Faire vivre un groupe proche de la faillite avec trois marques généralistes ? C’était le défi de PSA dans les années 80. Si Peugeot et Citroën survécurent grâce à la 205 et la BX, Talbot fut passée par pertes et profits au mitan des années 80. Pourtant, les choses auraient pu se passer différemment. Mais avec des si, on mettrait Paris en bouteille…
Nous sommes le 19 mai 1991. En ce mois printanier, la direction de PSA n’hésite pas à réunir VIP et journalistes pour présenter avec fierté le nouveau vaisseau amiral de la marque « sport et luxe » du groupe, Talbot. Basée sur la nouvelle plate-forme inaugurée par la Citroën XM et la Peugeot 605, la Tagora II bénéficie d’un avantage certain face à ses cousines : tous les problèmes de fiabilité et de multiplexage ont tous été réglés. Conformément à son positionnement « luxe », la nouvelle Tagora se contente de V6 en 3 versions : SX (170 chevaux), SXS (200 chevaux) et SXT (260 chevaux), les deux dernières pouvant être déclinables en une version Pullman de grand luxe. Cette SXT bénéficie des travaux effectués sur le moteur par EIA, spécialiste de la gestion et de la cartographie moteur, sur le PRV qu’on retrouve sur la dernière évolution de la Murena II de même puissance depuis 1990. La Tagora n’oublie cependant pas le marché des gros rouleurs avec une SD Turbo de 110 chevaux.
Dix ans pour un redressement
Il aura fallu un peu plus de dix années pour transformer la périlleuse création de Talbot sur des fondations Simca en une réussite commerciale inespérée. La persévérance de Jean-Paul Parayre puis de Xavier Karcher qui lui a succédé en 1984 auront donc payé, mais aussi l’intelligence et l’adaptation des équipes de Poissy ou de Romorantin, dans la filiale Matra-Talbot. Le lancement avec de maigres moyens de l’Espace en 1984 (qui va bientôt être remplacée), du Rancho II en 1985 ou de la Murena II en 1986 sont la preuve que l’audace paye ! Pourtant, rien ne semblait gagné en 1979, lorsqu’à la suite du rachat de Chrysler Europe, PSA décidait de créer Talbot pour unifier les différentes marques en portefeuille (Simca, Chrysler, Rootes, Barreiros). Mais aujourd’hui, la marque retrouve enfin ses niveaux de vente de 1979, tutoyant les 400 000 exemplaires, mais avec une différence de taille : un positionnement plus luxueux, justifiant des tarifs et des marges bien plus élevées, et des modèles d’image tirant tout le groupe vers le haut. Le point d’orgue en est cette nouvelle Tagora qui retrouve son rang alors que sa devancière avait tiré sa révérence en 1987 après seulement 62 600 exemplaires produits.
Se renforcer pour résister à la tempête
Revenons en 1979. Cette année-là est encore à l’euphorie après le rachat de Chrysler Europe l’année précédente. Le choix de la marque Talbot semble en adéquation avec le nouveau positionnement de la marque. Afin de préparer le futur, un centre de style est créé à Carrières sous Poissy. A sa tête, on nomme intelligemment Gérard Godfroy. Ce dernier s’est fait remarquer en posant les bases du dessin de la future 205. Il a des idées et un joli coup de crayon : deux qualités indispensables pour réinventer Talbot. Si certains produits sont déjà en phase d’industrialisation (Solara, Tagora et Samba), il aura la charge de concevoir la salve suivante : restylages et produits futurs. Si l’enthousiasme est de mise dans les équipes intermédiaires, c’est moins vrai à la direction. Jean-Paul Parayre, PDG du groupe, sent le vent tourner. Il sait qu’il a dans les cartons des best-sellers à venir mais la crise pétrolière de la fin de l’année l’alerte : il risque de manquer de capitaux pour supporter la crise qui s’annonce et développer trois marques généralistes. Anticipant le fort coup de gite à venir, il prend contact avec Jean-Luc Lagardère, président du groupe de défense Matra. Par le biais du rachat de Chrysler, PSA se retrouve actionnaire à 45 % de Matra Automobiles aux côtés de Matra Défense. Les deux hommes s’accordent rapidement sur une solution intéressante : Matra Automobiles devient une filiale à 100 % de PSA, quand Matra et Lagardère entrent au capital de PSA à hauteur de 20 %, apportant dans la corbeille de mariage capitaux et lignes de crédit.
Et Matra inventa l’Espace
Cette première opération consolidée en 1980 est la première pierre qui permet à Talbot d’exister et de se développer. Le centre de style de Godefroy quitte alors Carrières pour Romorantin. Désormais, il devra collaborer avec l’ingénieux Philippe Guédon et le talentueux Antoine Volanis. Un trio parfait pour envisager l’avenir. PSA est très intéressé par le projet de monospace P16 puis P17 et P18 de Volanis et Guédon et y voit un créneau inexploité en Europe mais en pleine croissance aux USA. De même, le Rancho déjà en production semble une voie d’avenir ailleurs qu’en Europe. Avec Matra au cœur de Talbot, la marque dispose donc des armes pour se redresser. Une nouvelle société Talbot SA est constituée disposant de l’usine de Poissy, de son propre réseau de distribution, de son design situé à Romorantin et d’une filiale dédiée aux produits de niches, Matra-Talbot elle-aussi sise dans le Loir et Cher. Avec l’assurance Lagardère au capital, PSA voit la vie en rose et n’hésite pas à racheter 70 % de l’écurie de Formule 1 Ligier en 1980. Le V12 Matra prendra place dans la nouvelle JS17 pour la saison suivante, avec Jacques Laffite et Jean-Pierre Jabouille comme pilotes.
La Solara comme sparadrap
1980 est une grande année. La 1510 disparaît pour laisser sa place à la Solara (4 et 5 portes) qui n’en est qu’une évolution. Peu de temps après, c’est au tour de la grande Tagora de compléter la gamme. Elle se permet même dans sa version SX de disposer du PRV le plus puissant (165 chevaux, voire 200 avec un kit Danielson). Certes, les ventes sont passées de 400 000 à 350 000 mais il s’agit, aux yeux de l’état-major, du cœur de la tempête. Les facilités bancaires apportées par les garanties du groupe Matra Défense permettent de continuer les deux gros projets du groupe (Citroën BX et Peugeot 205) sans craindre de laisser tomber Talbot.
1981, annus horribilis
Malheureusement, l’année 1981 sera une « annus horribilis » pour la jeune marque. La Solara peine à séduire plus de 60 000 clients tandis que l’Horizon ne cesse de décliner (de 220 000 unités en 1979, elle est passée à 140 000 en 1981). Heureusement, la Samba apporte un peu de lumière : c’est d’ailleurs lors de sa présentation au réseau que PSA garantit le maintien d’une distribution indépendante de Citroën et de Peugeot. Des doutes circulaient déjà au sein des concessionnaires prêts à changer de crémerie en cas de fusion ! Il n’en est cependant pas question : malgré les difficultés, la stratégie est assumée. Les vendeurs en ressortent regonflés à bloc, alors qu’un ambitieux plan produit leur est annoncé ! D’autant qu’à la fin du championnat de Formule 1, l’écurie Talbot-Gitane (Ligier) termine 4ème (juste derrière Renault), tout comme Jacques Laffite au classement des pilotes, devançant cependant Alain Prost d’un petit point.
L’année 1982 prouve que la marque a fait les bons choix. Les concessionnaires se sont donnés à fond pour soutenir la gamme et limiter la casse, tandis que la Samba cartonne auprès des jeunes branchés, d’autant plus qu’on a eu la bonne idée de lui offrir une adorable version cabriolet. Certes, la Tagora est un échec mais elle réussit à se maintenir au-dessus des 10 000 ventes grâce à ses versions luxueuses (Président) ou Turbo Diesel. Avec une production totale de 323 000 exemplaires, la barre a été redressée mais ce n’est pas suffisant. Les mauvais résultats en Formule 1 poussent PSA à stopper l’aventure et à revendre Ligier. Une chose est sûre : le moral est bon à Poissy, et si des grèves ont été envisagées, l’assurance de la production d’une berline compacte pour Talbot comme pour Peugeot (projet C28).
De nouvelles ambitions
Malheureusement, l’embellie sera de courte durée. L’année 1983 est une année sans véritable nouveau produit, sauf l’utilitaire Tacoma (Express pour l’Angleterre) sur base J5/C25 mais construit en Italie chez Sevelsud. Les ventes totales plongent à 257 000 mais le succès de la Citroën BX chez Citroën et les débuts explosifs de la Peugeot 205 rassurent le groupe PSA. Une marque ne se construit pas en un jour et les vendeurs en concessions font des miracles pour limiter l’érosion de vieux modèles comme l’Horizon ou la Solara, ou la grande Tagora en perdition. Chez Matra, la Murena est arrêtée faute de ventes suffisantes : sous la houlette de Godfroy, on s’oriente vers une GT plus ambitieuse et porteuse d’image prévue pour 1986. On peaufine aussi la grande nouveauté (projet P23) prévue pour l’année suivante.
Pour l’année 1984, la situation est en trompe-l’œil : les ventes semblent ne plus s’arrêter de dégringoler (183 000 ventes), et la Samba souffre gravement face à la 205, mais les nombreux projets arrivent. Pour cette année charnière, Xavier Karcher, en provenance de chez Citroën, remplace Jean-Paul Parayre à la tête de PSA, avec la ferme intention de maintenir les 3 marques dans leurs orientations respectives. Certes, la situation de Talbot paraît catastrophique mais ce sont les modèles les plus haut de gamme qui se vendent et la rentabilité reste possible, bien qu’encore lointaine. L’outil industriel s’avère légèrement sur-dimensionné mais le projet C28 nécessitera des bras : on décide donc de faire le dos rond dans l’attente de jours meilleurs. L’utilitaire Canberra dérivé du C15 apporte certes un peu de volume mais il est construit en Espagne. On attendait beaucoup de l’Espace mais ses débuts sont laborieux (à peine 6 000 ventes, dont beaucoup de véhicules de démonstration) mais les concessionnaires semblent confiant dans le produit. Il positionne Talbot comme une marque novatrice, dynamique mais familiale.
Arizona et Rancho II
Enfin, 1985 apporte son lot de nouveautés et de bonnes nouvelles. Tout d’abord, l’Arizona est enfin lancée, aux côtés de sa sœur Peugeot 309, toutes deux fabriquées à Poissy. A Talbot les versions haut de gamme et sportives, à Peugeot le bas et le milieu de gamme. L’Arizona dispose ainsi d’une version GTI inconnue dans la gamme 309, ainsi que d’une version Pullman à l’intérieur cuir du plus bel effet. Un peu plus tard dans l’année, Talbot-Matra présente le Rancho II. Alors que le premier du nom relevait du bricolage de génie, ce dernier joue la carte du haut de gamme. Sur un châssis de 505 transformé chez Dangel en 4 roues motrices, il devient un véritable 4×4 au look de baroudeur, à l’intérieur luxueux et dispose enfin de 5 vraies portes. Il n’est pas destiné à faire du volume mais de l’image et de la marge : 8 500 exemplaires trouvent preneurs dès la première année. L’Espace, lui, peine toujours à convaincre mais les ventes ont bondi à 14 000 unités, de quoi envisager l’avenir plus sereinement.
Place au sport
Pour le millésime 1986, les choses évoluent peu, mais dans le bon sens : les ventes globales sont à peine supérieures à 1985 (194 000 contre 192 500) mais la chute de la Samba dont la remplaçante est prévue pour l’année suivante est largement compensée par la montée en puissance de l’Arizona, au demeurant bien plus rentable. En outre Poissy produit aussi la 309, ce qui compense largement la perte d’activité de la petite citadine. L’Espace commence à convaincre (presque 20 000 exemplaires), le Rancho II dépasse les 10 000 ventes, tandis qu’une nouveauté se présente à Romorantin : la Murena 2. Cette dernière se présente sous les traits d’une superbe GT due à Gérard Godfroy. Son PRV en position centrale arrière délivre 200 chevaux et son intérieur est particulièrement luxueux. Grâce à l’outil industriel de Romorantin, il peut être construit de façon semi-artisanale tout en préservant un tarif très concurrentiel, équivalent à celui de son concurrent chez Alpine-Renault : la V6 Turbo, présentée un an plus tôt. Elle trouve 500 clients dès la première année : c’est moitié-moins que l’Alpine mais l’investissement s’est avéré modique et ses trains-roulants font le régal des journalistes et des premiers propriétaires.
Samba chic
Les bases étant jetées, il s’agit désormais de redonner du lustre au reste de la gamme. Depuis 3 ans déjà, les ingénieurs et designers de chez Talbot travaillent sur une remplaçante de la Samba basée sur la Peugeot 205. Le créneau du sport étant déjà pris par la GTI sochalienne, Talbot se concentre alors sur le luxe, pariant sur le succès d’une petite citadine chic. La Samba II Pullman est donc la première des Samba présentée en juin 1987, devançant Renault et sa Supercinq Baccara. D’autres versions moins chic sortiront rapidement, mais il était judicieux d’appuyer le côté luxueux de la marque sur tous les segments, d’autant que la décision est prise d’arrêter la production de la Tagora à bout de souffle malgré un restylage bienvenu en 1985. La marque reste sans haut de gamme (un comble pour une marque luxe et sport) mais la priorité est pour l’instant ailleurs et la future plate-forme n’est pas encore prête. Les ventes globales sont remontées à 225 000 exemplaires et les voyants sont au vert. L’Espace prend ses marques, tout comme le Rancho II, tandis que la Murena II assure la transition vers le grand luxe en attendant la future Tagora.
En 1988, Samba et Arizona ont toutes les deux dépassé les 100 000 ventes respectives, au grand soulagement des observateurs et investisseurs. Le miracle Espace se produit enfin avec plus de 30 000 exemplaires produits dans l’année tandis que le Rancho II s’approche des 20 000. La Murena II reçoit enfin une version cabriolet permettant aux ventes d’atteindre les 800 exemplaires. Une paille pour la marque, mais une belle réussite dans ce segment difficile et sans avoir d’image de marque. Il faut cependant attendre 1989 pour voir une vraie nouveauté : la Solara II. Dessinée par Gérard Godfroy, elle est basée sur la 405 (elle-même issue de la BX). Si elle ne reçoit pas de version sportive, elle s’offre un PRV contrairement à ses sœurs, le tout nouveau 3 litres vus sur les récentes XM et 605. Cette version SX est complétée par une Pullman encore plus luxueuse. Avec 367 000 exemplaires vendus cette année-là, dont 44 000 Espace et 20 000 Rancho II, Talbot s’approche enfin de la rédemption.
1990 ne sera qu’une année de confirmation : toutes les forces vives sont lancées dans la nouvelle Tagora et aucune nouveauté ne vient renforcer la gamme. Malgré la baisse des ventes de l’Arizona, la Samba continue à progresser, tandis que la Solara prend peu à peu son envol et que l’Espace s’approche des 50 000 clients malgré un prix relativement élevé. Seule évolution notable : l’apparition d’un PRV poussé à 260 chevaux par EIA sous le capot arrière de la Murena. Ce moteur doit se retrouver sur la future Tagora SXT à transmission intégrale qui, dans sa version Pullman, fais d’ores et déjà trembler la Renault Safrane Baccara. Avec 392 000 exemplaires produits, Talbot retrouve donc son niveau de 1979, mais en étant rentable et disposant enfin d’une vraie gamme, complète et séduisante en 1991, année de lancement du vaisseau amiral. Longue vie à Talbot.
Dans la (triste) réalité :
Vous l’aurez compris, rien de tout cela n’est arrivé. Pas de soutien financier extérieur en 1979, refus du projet Espace de Matra et revente des 45 % en 1982, faisant le bonheur de Renault. Gérard Gofroy n’est jamais venu, et créera Venturi (dont s’inspire grossièrement l’histoire de la Murena II), la fusion des réseaux en 1981 met un coup dur aux ventes déjà en baisse de Talbot, grèves paralysantes à Poissy en 1982 contribuant à la chute de la marque, abandon de l’Arizona pour se concentrer sur l’unique Peugeot 309, pas de Xavier Karcher à la tête de PSA mais un Jacques Calvet plus financier qu’industriel, et par ricochet pas de Samba II, de Canberra dérivé du C15 (ni de Tacoma, même si l’Express a bien existé en Angleterre jusqu’en 1992) pas de Rancho II, de Solara II, et évidemment pas de Tagora II. En revanche, l’épisode de la Formule 1 est réel, preuve que PSA pensait, au début, pouvoir réellement lancer cette marque.
2 commentaires
Le récit que je viens de lire sur la marque Talbot est exactement celui que j’ai toujours espéré !. J’ai été l’heureux propriétaire de plusieurs Simca et Talbot dont 1 Solara et 2 Tagora ( 1 2.2GLS et 1 2.6 SX ). Voitures fiables et confortables, seul bémol la finition perfectible notamment sur les Tagora. Malheureusement, à l’époque Peugeot venait de reprendre Citroën et les finances étaient au plus mal. Ajouter à cela la guéguerre entre les agents Peugeot et Talbot (ex Simca) pour ne pas vendre les modèles de « l’autre marque » , qui n’a rien arrangé. Pour moi, il fallait moderniser l’horizon 5 portes venant s’intercaler entre la 205 et la 305 et favoriser la Tagora avec de vrais projets haut de gamme ,comme dans le récit, au détriment de la vieille 604. Concernant Matra le récit résume parfaitement ce qui aurait dû être fait. Quand je vois que depuis Stellantis à sauvé Opel , en partie fabriqué à Poissy et s’attelle à sortir Lancia du trou , tout cela me rend bien triste.
Ah ! L’uchronie ou l’histoire-fiction, c’est du pareil au même. Comme le disait Paul dans son incipit d’il y a déjà un an, « avec des si… ». On déplore la disparition de Simca pour nommer les choses depuis leur origine, Talbot est un avatar, mais à la même époque, toute l’industrie automobile française était à la peine. Peugeot et Renault avaient déjà conjoint leurs efforts dès la fin des 60’ pour produire des moteurs et des boîtes de vitesses. Á la fin du premier tiers des 80’, Renault frôle l’effondrement, endettée comme jamais. Georges Besse, assassiné fin 1986, succède à Bernard Hamon en 1984 avec pour mission de remettre l’entreprise à flot. La situation était pire au Royaume-Uni. Le déclin international de cette industrie automobile commença dès les années 50 (Jean-Jacques Chanaron). Le groupe Rover plonge en 1986, la part des constructeurs étrangers s’affirme jusqu’à avoir remplacé les constructeurs nationaux, ne serait-ce que par les IDE (investissements directs à l’étrangers). L’agonie de MG Rover, descendante de British Leyland dura 20 ans. De même, en 2017 GM cédait Opel à PSA, et Ford-Allemagne subit toujours une réorganisation drastique. L’histoire des fusions, cessions, acquisitions ponctue celle de l’industrie automobile. Au cours des années 80, l’industrie automobile asiatique à même de déstabiliser l’industrie européenne n’était que japonaise, issue de la relance des années 50. Très anecdotique avant le premier choc pétrolier, la vente d’automobiles japonaises approchait le dixième du marché une décennie plus tard au point que la France, par exemple, imposa des quotas d’importation (3 %). C’est le début de l’internationalisation de la construction automobile disant la mondialisation dont la notion même est alors diffusée. D’ailleurs, en 1985, l’économiste Kenichi Omahe forge le concept de Triade, les trois mondes faisant le monde (Amérique du Nord, Europe occidentale, Japon). Mais, la Chine avait commencé sa mutation depuis le mitan des années 70. Les pays d’Asie du Sud et du Sud-Est faisaient les délocalisations japonaises. Ces anciens Dragons (Corée du Sud en tête), anciens Bébé Tigres (Vietnam en tête) ont fait eux aussi l’émergence et l’industrie automobile y a sa part, des chaebols sud-coréens au naissant VinFast vietnamien. Restructurations, délocalisations, associations, fusions, rationalisation, entrée dans les marchés à venir des pays dits encore en développement, informatisation refaçonnèrent sans cesse cette industrie mondialisée. Je n’y connais pas grand-chose, pour ne pas dire pire, dans le registre organisationnel de l’industrie en général et automobile en particulier mais, sans entrer dans une tentative de mise en perspective, on pourrait même aujourd’hui regretter une Talbot-Matra gréée du V12 3 litres historique. Simca, si populaire et pimpante au début des années 70 disparaissait 15 ans plus tard. Il aurait fallu la durée et beaucoup d’autres facteurs pour faire advenir Talbot à l’instar d’Audi, comme Paul le laisse imaginer dans son sujet, même s’il ne cite pas de marque de cet ordre. Il y a bientôt dix ans l’État français et le constructeur chinois Dongfeng venaient au secours de PSA. Alors une Tagora continuée comme l’Audi 200 devenue Audi V8 puis A8 par un saut de gamme conséquent, c’est pour le registre des regrets éternels, de la nostalgie même. L’ordre économique du monde a changé. La Citroën C5X vient du Sichuan, les Audi Q7 sont assemblés en Inde ou en Slovaquie avec les Q8. Pour la France, qu’est-ce le mieux, Made by ou Made in ? Après tout, Toyota, présent à Valenciennes depuis un quart de siècle, y fait aujourd’hui travailler près de 5 000 personnes. Au passage, l’image du Rancho bleu des années 2000 a un petit quelque chose du Freelander des années 2010. Et Paul s’arrête au six cylindres pour la Tagora. Tant qu’à faire avec Matra dans la manche, il fallait oser le V12 déjà cité et même le Matra MS82 V6 1500 Turbo de 1980. L’uchronie permet tout, non ?