Si Saab est encore aujourd’hui bien connue des amateurs d’automobiles, il s’agit avant tout d’un constructeur aéronautique encore en activité. Saab n’est d’ailleurs que l’acronyme de Société anonyme aéronautique suédoise. Ce n’est qu’après guerre que l’entreprise se diversifia dans l’automobile, mais c’est aussi après guerre qu’elle produisit ses avions les plus emblématiques. L’un des plus célèbres d’entre eux n’est autre que le Saab 37 Viggen, facilement reconnaissable à son aile Delta couplée à des plans canards, préfigurant certains avions d’aujourd’hui (Rafale, Eurofighter). Cela méritait bien de s’y attarder un peu.
Un avion multirôle pour moderniser l’armée de l’air suédoise
La Suède fait partie (encore aujourd’hui) de ces rares pays à produire leurs propres avions de chasse. Une situation qui s’explique par sa neutralité datant du début du 19ème siècle l’obligeant à dépendre le moins possible de l’étranger. Cela lui a permis de posséder une forte industrie de l’armement rapportée à la taille du pays. Au début des années 60, son Armée de l’Air dispose de deux types de chasseurs : le Saab 32 Lansen (« lance ») mis en service en 1955 et dédié à l’attaque au sol, et le Saab 35 Draken (« dragon ») mis en service en 1960 et destiné à la supériorité aérienne. Si la paire d’avion est encore relativement moderne, l’Etat Major Suédois décide de lancer un programme de renouvellement de sa flotte en privilégiant un unique avion capable de remplir plusieurs mission. La demande est officiellement formulée au début de l’année 1963 et les ingénieurs de chez Saab se lance alors dans le programme Viggen (« tonnerre »).
Saab développe le Viggen
Le cahier des charges est relativement simple : un avion multirôle (reconnaissance, y compris maritime, attaque au sol, interception, et bien entendu entraînement), capable de voler tant à Mach en basse altitude qu’à Mach 2 en haute altitude, de maintenance facile (y compris par des hommes peu formés, réservistes ou appelés) et à décollage et atterrissage court. Devançant la demande officielle, Saab avait déjà commencé à travailler sur un tel projet dès 1958, et les contours de l’avion se dessinaient déjà au début de l’année 1962. Une fois l’accord obtenu, le projet Viggen est véritablement lancé pour aboutir au premier vol du premier prototype le 8 février 1967
La doctrine suédoise
Afin de résister le mieux possible à une attaque soviétique et pour profiter au maximum de son vaste territoire, l’Armée de l’Air suédoise a développé une doctrine privilégiant le saupoudrage de ses avions dans de multiples endroits protégés (abris anti-aériens camouflés) et proches de portions de routes ou d’autoroutes permettant le décollage et l’atterrissage des avions. Ils doivent pouvoir y être réarmés, ravitaillés voire réparés sur chacun des points par des personnels sommairement formés, qu’ils soient appelés ou réservistes. C’est cette doctrine qui oblige l’utilisation d’avions à décollage et atterrissage court, d’où les spécifications du Viggen.
Aile delta et plans canard
Pour cet avion multirôle, Saab a fait le choix de l’aile delta chère à Dassault et à son Mirage III. Cette dernière facilite le vole hypersonique mais rend les distances de décollage et d’atterrissage particulièrement longues. Pour compenser ce handicap et répondre au cahier des charges, Saab va astucieusement doter son avion de plan canard à l’avant des ailes (ils sont ici fixes, contrairement au Rafale bien des années plus tard) mais aussi d’un système d’inversion de poussée. Grâce à ces deux ingénieuses décisions, le Saab 37 Viggen réussit l’impensable : allier vitesse de vol et atterrissages/décollages courts.
Un moteur américain sous licence Volvo
Pour motoriser l’avion, Saab s’équipé d’un turboréacteur Volvo RM8A. Méfiez-vous cependant de son appellation : il s’agit d’un moteur américain Pratt & Whitney JT8D produit sous licence en Suède. En effet, malgré le talent des ingénieurs suédois, il est impossible de développer et produire à des coûts acceptables un réacteur 100 % scandinave. D’ailleurs, les précédents Saab 32 Lansen et 35 Draken utilisaient, eux des réacteurs Rolls Royce Avon (Volvo RM5 et RM6). La production sous licence permet donc habilement de défendre un semblant de neutralité industrielle même si personne n’est dupe, particulièrement les soviétiques.
Une longue carrière suédoise
Au total, 7 prototypes sont produits pour le développement de l’appareil : 6 monoplaces et 1 biplace. Ils donneront naissance à 4 versions distinctes dans un premier temps : l’AJ37 destiné à l’attaque au sol (mais capable d’interception), le SF37 de reconnaissance, le SH37 de reconnaissance maritime, et le SK37 biplace dédié à la transformation opérationnelle et à l’entraînement. Ce sont 180 exemplaires qui sont commandés en avril 1968 et dont les livraisons commencent à partir de 1971 (108 AJ37, 17 SK37, 28 SF37 et 27 SH37). Une version appelée JA37 dédiée à l’interception et dotée d’un moteur Volvo RM8B plus puissant est développée ultérieurement (premier vol en 1972) : elle est commandée à 147 exemplaires pour compléter la dotation de l’armée de l’Air suédoise. Au total, la Suède alignera 327 unités du Saab 37 Viggen toutes versions confondues. Entre 1993 et 1996, une centaine d’avions de la première série seront modernisés sous le nom d’AJS37, tandis qu’en 1997, une trentaine de JA37 sont eux-aussi modernisés (JA37D) pour notamment disposer de plus d’armement sous ailes (6 points d’emport au lieu de 2 auparavant). Etrangement, malgré les qualités de l’avion et contrairement au Draken (Danemark et Finlande), le Saab 37 Viggen ne trouvera aucun débouché à l’export. A partir de la fin des années 90, il sont peu à peu remplacés par un tout nouvel avion multirôle lancé par Saab, le JAS 39 Gripen, jusqu’à quitter le service actif en 2005. Avec plus de 30 ans de bons et loyaux services, les vénérables Viggen ont bien mérité leur retraite.
La Saab 9-3 Viggen
En 1999, le constructeur automobile Saab (désormais propriété de GM et donc séparé de l’activité aéronautique et de défense) lance une version survitaminée de son modèle 9-3 qui rend hommage au chasseur suédois en prenant son nom de Viggen. Produite de 1999 à 2002 à 4 500 exemplaires en carrosserie coupé, berline ou cabriolet, elle se démarque d’une 9-3 classique par sa présentation plus sportive (grâce à un kit carrosserie) mais aussi par sa motorisation : un 4 cylindres turbo de 2.3 litres porté à 230 chevaux. De quoi rendre la voiture ultra-performante même si le châssis et le train avant ont, il faut l’avouer, bien du mal à encaisser les chevaux supplémentaires. Un véhicule particulièrement collector pour les amoureux de Saab (et les passionnés d’aéronautique).