En octobre 1990, Peugeot présente au Salon de Paris une toute nouvelle série spéciale basée sur la 205 GTI 1.9 classique, la délicieuse Griffe. Avec son vert « fluorite » (ça ne s’invente pas) et ses jantes anthracites reprenant le design des GTI de l’époque, elle ne passait pas inaperçue, la petite lionne. Trop peut-être ?
La 205 GTI, coqueluche des beaux quartiers
Je me souviens d’avoir été privilégié : j’ai vu la voiture d’origine, celle qui enfanta cette Griffe étonnante et détonnante, celle de Jean Todt. Elève au « prestigieux collège parisien » (NON) Gerson, fréquenté aussi par le fils du père, Nicolas, cette Griffe avant l’heure ne m’était pas inconnue, tournant dans le quartier comme plus tard une Delta Intégrale, une fois le père Todt passé chez Ferrari. Aux alentours du Boulevard Emile Augier (romancier plus célèbre pour sa voie parisienne que pour son œuvre, il faut croire), on pouvait aussi croiser la 205 GTI blindée de Bernard Arnault logé alors vers le jardin du Ranelagh et dont le fils Antoine fréquentait lui aussi les bancs du vieux Collège entre Passy et Muette. Un endroit charmant qui, à l’aube des années 90, voyait fleurir les GTI, nouvelles coqueluche des beaux quartiers.
Une GTI tunée pour le patron de Peugeot-Talbot Sport
Si celle de Bernard Arnault était blindée par Labbé, plombant lamentablement ses performances, celle de Jean Todt était d’un autre acabit, très « tuning » comme certains l’aimaient à l’époque. Constatant la banalité de sa 205 GTI 1.9 de fonction, le directeur de Peugeot Talbot Sport (PTS) de l’époque se dit qu’après autant de succès sportifs, il méritait bien une 205 un peu plus fun, personnalisée. Il se fit donc réaliser une peinture verte spécifique, un poil fluo comme son nom « fluorite » l’indique, un intérieur cuir, et des jantes anthracites du plus bel effet (elles). La présence régulière de cette 205 tunée au siège de Peugeot, avenue de la Grande Armée, donna des idées au service marketing : proposer la voiture de Todt, rien que ça. Enfin, vendre des répliques, soyons précis.
Des idées pour le marketing
En 1990, la 205 tire sur ses 7 ans, et la GTI commence à subir les assauts de concurrentes nationales plus jeunes. La Clio vient de sortir et affûte une 16S prête à rugir sur la lionne. L’ensemble de la gamme 205 vient de subir un lifitng en juillet, mais sera-ce suffisant ? En outre, la GTI sera-t-elle encore en mesure de séduire les foules ? Appliquant des méthodes nées dans les années 70, les marketeurs décidèrent donc de lancer une série spéciale dénommée Griffe sur le modèle du célèbre patron de la division sport de PSA.
La seule série spéciale sur une 205 GTI française
C’est ainsi qu’au salon de Paris 1990, Peugeot présente cette Griffe en série limitée, initialement prévue à 3 000 exemplaires, dont 1 000 pour la France. A l’exportation, notamment en Suisse, en Allemagne et en Angleterre, on connaît déjà les séries spéciales sur base GTI (Magic, Miami, Special Edition, Classique Sport) mais en France, seules les versions classiques de la 205 avaient déjà eu droit à des séries limitées (Lacoste, Junior, Green, Roland Garros, Open, Champion etc). Une première donc, pour le public français qui découvre cette 205 tunée, fluo, et, soyons francs, n’apportant pas grand chose.
Quelques détails et une peinture « fluorite »
Pour 11 000 francs de plus qu’une GTI de base (101 000 versus 89 600), la Griffe vous offrait généreusement, outre sa peinture et ses jantes spécifiques (ainsi que ses logos sur le pilier C et ses liserés gris le long des protections plastiques de la caisse), une sellerie cuir à surpiqûres vertes, un pommeau au schéma vert (mais le logo GTI du volant reste rouge, un ABR (l’ABS chez Peugeot, aka « antiblocage des roues »), une pré-installation radio, des rétros extérieurs dégivrants, une direction assistée (vous privant automatiquement d’une climatisation incompatible), et des moquettes grises. Pour le reste, rien ne change. Le 1 905 cc développe toujours 130 chevaux (122 chevaux pour les versions exports catalysées) pour un poids identique de 915 kg.
Rareté cotée aujourd’hui
Honnêtement, à l’époque, cela restait vraiment du domaine du détail et le seul point original, la peinture « fluorite », ne faisait vraiment pas l’unanimité. La 205 était proche d’une fin de carrière, surtout dans sa version GTI, et le sex-appeal du modèle présenté n’était pas évident. La carrière de la Griffe restera très en retrait des prévisions, contrairement à la Clio Williams qui sortira en 1993. Seuls 1 652 exemplaires trouveront preneurs, la plupart à l’étranger, loin des 3 000 espérés. Cependant, ce relatif échec vu le faible investissement s’avère une qualité aujourd’hui : elle est l’une des 205 les plus recherchées. Sa rareté l’explique, d’autant qu’en France, elle restera la seule série spéciale proposée à la vente jusqu’à la fin de la carrière de la GTI (fin de production en janvier 1994), la seule avec un intérieur cuir de série (en option pour les autres), et la seule avec une teinte aussi farfelue qui, aujourd’hui, représente bien cette charnière entre les années 80 et 90. Résultat, sa cote s’envole, dépassant largement celle d’une GTI quelle que soit sa version (1.6 105, 115, 125 ou 1.9 130).
Crédit image : Peugeot, Artcurial