Symbole d’une coopération franco-allemande réussie, le Transall C160 vient de prendre sa retraite, quittant les rangs de l’Armée de l’Air après 57 ans de bons et loyaux services. Véritable bête de somme, dur au mal, capable d’atterrir sur des terrains de fortune en Afrique ou ailleurs, le Transall fut de toutes les interventions françaises des 50 dernières années. Il était temps de lui rendre hommage mais aussi de rappeler ses origines berrichonnes souvent niées par les plus grands experts. Et pourtant…
Un avion en coopération
A la fin des années 50, la société Nord Aviation réfléchit à un appareil capable de remplacer les Nord 2501 Noratlas mais aussi les Bréguet Deux-Ponts alors en service dans l’Armée de l’Air tout en offrant la possibilité de patrouilles maritimes. Ce projet demandait cependant des investissements que la société ne pouvaient réaliser seule. Ce projet intéressait pourtant aussi bien la France que l’Allemagne et l’Italie. Pour réaliser un appareil commun on créa en juin 1958 le consortium Allianz Transport, destiné à piloter le projet. Avec le retrait des italiens, le consortium rassemblait deux constructeurs allemands (Weser Flugzeugbau et Hamburger Flugzeugbau qui formeront plus tard MBB) et le français Nord Aviation. La production serait divisée en trois « parts » presque égales entre Brême, Hambourg et Bourges, dans le Cher où Nord Aviation disposait d’une usine, près de l’aéroport.
Le Transall, le couteau suisse de l’Armée de l’Air
Le Transall C160 était un avion de transport tactique capable d’embarquer (et de larguer) 87 parachutistes ou 20 tonnes de fret sur une distance maximale de 5 500 km, capable de décoller sur 1 000 mètres et d’atterrir sur 600 mètres seulement et ce même sur des pistes sommaires d’herbe ou de terre. Il était motorisé par deux Rolls-Royce Snecma Tyne 22 (d’origine anglaise donc, mais produits en France par Snecma) de 5 665 chevaux chacun. Une puissance nominale intéressante, mais un peu juste avec seulement deux moteurs, rendant le Transall un poil sous-motorisé. Peu importait car le C160 affichait une fiabilité et une robustesse à toute épreuve (ce qui explique la longévité de l’appareil). Il était certes plus petit et moins puissant qu’un C130 Hercules, mais répondait aisément aux exigences des armées Française et Allemande. Le premier vol eût lieu en 1963 mais le Transall n’entra en service qu’en 1967.
Des exemplaires français produits à Bourges
Il y aura très exactement 53 exemplaires produits à Bourges, les 122 autres le furent en Allemagnes (dont 113 pour la Luftwaffe, qui en revendra 20 à la Turquie, et 9 pour l’Afrique du Sud). Ainsi, 1/3 de la production fut berrichonne (et même plus précisément berruyère) et non assemblée à Toulouse comme une légende tenace le laisse entendre : il fallait que cela soit dit. Les Transall berrichon faisaient leur premier vol en direction de Châteauroux avant de rejoindre leur destinataire final, entraînant un incessant balais sur les 80 km séparant les deux villes. Dès lors, les C160 devenaient la monture préférée des paras, se rendant célèbres en particulier lors de la bataille de Kolwezi. Durant plus de 50 ans, il ne cessa de rendre des services, repoussant sans arrêt l’âge de sa retraite à cause des ennuis de jeunesse de son successeur plus gros et plus complexe, l’Airbus A400M.
Gabriel, l’espion du ciel
Le C160 ne fut cependant pas qu’un avion de transport tactique mais aussi un agent secret du ciel. Sa version C160G Gabriel de surveillance électromagnétique sillonnera le ciel des opérations françaises (ou d’autres) pour récupérer du renseignement précieux. Sa dernière mission l’aura d’ailleurs conduit au dessus de la Mer Noire et en Roumanie lors du déclenchement de la guerre en Ukraine. Pour tenir aussi longtemps, le Transall reçut tout de même une cure de jouvence à partir de 1994 pour devenir 160R (pour rénové) mais plus souvent appelé NG (nouvelle génération).
Dernier Tango pour le Transall
Le Transall a officiellement pris sa retraite après une dernière apparition en mai 2022 à Évreux pour une tournée d’adieu dans une livrée spécifique ! Bien des pilotes regretteront cet avion rustique surnommé le Couteau Suisse, agréable à manier, bon à tout faire bien qu’un peu limité en emport. Il restera aussi l’un des derniers avions fabriqués à Bourges entre 1965 et 1973 (le site se spécialisera dans la fabrication de missile à partir des années 70) et méritait bien ce dernier hommage sur Haxo !
Aller plus loin :
Je vous encourage à lire les aventures berruyères du Transall sur l’excellent site de Roland Narboux.