Si la 205 GTI était prévue dès le début du programme M24, la version cabriolet de la petite Peugeot est de son côté un modèle d’opportunité. Avec le succès de la berline 3 ou 5 portes, l’incroyable engouement pour la GTI et l’arrêt programmé de la petite Talbot Samba Cabriolet, l’état-major sochalien entrevoit tout de suite une fenêtre de tir. En collaboration avec Pininfarina, Peugeot va donc étudier puis lancer les 205 CT et CTI en complément d’une gamme déjà fournie. Décliné ensuite en plusieurs versions, la 205 Cabriolet va connaître une carrière exemplaire jusqu’en 1995, contribuant à dynamiser et à enjoliver la famille 205. Un sacré numéro.
Production (1985-1995) : 72 125 exemplaires (dont 27 999 CTI)
Lieux : Turin (Italie, carrosserie), Mulhouse (68, assemblage 1985-1992), Sochaux (25, assemblage 1992-1995)
Un cabriolet opportuniste
C’est en mai 1983 que Peugeot décide de confier à Pininfarina l’étude d’un éventuel dérivé cabriolet pour la petite 205 lancée le 24 février. Les débuts prometteurs de la petite Peugeot incitent ses dirigeants à voir plus grand. La version sportive GTI, prévue dès le départ dans le programme M24 s’apprête à sortir et l’on imagine très bien une découvrable compléter la gamme. Si le Lion ne propose plus de cabriolet depuis l’arrêt de la 504 C, l’expérience continue avec la Talbot Samba qui rencontre un succès d’estime (à défaut de succès commercial). Produite avec Pininfarina, la Samba est prometteuse mais la marque déjà condamnée. Ce sera donc la 205 qui prendra le relais.
Pininfarina à la baguette
Pour Pininfarina, le travail commence avec un cahier des charges strict : respecter au maximum la ligne originelle tout en conservant quatre vraies places. Les sketchs exploratoires montrent des recherches vers une ligne tendant vers le tricorps mais elle sera vite abandonnée au profit de celui que nous connaissons. Pour conserver une certaine rigidité à l’ensemble, le carrossier fait le choix d’un arceau, comme sur la Samba. Comme sur cette dernière, le résultat est étonnant, à tel point qu’on en oublie sa présence. Il faut dire que sur un cabriolet de cette taille, cela choque moins que sur les catégories supérieures, et cela évite de lourdes modifications de renfort. En janvier 1984, le choix du design est entériné et les études passent à un autre stade : celui de la production. Pour cela, le travail va être réparti entre Turin et Mulhouse (Sochaux à partir de 1992) : chez Pininfarina, on prépare la coque tandis que chez Peugeot, on assemble les éléments mécaniques.
Succéder à la Talbot Samba
En avril 1984, les premiers prototypes produits (11 exemplaires) commencent les essais . En novembre 1984, Pininfarina présente sur son stand du Salon de Turin, qui a lieu pour la première fois au Lingotto, la 205 cabriolet, accompagnée d’une autre 205, la Verve (voir encadré). Le succès est total mais personne n’imagine encore que l’un des deux modèles verra bien le jour et qu’il ne s’agira pas du break. Durant l’année 1985, ce sont 52 pré-séries qui sont produites tandis que la GTI cartonne et renforce les dirigeants de Peugeot dans le bien-fondé de leur démarche. La nouvelle version du sacré numéro fait patienter son public, mais est (enfin) lancée le 6 mars 1986, prenant la succession de la Talbot Samba cabriolet après 13 062 exemplaires : l’objectif est évidemment de faire mieux !
Peugeot 205 Verve
Pininfarina, en bon carrossier-assembleur, voit une opportunité intéressante avec la 205 : puisqu’il en assurera la production de la coque modifiée pour la version cabriolet, pourquoi ne pas proposer à Peugeot un projet tout aussi intéressant : un break. C’est l’objectif de la Verve présentée à Turin fin 1984 en même temps que le cabriolet. Le résultat est plutôt élégant, mais n’apporte pas beaucoup par rapport à la 205 à 5 portes dont le hayon permet d’emporter déjà beaucoup. Avec l’apparition prochaine de la 309 plus logeable encore, la direction de Peugeot ne voit pas l’intérêt de multiplier à l’infini les versions et décline la proposition. La Verve restera un concept-car : dommage ou pas ? Nul ne le sait.
Un succès commercial
Faire mieux ? La 205 cabriolet dans toutes ses versions le fera avec brio (avec qui ?) : 72 125 unités, c’est mieux que la Samba, donc mais aussi que la 204 cabriolet, puis la 304. C’est même mieux que la 504. Pour résumer, jamais un cabriolet Peugeot n’aura été autant vendu jusqu’à ce que la 306 dépasse de peu ce score. Il faudra la 206 CC pour passer à un autre niveau (de façon spectaculaire d’ailleurs, avec 369 611 exemplaires). Pour commencer, la 205 cabriolet s’offre en deux versions. La plus désirable est évidemment la CTI, qui singe la GTI sans en être tout à fait une. Si elle dispose bien du même moteur (un 1 580 cc de 115 chevaux), son train avant reste celui de la GT. Sa finition rappelle son aînée sportive, tout comme ses jantes et les gimmicks stylistiques, mais n’attendez pas la même virtuosité. De toute façon, ce n’est pas son rôle. En dessous, on trouve une CT moins tapageuse dont le 1 360 chevaux à deux carburateurs simple corps offre 80 chevaux, une puissance respectable qui correspond à celle de la défunte Samba. Avec 9 306 exemplaires vendus en 1985, le cabriolet se défend plus que bien sur un marché de niche.
La gamme évolue
Avec une majorité de voitures produites en CTI jusqu’en 1988, Peugeot réfléchit à sa gamme 205 Cabriolet autrement. La CT (qui est passée en 88 à un carburateur double corps pour obtenir 85 chevaux) semble mal ajustée par rapport à la demande. Aussi, la décision est prise de proposer une version clairement plus bas de gamme, pour élargir le potentiel du modèle : la CJ. Celle-ci paraît en 1989 avec l’éternel 1 360 cc à la puissance réduite à 70 chevaux. Pour combler l’écart entre CJ et CTI, la série spéciale Roland Garros ( 3 500 exemplaires) prends le relais de la CT en 1990 en reprenant son moteur mais avec une finition particulièrement flatteuse. Le succès de cette première série fera rentrer l’appellation dans la gamme dès 1991.
Le début de la fin
1991 justement : c’est l’année record pour les cabriolets dérivés de la 205. Avec 13 069 exemplaires, elle atteint son pic, profitant à juste titre de son léger restylage (comme toute la gamme) en 1990, reconnaissable à ses phares blancs (entre autres). Pourtant, le poids des ans se fait sentir. La 106 lancée en 1991 n’a pas de dérivé du même genre (même si des réflexions ont été poussées loin chez Peugeot) mais elle annonce la fin de la 205. Si 1992 n’est pas une mauvaise année (11 658 unités), elle annonce des moments plus durs : le passage au pot catalytique combiné à une certaine désaffection pour le genre. Pour satisfaire aux normes, la CTI récupère le 1.9 litre de 105 chevaux commun à la Gentry. La CJ, après avoir atteint les 75 chevaux, passe à l’injection pour la même puissance. La Roland Garros, elle, récupère le 1 580 cc injection, mais limité à 89 chevaux. Les efforts sont louables mais la belle atteint un âge canonique qui se ressent sur les ventes qui dégringolent à 3 630 exemplaires. La fin est proche d’autant plus que le cabriolet 306, plus sexy, plus logeable, plus puissant, plus moderne, arrive.
La 306 Cabriolet prend le pouvoir sur mamie
En 1994, la CTI disparaît, tout comme la CJ, alors que la Roland Garros n’avait pas survécu à 1993. En milieu d’année, au passage du millésime, la place n’est plus occupée que par une 205 Cabriolet unique dotée du 1 360 cc à injection de 75 chevaux. La fin est proche : 715 voitures cette année-là (quelques CTI et CJ, puis des Cabriolets) puis 200 en 1995 pour la dernière année de commercialisation (ce qui veut dire que la “Cabriolet” n’a pas dû être fabriquée à plus de 700 unités, faisant d’elle un collector). Entre le succès du cabriolet 306, l’obsolescence du modèle et l’arrivée prochaine de la 206 (qui se fera attendre jusqu’en 1998), il était temps d’arrêter ce modèle qui n’avait plus d’avenir et dont la logique industrielle coûtait cher. Mais à l’heure de dire au revoir à la 205 dans ses versions découvrables, il y a de quoi être heureux : ce dérivé venu sur le tard dans le plan produit aura tenu ses promesses.
Photos : Peugeot Communication, Car Design Archives, DR