. Son moteur type 488 à soupapes latérales est un peu daté, mais fiable. Pour accompagner la reconstruction est les besoins de déplacement, c’est largement suffisant. De toute façon, la 4CV doit prendre la relève et enterrer la Juvaquatre.
Des versions break et utilitaire persistantes
Enterrer la Juvaquatre ? Pas tout à fait. L’architecture choisie pour la nouvelle Renault, avec son moteur en porte à faux arrière et à 4 cylindres en ligne n’est pas compatible avec les potentiels dérivés utilitaires. La Juvaquatre en revanche profite d’un moteur à l’avant pour devenir une alternative en configuration utilitaires. Si les berlines disparaissent du catalogue rapidement (tout comme le coupé et la découvrable, produits à quelques exemplaires après-guerre), le break lancé en 1945 permet d’offrir une voiture polyvalente (utilitaire et familiale), bon marché, fiable à défaut d’être très performante. La Fourgonnette va elle aussi connaître son heure de gloire, résistant au lancement de la Colorale en 1950 grâce à un tarif bien plus abordable. Elle en deviendra même la plus féroce concurrente, lui survivant en récupérant un moteur de 4CV dès 1953 : un Billancourt de 747 cc et 21 chevaux. De quoi lui donner un nouveau souffle.
La Dauphinoise relance le modèle
En 1956, les Break, Fourgonnette et Service reçoivent le moteur de la Dauphine dit Ventoux. Avec 24 chevaux pour une cylindrée de 847 cc, la Juvaquatre prend le nom de Dauphinoise et continue à dépanner de nombreux français. Certes, son châssis reste antédiluvien (séparé et soudé à la carrosserie) et sa tenue de route totalement dépassée, mais elle est rapidement livrable, coûte peu cher, et dispose d’un moteur moderne. De quoi tenir jusqu’en 1960, soit 23 ans de carrière ! Au total, 251 728 exemplaires sortiront des usines de Boulogne-Billancourt (1937-1952), de Flins (1952-1960), de Vilvoorde (1938-1960), de Londres (Acton, CKD, 1947-1951) ou de Haifa (CKD 1955-1959).
Contre toute attente, celle qui, surclassée par ses concurrentes, semblait condamnée à une carrière ratée sera celle qui durera le plus longtemps de toutes. C’était cependant un pis-aller pour Renault qui, regonflé par le succès de la 4CV puis de la Dauphine, n’hésita pas à revoir totalement sa copie en entrée de gamme en lançant en 1961 sa fameuse R4 dont les dérivés utilitaires deviendront, à l’instar de la 2CV Fourgonnette, les stars de nos villes ou de nos campagnes et de nos boîtes aux lettres.
Photos : Renault Classic, Paul Sernine, DR
2 commentaires
Mr Sernine, il serait de bon ton de citer les sources qui vous ont servies à rédiger cet article.
Ne vous en déplaise, il y a eu un travail avant vous!
MS
Monsieur Sliwowski, merci de préciser votre demande parce vous semblez avoir une idée précise !