Avec la montée progressive de Citroën à son capital, Panhard perd chaque année un peu plus d’indépendance. Contrainte à ne pas concurrencer l’actionnaire, la marque doyenne doit aussi faire face à des budgets ridicules pour renouveler sa gamme. La PL17 (qui deviendra sur le tard 17 tout court) en est la conséquence : au lieu d’un remplacement de la Dyna Z, elle n’en sera qu’un restylage certes visuellement profond, mais techniquement semblable et pour une diffusion quasiment identique. Une diffusion identique, certes, mais insuffisante pour sortir Panhard de l’ornière où elle se trouve.
Production (1959-1965) : 166 192 exemplaires
Dont 3 191 utilitaires (1960-1965) 2 998 breaks (1963-1965), 398 cabriolets (1960-1963)
Lieux : Paris (75), Forest (Belgique 1959-1963, 12 234 ex), Orléans (break, cabriolet), Montevideo (Uruguay 1962-1968, 168 ex) Lucan (Irlande, 1960-1961, 30 ex)
Rénover la Dyna Z
Depuis la fin de la guerre, Panhard étonne avec ses voitures osant titiller les grandes avec un gabarit taille fillette : la Dyna X d’abord, puis la la Dyna Z à la fin de l’année 53. Malgré de grandes qualités, ces voitures subissent les défauts de leur constructeur : une capacité d’investissement moindre, un outil industriel sinon obsolète du moins peu adapté à la production en grande série (notamment l’usine de l’avenue d’Ivry, sur plusieurs étages), un réseau moindre que ses concurrents et une image de marque jugée pointue. En conséquence, les Dyna, bien qu’économiques à l’usage, se paient au prix fort en concession. Etranglée par les investissements du début de la décennie (Dyna Z et engin blindé EBR), Panhard n’a d’autres solutions que de s’adosser à Citroën qui, de 25 % des parts en 1955, passe à 45 % en 1958. Si l’appui des chevrons permet de tenir, c’est aussi un piège qui se referme : la production en exclusivité pour Citroën des 2CV Fourgonnettes lui font en réalité perdre de l’argent, grevant un peu plus ses capacités à se renouveler. Pire, la proximité avec Javel l’empêche d’aller sur les mêmes terrains de jeu, la condamnant à la voiture de milieu de gamme dont la clientèle reste très conservatrice. La classe moyenne française accédant à la mobilité préfère investir dans des valeurs sûres, la Simca Aronde ou la Peugeot 403.
Chirurgie esthétique
L’année 1958 est cruciale pour Panhard. Si les effets de la fusion des réseaux avec Citroën font apparaître une croissance des ventes en 1957 (bien éphémère), la concurrence devient particulièrement rude : l’Aronde vient de devenir P60 et s’avère redoutable, tandis que la Dauphine chez Renault séduit une large clientèle. La Dyna Z, plus chère, se retrouve aussi sur le créneau de la 403. Il s’agit donc de réagir et d’offrir un peu de nouveauté en lançant une héritière à la Dyna pourtant relativement récente sous le nom de projet V338. Si le concept initial prévoit un tout nouveau modèle, la réalité comptable change rapidement la donne : on se contentera d’améliorer l’existant. Sous l’égide de Louis Bionier, responsable des carrosseries avenue d’Ivry, les équipes vont conserver la cellule centrale de la Dyna Z (ainsi que la mécanique) tout en remodelant l’avant comme l’arrière, donnant l’impression à la clientèle d’une nouvelle voiture.
De la Dyna à la PL17
Le projet V338 devient alors la Panhard PL17 : 17 pour 6 places, 6 litres et 5 CV fiscaux. La voiture est présentée à la maison de la Chimie le 29 juin 1959 et la direction joue sur les mots pour faire passer une idée simple aux journalistes : il s’agit bien d’un nouveau modèle. Il est vrai que le travail de Bionier a payé car la poupe et la proue jouent du trompe l’œil en allongeant la voiture. Ainsi, la cellule centrale perd visuellement sa similitude avec la Dyna Z. En outre, le passage au tout acier (déjà initié sur la devancière). Sous le capot, la partition reste pourtant la même avec un bicylindre de 851 cc de 42 chevaux SAE en version normale et de 50 chevaux (SAE toujours) en version Tigre, destiné à tracter les 805 kg seulement de la nouvelle berline. Enfin, les deux lettres PL (pour Panhard et Levassor) rappellent le passé mais inscrivent la voiture dans une gamme, au-dessous des DS et ID. L’inclusion façon Citroën est en route.
Economique à l’usage, chère à l’achat
L’intérieur de la PL17 est lui aussi travaillé pour améliorer l’héritage Dyna : il semble plus cossu bien qu’il faille opter pour le modèle Grand Standing pour avoir l’impression d’un soupçon de luxe. Malgré cela, le prix reste très élevé, que ce soit en version de base (729 000 francs) ou haute (769 000 francs). Il est certes en baisse par rapport aux dernières Dyna Z, mais met la PL17 en concurrence avec la gamme supérieure (403, ID) plus qu’avec ses concurrentes réelles (Aronde, Dauphine). D’autant que pour la performante Tigre, il faut débourser 799 500 francs. C’est le prix pour les 145 km/h promis. Cependant, comparer n’est pas raison car Panhard en général et la PL17 en particulier ont une place à part sur le marché. Les modèles de la marque ont certes des mécaniques de petite cylindrée, à deux cylindres, mais ils offrent des performances étonnantes grâce à leur légèreté. Ils sont vifs et réputés sportifs, et touchent une clientèle cherchant une voie différente entre les populaires Renault et les trop sérieuses Peugeot : un positionnement proche de Citroën absente sur ce segment.
Utilitaires et cabriolet complètent la gamme
La première année pleine, 1960, la PL17 remplit ses objectifs (modestes) et 34 909 exemplaires tombent des chaînes. C’est mieux qu’en 1959 (environ 12 000 Dyna et 12 000 PL), mais pas suffisant pour peser sur le marché automobile français (environ 2 %, utilitaires compris, hors 2CV Fourgonnettes). Petit à petit, Panhard devient plus un sous-traitant qu’un partenaire pour Citroën dont les productions à l’usine Panhard dépassent celles en propre. Pourtant, dès la fin de l’année 1960, Panhard propose un utilitaire dérivé de la 17 dénommé F50 ou F65 selon les versions. En juillet déjà, la gamme avait reçu des améliorations : abandon des portes suicide tandis que le moteur passe à 848 cc sans changement de puissance. A l’automne 1960, Panhard se voit confier la fabrication de la 2CV Sahara 4×4 tandis qu’elle annonce la sortie du cabriolet PL17 avec la ferme intention de conquérir l’Amérique, sans succès. En France et en Europe, sa diffusion sera elle aussi minime, avec 398 voitures produites à Orléans entre 1960 et 1964.
Décollage difficile
Malgré ces nouveautés, la mayonnaise ne prend pas : la production baisse à 29 746 exemplaires en 1961 tandis que Citroën lance un modèle situé dans une zone similaire, bien qu’un peu plus bas de gamme : l’Ami 6. Le signe est clair : le milieu de gamme n’est plus l’apanage de Panhard au sein de l’association avec Citroën. Les voitures ne sont pas vraiment concurrentes mais l’Ami 6 rétrécit encore un peu plus le potentiel de la PL17. L’année 1962 sera un peu meilleure (33 698 unités) mais la berline semble désormais incapable de conquête, attaquée de toute part (notamment par la Simca 1000 et la Renault 8). A l’initiative d’un carrossier italien qui deviendra trop gourmand, Panauto, un break est étudié puis fabriqué à Orléans et commercialisé en 1963 (voir encadré) tandis que la PL17 est revisitée : ses moteurs passent à 50 chevaux SAE pour l’entrée de gamme, et 60 pour le Tigre grâce à un nouvel arbre à cames tandis que les tambours de freins sont améliorés (ETA pour Évacuation Thermique Accélérée). Avec 31 185 exemplaires, Panhard limite la casse mais a dans ses cartons un nouveau projet dénommé 24 qui, dans un premier temps, doit accompagner la 17 en version coupé, puis la remplacer avec une berline du même style.
Panhard PL17 Break (1963-1965, 2 998 ex)
Dès le début de la PL17, Panhard pense à un dérivé break mais n’a pas été retenu pour la commercialisation. Pourtant, une société italienne située à Trente, Panauto, imagine produire une gamme de voiture sur la base de la Panhard mais aux carrosseries différentes (berline, coupé, cabriolet et break). Des négociations sont entreprises et Panauto travaille rapidement sur le break dont le premier prototype est surpris sur la route à la mi-1962 avec un avant très carré et un arrière inspiré de chez Fiat : une proposition qui ne plaît pas à Panhard. Un deuxième prototype est préparé, récupérant l’avant de la PL17. Il est exposé au Salon de Paris 1962 et annoncé dans la gamme. Il doit être fabriqué par Panauto et distribué par Panhard. Or, si l’étude du break a bien été financée par la firme doyenne, Panauto exige en sus qu’elle finance les machines-outils. C’en est trop pour Panhard qui récupère ses billes, fait modifier légèrement l’arrière, et produit elle-même le véhicule dans son usine d’Orléans, signant par ailleurs la mort du cabriolet à la diffusion de toute façon confidentielle. Le break fera à peine mieux, peinant à trouver 3 000 clients avant de disparaître.
Des espoirs au désespoir
Présenté à la presse en juin 1963, le coupé 24 séduit immédiatement les journalistes et par ricochet le public mais il ringardise aussi la 17 (qui a perdu son PL afin de rester cohérente avec la 24) que la clientèle imagine vite éclipsée par sa version 4 portes qui ne viendra jamais. Citroën, en prenant définitivement le contrôle de Panhard en 1965, ferme toutes les portes pour une telle évolution tandis que la 17 disparaît cette même année du catalogue. Dix ans après l’entrée du loup dans la bergerie, la messe est dite. Simple évolution de la Dyna Z, la PL17 aura tout tenté pour permettre à Panhard de tenir son rang, sans succès. Elle s’en va tristement après seulement 166 192 exemplaires.
Photos : Panhard, André Leroux, DR
Un commentaire
N’était le dessin de l’auto si datable et isolé, une telle voiture n’avait que des vertus faites promesses laissées en l’état. La valeur aérodynamique, le rendement de son petit bicylindre, après tout on déplace des SUV avec des quarts de védouze aujourd’hui, sublimé par la compétition, la légèreté de l’ensemble. Bref, avec des moyens contenus, c’était bien une voiture d’ingénieur passée au catéchisme Colinchapmanien, Light is right. Et puis non, elle avait du chien la PL17 avec ses faux-airs de prototype VGD (la DS) de 1954. La Renault 10 lui doit un petit quelque chose à la péelledissette. On garde la cellule de la donneuse, on géométrise, refaçonne les volumes antérieurs et postérieurs. C’était bien ainsi que la R8 devint R10. Au reste les portières bordées de joncs aluminium façon fourgons de pompes funèbres conservaient l’air de famille Dyna, façon X. Et puis le break aux feux arrières de fourgonnette 2CV AZU, ouvert comme un conteneur valait bien les DS du genre. Les Simca 1300/1500 lui avaient donné un coup de vieux, sortes de Fiat 1500 alla francese. Son équivalente new age a bien dû être le binôme 1301/1501 en 1966-1967. Un seul regret, l’abandon du phare central de la Dyna Z, comme sur les rondouillardes Tatra 603.