Si c’est bien la station de métro Haxo qui donne son nom à ce site, c’est le Général François-Nicolas-Benoît Haxo qui, lui, donne son nom à la station. Ou plus précisément à la rue proche de la station fantôme. A première vue, difficile de relier ce général du premier Empire à la mobilité. Pourtant, notre Général Haxo va avoir une influence directe sur la façon de se représenter le champs de bataille et, par extension, de se déplacer. Officier d’artillerie devenu ingénieur, officieusement considéré comme le successeur de Vauban, il s’intéressa à la topographie, apportant une innovation majeure aux cartes d’Etat Major commandées par Napoléon.
Vous noterez au passage son triple prénom qu’il convient d’utiliser afin de le distinguer de son père, François Haxo, conseiller du Roi Louis XVI, mais aussi et surtout de son oncle, le Général Nicolas Haxo qui perdra la vie en Vendée, près de la Roche-sur-Yon, en 1794 dans sa lutte incessante contre Charette ! Notre Haxo à nous n’est à cette époque qu’un jeune lieutenant fraîchement sorti de l’école d’artillerie de Châlons sur Marne. Au moment de la mort de son oncle, il est nommé capitaine dans une nouvelle arme, le génie, et se voit muté à Bitche, dans sa Lorraine natale, un camp bien connu des bidasses du 20ème siècles pour ses froides nuits d’hiver lors de manœuvres improbables (il accueille aujourd’hui le désormais célèbre CENZUB destiné à l’entraînement en zone urbaine).
Observateur du champ de bataille
Alors que les guerre révolutionnaires sont propices à la prise de galon, notre capitaine Haxo stagne et décide de parfaire sa formation techniques en suivant les cours de l’école Polytechnique en 1796. Cela n’en fait pas un pur polytechnicien, mais notre bon Haxo s’en fiche : ce qui compte pour lui, c’est d’être compétent. Son heure viendra. Ce nouveau bagage lui ouvre la voie des fortifications et il se voit confier d’importants travaux à Genève. Remarqué, il suit alors Bonaparte, qui n’est encore que Premier Consul, durant la campagne d’Italie et peaufine ses observations sur le champs de bataille, les techniques de siège et les fortifications. Il passe enfin chef de bataillon (commandant) en 1801.
Une invention géniale : la courbe de niveau
Bonaparte est un artilleur lui aussi et connaît l’importance d’une bonne connaissance du terrain et d’une cartographie efficace. Dès la campagne d’Italie, il s’entoure d’un « cabinet topographique » commandé par le Général Bacier d’Albe. A partir de 1802, l’ordre est donné de cartographier la France entière pour usage militaire et remplacer les antiques cartes des Cassini. François-Nicolas-Benoît va s’y intéresser fortement et, en spécialiste des places fortes et des sièges, y apporter sa touche personnelle qui améliorera grandement la lisibilité et l’efficacité des cartes d’Etat-Major. Comme souvent lors des grandes avancées, il s’agit d’une toute petite modification qui change tout à l’usage. La grande idée d’Haxo sera d’y ajouter des courbes équidistantes permettant la représentation du relief : cette astuce offre un avantage concurrentiel aux armées Napoléoniennes. L’ancêtre de la 3D, en quelques sortes ! Il suffit de regarder aujourd’hui une carte au 1/25 000 aujourd’hui pour se rendre compte de l’importance d’une idée aussi simple : on s’y représente tout de suite le paysage, le cerveau intégrant tout de suite le dénivelé.
Malgré cette innovation, la carrière du Commandant Haxo continue de stagner. Passé par Constantinople, à nouveau l’Italie, et même l’Espagne, il est enfin remarqué au siège de Saragosse (rappelons que les sièges et les fortifications sont sa spécialité) et se voit nommé Colonel en 1809 sur ordre de l’Empereur. Envoyé en Allemagne peu de temps après, il y décroche sa Légion d’Honneur puis revient en Espagne où il se distingue à nouveau. En juin 1810, il est enfin nommé Général de Brigade. Mieux, il devient l’aide de camp de l’Empereur lors d’une laborieuse campagne de Russie. Il fait cependant preuve d’habileté et de courage lors des combats, accédant au grade de Général de Division en 1812. Mieux, en 1813, il est nommé à la tête du Génie de la Garde Impériale. Sa carrière enfin lancée est brisée net à la bataille de Kulm. Blessé et fait prisonnier, il ne reviendra en France qu’à la première Restauration. Encore fidèle à l’Empereur, il le rallie pendant les cent jours et se retrouve à Waterloo mais la défaite l’oblige à se soumettre aux Bourbons. Cela n’empêche pas sa radiation de l’armée.
Le Vauban du 19ème Siècle
Tel un Phoenix, Haxo revient dans la course en 1819. Ses compétences dans l’arme du Génie valent bien un revirement de la part de la Monarchie de nouveau en place. Dès lors, en tant qu’Inspecteur Général du génie, il va superviser toutes les places fortes aux frontières du Royaume et s’ingénier à améliorer ce qui peut l’être mais aussi à changer la doctrine de siège de l’armée. Lors du siège d’Anvers en 1832, il fait preuve d’innovation, mariant avec habileté les deux armes chères à son cœur : le génie et l’artillerie. Dès lors, Haxo devient une sommité en la matière : on lui doit de nombreuses fortifications, la création des casemates « Haxo ». Il meurt en 1838 auréolé de gloire, laissant à la postérité ses œuvres qui lui valent le surnom de « Vauban du 19ème siècle » mais aussi et surtout (à nos yeux) l’innovation la plus utile et pourtant si minime en matière de cartographie : la courbe de niveau.