Certes, la 405 a pris une place importante chez les passionnés par son apport non négligeable au redressement de Peugeot, et ses versions sportives ont laissé une trace importante dans la mémoire. Il ne faut pas, pour autant, oublier la 406 qui poussait le curseur encore plus loin et rendait, dans les années 90, une copie presque parfaite. Jouant habilement sur des lignes proches de sa devancière, proposant une qualité de fabrication sans commune mesure, prolongeant la tradition d’un châssis et de trains roulant d’exception et montant en gamme jusqu’à proposer un V6 et un superbe coupé, la Peugeot 406 est une voiture à découvrir ou à redécouvrir.
Production (1995-2008) : 1 674 232 exemplaires (toutes carrosseries confondues)
Dont : 107 654 coupés, et 319 632 breaks.
Moteur V6 (toutes carrosseries confondues) : 53 086 exemplaires (dont 14 000 coupés) ; Moteur 2.0 Turbo (1996-1998) : 13 762 exemplaires
Lieux : Sochaux (25, 1995-2004), Vesoul (70, CKD, 1996-2008), Turin (Italie, Coupé, 1996-2004).
Assemblage des kits en provenance de Vesoul (CKD, 33 216 ex) : Le Caire (Egypte), Kaduna (Nigéria), Bangkok (Thaïlande), Djakarta (Indonésie).
Défi relevé
Avec plus de 1,6 millions d’exemplaires produits, la 406 a fait moins bien que la 405 (plus de 4,5 millions). C’est oublier l’importance d’un marché iranien que la 406 n’a jamais connu, et surtout la désaffection pour les berlines, subissant la concurrence de plus en plus forte des monospaces et l’émergence (déjà) des SUV. Grâce à 3 carrosseries (berline, break et coupé), la familiale de chez Peugeot n’a pas démérité, loin de là, atteignant des scores qu’aucune de ses héritières ne réalisera jamais (407, 508 I ou 508 II). Succéder à l’iconique 405 n’était pas facile et la 406 a relevé le défi avec brio (avec qui ?).
Faire mieux que la 405
Le programme D8 est lancé dans le courant de l’année 1990. La 405 n’a que 3 ans mais le temps de vie des véhicules s’est considérablement raccourci depuis les années 60 ou 70, tandis que la durée de développement reste peu ou prou la même. Le cahier des charges est clair : faire mieux que la 405, en insistant sur la qualité réelle ou perçue, tant en matière de comportement que d’habitabilité. Pour le design, on fait désormais confiance au bureau de style interne dirigé par Gérard Welter. Ce dernier tente un coup de poker le 27 février 1991. A l’heure de présenter les orientations stylistiques sur le toit-terrasse de La Garenne-Colombes, il propose trois maquettes. Deux d’entre elles correspondent parfaitement aux attentes du cahier des charges mais semblent un peu fades, tandis que la troisième, au profil plus bas et aux portes à faux plus courts, offre au regard un profil plus ramassé mais aussi plus sportif. Or c’est ce dernier qui tape dans l’œil de Roland Peugeot et qui servira de base pour la future 406 (signée Laurent Rossi). Il faudra cependant beaucoup de travail et de modifications pour arriver au résultat final.
Plus robuste, plus statutaire, plus bourgeoise
Visuellement, la 406 puise indubitablement son inspiration dans la 405 dont elle reprend la thématique générale, mais la voiture paraît bien plus grande, à juste titre : elle gagne 15 cm en version berline (4,555 m contre 4,408). En version break, c’est encore plus flagrant, avec plus de 32 cm supplémentaires. Dans cette dernière configuration, elle s’approche de la longueur de la 605 phase 2 alors encore au catalogue. A bien regarder 405 et 406, la première paraît presque frêle quand la seconde semble robuste. Avec un châssis affûté dans la tradition des Peugeot, un empattement légèrement plus grand (2,7 mètres) et une suspension sophistiquée mais coûteuse, la 406 se révèle particulièrement intéressante et même capable d’aller titiller les allemande de même catégorie. A l’intérieur, les progrès sont notables et le mobilier semble enfin pouvoir tenir sur la durée. La copie n’est pas parfaite mais on s’en approche d’autant que Peugeot a enfin un peu d’ambition du côté des moteurs. Cependant, la 406 joue la carte d’une certaine discrétion bourgeoise, refusant l’ostentatoire que la 405 avait tutoyé avec ses versions Mi16 et T16. Pour la nouvelle berline, point de version sportive, mais de la puissance en version Turbo essence, ou du velouté avec la version V6.
Peugeot 406 Break
Malgré l’émergence des monospaces sur le marché, Peugeot continue de proposer une variante break pour sa nouvelle 406. Présentée fin 1996, elle offre un important volume de charge tout en conservant une ligne relativement gracieuse. Elle elle est d’ailleurs disponible en version 7 places, dite familiale (1996-2003, 22 721 exemplaires) et dispose de l’ensemble des motorisations présentes sur la berline, y compris le V6. Il en conserve toutes les qualités, de la tenue de route exemplaire à la robustesse de nouveau digne des Peugeot d’antan (404, 504 ou 505).
Une offre moteur complète, jusqu’au V6
Présentée au salon de Paris d’octobre 1995 et commercialisée dans la foulée, la 406 propose trois moteurs essence et deux diesel. La gamme commence avec un 4 cylindres XU5 M3Z de 1 587 cc et 90 chevaux un peu juste pour les 1 245 kg de la voiture. Vient ensuite un XU7 JP4 à 16 soupapes de 1 761 cc et 112 chevaux, beaucoup plus appréciable avec ce surcroît de puissance. Enfin, le nouveau moteur EW10A de 1 997 cc et 135 chevaux coiffe la gamme essence. En diesel, le XUD9 de 1 905 cc propose 90 chevaux quand le XUD11 de 2 088 cc en offre 110 chevaux. Cette offre est largement suffisante pour la majorité des acheteurs, mais n’est pas des plus enthousiasmantes. Heureusement, Peugeot a prévu de la nouveauté rapidement, afin de rendre la 406 non seulement plus sexy, mais aussi plus haut de gamme. Dans le courant de l’année 1996, le XU10 J2TE (1997 cc) apporte un gain de puissance (150 chevaux) mais surtout du couple constamment grâce à son turbo. Le confort est garanti, mais la consommation en hausse. Enfin, et c’est une première pour Peugeot à ce niveau de gamme, la 406 se paie le luxe d’étrenner le tout nouveau V6 ES9, fruit de la collaboration de Renault et Peugeot pour remplacer le PRV, un beau bloc à 60° (enfin, dirons certains) et 24 soupapes de 2 946 cc. A la clé, 194 chevaux, et un nouveau statut pour la 406 qui désormais chasse aussi sur les terres de la 605, d’autant que ce moteur est aussi disponible sur le break commercialisé en octobre (la richement dotée 406 V6 SVE coûte 1 000 francs de plus que la 605 V6 Executive à l’équipement plus chiche, c’est dire ; seul impair, ce faux bois en vrai plastique dont on aurait pu se dispenser).
Peugeot 406 Coupé
En présentant ce superbe dérivé, dessiné par le talentueux Davide Arcangeli fin 1996, Peugeot frappe un grand coup. La voiture séduit immédiatement par ses faux airs de Ferrari et apporte au reste de la gamme glamour et distinction. Retrouvez son histoire complète en cliquant sur ce lien : Peugeot 406 Coupé.
Des ventes très honorables pour une gamme séduisante
Cependant, Peugeot ne s’est pas arrêté là : en présentant fin 96 la version coupé, dessinée et produite par Pininfarina, la marque au lion enfonce le clou, et de quelle manière ! Voilà la gamme 406 au complet et prête à rivaliser avec la production nationale ou étrangère avec bien des atouts. D’ailleurs, pour sa première année pleine (1996), la 406 frappe fort avec 196 611 voitures produites. Elle atteindra son record en 2000 avec 259 491 exemplaires vendus cette année-là. On est loin de celui de la 405 en 1989 (378 283 unités) mais le marché n’est plus le même : la segmentation est de plus en plus poussée, les monospaces ont largement entamé la part de marché des berlines traditionnelles, et la concurrence asiatiques beaucoup plus forte qu’à la fin des années 80, débarrassée des quotas de l’époque. Ceci pour remettre en perspective la performance de la 406 qui, en outre, coûte en moyenne plus cher que son aînée.
Taxi met la 406 en bobine (et en tuning)
En 1998, Luc Besson et Gérard Pirès (à qui l’on doit d’excellentes publicités pour la Peugeot 205 GTI en son temps) présentent leur nouveau film d’action, Taxi. Dans le rôle principal, Sami Naceri joue un chauffeur pas ordinaire à bord d’une 406 largement tunée, prête à coller la misère à de pourtant bien plus impressionnantes Mercedes E 500 ! Le succès du film et de ses suites (la 406 sera présente pour les trois premiers opus, jusqu’en 2003) offrira à la berline sochalienne une exposition rarement vue pour un véhicule. Si l’influence de ces films sur les ventes n’est pas évidente, il faut reconnaître qu’ils auront beaucoup fait pour sa notoriété, notamment à l’international.
Un étonnant restylage
Pour 1999, la 406 reçoit un lifting plutôt étonnant. Alors que les phares initiaux collait plutôt bien à la définition du style Peugeot que la 607 s’apprêtait à inaugurer, et qu’il aurait suffit de peu de cosmétique pour la maintenir cohérente avec la future gamme (607 donc, mais aussi 307 en approche), on décide d’aller dans une direction différente en affinant les optiques avant. Le projet est signé Pininfarina (et non Welter et ses équipes). Pour l’arrière, c’est Heuliez qui s’y colle et réussit, comme à son habitude, à tout changer sans changer grand-chose. La 406 reste évidemment élégante, et gagne encore un peu en sérieux, mais ce restylage reste encore aujourd’hui un mystère. Peu importe, à cette occasion, la gamme des moteurs évoluent. Du côté des blocs essence, le Turbo disparaît (après seulement 13 762 exemplaires, faisant de lui une rareté désirable aujourd’hui) pour laisser place à un 2 230 cc certes plus puissant (160 chevaux) mais sans doute moins particulier. Le V6 change lui aussi et passe chez Porsche pour gagner en puissance (210 chevaux alors que le prix baisse de près de 20 000 francs pour atteindre 197 000 francs). Du côté des diesel, c’est table rase pour laisser la place aux nouveaux HDi 1 997 cc en 90 et 110 chevaux.
La 407 prend le relais
Après une bonne année 2000 (on l’a vu plus haut), les ventes commencent à baisser inexorablement : malgré le restylage et l’offre moteur moderne, la voiture commence à dater tandis qu’elle doit désormais affronter une nouvelle mouture de la Laguna ou l’étrange mais intéressante Citroën C5 (sans même parler de la 607). En deux ans, elle perd la moitié de ses ventes (125 490 en 2002). Présentée en décembre 2003, la nouvelle 407 vient prendre la succession dans le courant de l’année 2004, date de la fin de fabrication de la 406 (le coupé perdurera jusqu’en 2005) pour les marchés classiques. L’usine de Vesoul continuera à produire des kits (CKD) pour une production plus exotique jusqu’en 2008. Robuste, élégante et performante, la 406 est encore aujourd’hui tout à fait à la page (si l’on exclut l’infotainment si important aujourd’hui).
Photos : Peugeot, LIGNES/auto (avec l’aimable autorisation de Christophe Bonnaud), DR