Après 4 années d’occupation, les constructeurs français sortent exsangues du conflit. Pour relancer la machine, Simca est contrainte, comme ses concurrents, de relancer ses modèles d’avant-guerre, la petite Simca 5 d’une part, mais surtout la brillante Simca 8. Copie conforme de la Fiat Balilla 1100, la 8 est encore dans le coup lorsque sa commercialisation reprend en 1945. Reconnue pour sa vivacité, la Simca 8 reprend donc du service, permettant à la firme de Nanterre de se refaire une santé et de profiter de la nouvelle donne automobile au lendemain de la guerre pour devenir un grand constructeur français, de plus en plus indépendant de son actionnaire, Fiat.
Production (Nanterre, 1937-1951) : 113 165 exemplaires
Dont : Simca 8 1200 (1949-1951) : 46 828 exemplaires
Une marque relativement jeune
Lorsque la fin de la guerre est signée le 8 mai 1945, Simca est encore un jeune constructeur. Créé en 1934 sur les cendres de la SAFAF (Société Anonyme Française des Automobiles Fiat) et grâce au rachat de l’usine du constructeur Donnet, à Nanterre, la Société Industrielle de Mécanique et de Carrosserie Automobile est dirigée par un ambitieux et jeune italien, Henri Théodore Pigozzi. En ce milieu des années 30, Simca est donc une filiale de Fiat chargée de produire les modèles italiens en France pour contourner les lourds droits de douane de l’époque. C’est dans ce contexte qu’elle lance en 1937 la Simca 8, qui n’est qu’une réplique à peine modifiée de la Fiat Balilla 1100 508C.
Une voiture vive et nerveuse
Il s’agit d’une voiture moyenne de 6 CV fiscaux qui correspond alors au cœur du marché automobile. Ses principales concurrentes de l’époque sont la Renault Juvaquatre lancée la même année, et la Peugeot 202 présentée l’année suivante : les trois voitures seront d’ailleurs relancées en même temps à la Libération et se partageront ensemble le nouveau marché émergent dans l’attente de nouveaux modèles, plus modernes. En 1937, la Simca 8 reste, comme de nombreuses autres, fidèles à la propulsion, laissant à la Traction Citroën de gamme supérieure l’avant-gardisme des roues avant motrices. Cependant, la Simca 8 est une voiture technologiquement à la pointe. Elle dispose d’un moteur 4 cylindres culbuté à soupapes en tête accouplé à une boîte à 4 vitesses (dont les deux dernières sont synchronisées). Son freinage est hydraulique, ses roues avant indépendantes et sa carrosserie monobloc haute résistance. La mécanique est particulièrement brillante, et le 1 089 cc s’avère vif et nerveux, avec 32 chevaux sous le capot : la Simca 8 s’avère une redoutable concurrente pour Peugeot et Renault.
La fiabilité est en jeu
Une campagne habilement orchestrée se sert des qualités du moteur Simca-Fiat pour semer le trouble parmi la clientèle : un bloc si brillant ne peut pas être fiable. La rumeur d’une fragilité moteur fait du mal à la Simca 8 et Pigozzi réplique par une idée géniale : prélever sur les chaînes de Nanterre un modèle au hasard, devant huissier, et lui faire effectuer un test d’endurance de 50 000 km dont 10 000 km sur le circuit de Montlhéry (115 km/h de moyenne), 20 000 sur route (65 km/h) et 20 000 dans les rues de Paris (54 km/h tout de même). C’est ce qui fut fait le 8 mai 1938, prouvant non seulement la résistance de la Simca 8 mais aussi sa sobriété (entre 6 et 6,5 litres au 100 km en moyenne). La 8 devient alors la voiture préférée des conducteurs véloces, laissant les Juvaquatre et 202 aux automobilistes pépères. Rapidement, la gamme Simca 8 ne se contente pas de la berline. Un cabriolet 4 places est présenté dès 1937 tandis qu’un coupé 2 places est lancé en 1938. Ces productions resteront marginales mais seront elles aussi relancées après-guerre pour quelques exemplaires.
Le lent redémarrage
Comme tous les constructeurs, Simca va souffrir de l’occupation et des bombardements alliés mais l’usine de Nanterre s’en tire sans trop de dégâts et peut rapidement reprendre ses activités, dès 1945. Avec la guerre, les cartes ont été rabattues et les rapports de force peuvent évoluer rapidement. Le Plan Pons place Simca à la bonne place, aux côtés de Peugeot : la gamme des 6 à 8 CV, les voitures moyennes qui sont encore pour quelques années le cœur du marché. La Simca 8 est parfaitement adaptée à ce créneau et conserve des atours encore modernes et sa production redémarre dans le courant de l’année 1946. De la Libération au démarrage de la production, l’usine de Nanterre s’est refait une virginité et un petit pécule financier en réparant les moteurs des Jeep de l’armée américaine.
Une Simca 8 à la relance
En 1946, la reprise de l’activité reste modeste : 11 900 exemplaires sortent des chaînes (essentiellement des Simca 8 mais aussi des petites Simca 5). Pour répondre à la demande pressante d’utilitaires, Simca dévoile ses 8 fourgonnettes et châssis cabine. Petit à petit, l’usine de Nanterre monte en cadence, aidée par la sortie de la Simca 6 (une évolution de la 5) en 1947. Pendant ce temps, on étudie un nouveau modèle, la Simca 9 Aronde, prévue pour 1951 et la Simca 8 doit donc continuer à séduire : elle reçoit pour cela un restylage en 1949 qui lui permet de rester dans le coup, d’autant qu’elle reçoit le nouveau moteur prévu pour l’Aronde, un 1 221 cc de 41 chevaux. Grâce à ce lifting cosmétique et technologique, la nouvelle Simca 8 1200 va rencontrer un certain succès puisqu’elle se vendra à 46 829 exemplaires en seulement 3 ans, réalisant près de la moitié de la production totale du modèle depuis 1937.
Remplacée par l’Aronde
En mai 1951, l’Aronde est enfin inscrite au catalogue, permettant à la Simca 8 de prendre une retraite bien méritée. En ce début des années 50, le style Ponton a pris le dessus sur les carrosserie d’avant-guerre et l’Aronde mise sur ses atouts physiques pour séduire. Contrairement à la Simca 8, cette dernière est une vraie Simca originale, malgré des dessous techniques encore très italiens. La 8 ne pouvait de toute façon plus lutter face à la nouvelle Peugeot 203 devenue sa principale concurrente. Elle aura été produite à 113 165 exemplaires tout de même.
Images : André Leroux et DR