La Laguna Coupé est une voiture bien mystérieuse. Lancée en 2008 et retirée du marché en 2015, elle aura mené une carrière tellement discrète qu’on l’a déjà oubliée moins de 8 ans après sa retraite. Pire : ceux qui s’en souviennent encore l’associent à un accident industriel, oubliant que ce coupé sobre et presque passe-partout aura surtout limité la casse pour l’ensemble de la gamme Laguna. L’associer au naufrage de ses sœurs berlines ou breaks est pourtant une idée reçue, et voici pourquoi.
Production totale (2008-2015) : 54 840 exemplaires
Idées reçues
Tout d’abord parlons chiffres. Certes, la Laguna Coupé n’aura jamais atteint les chiffres de son ancêtre (et dernier coupé produit par Renault avant elle), la Fuego. Avec 265 357 exemplaires, cette dernière la bat à plate couture, la Laguna Coupé se contentant de 54 840 unités produites. Il faut cependant remettre dans son contexte les ventes de celle qui porte le nom de code D91 chez Renault. D’une part, la Laguna Coupé se voulait moins populaire que son aïeule, avec des tarifs frisant le premium ; d’autre part, le marché automobile des années 2000 et 2010 ne laissait déjà plus beaucoup de place aux grands coupés 4 places, surtout issus d’un constructeur généraliste.
Plus largement, la Laguna Coupé fit mieux que se défendre sur un marché compliqué pour ce type de carrosserie au milieu des B91 (berline) et K91 (break) en perdition : elle représente tout de même 15,6 % des ventes globales du projet X91 (351 384 exemplaires). Enfin, comparons avec son concurrent français, Peugeot. Si la 406 Coupé (unanimement reconnue comme un succès) tire son épingle du jeu avec 107 631 exemplaires (à une époque où le coupé restait à la mode), son héritière, la 407 Coupé, sera, elle, un véritable flop (36 000 unités environ). De son côté, le RCZ fera mieux, certes, (67 915) mais avec un concept totalement différent, plus sportif et limité à deux places (lire les chiffres de production des coupés et cabriolet Peugeot). Maintenant que vous avez ces chiffres en tête, convenez avec moi qu’on ne peut pas vraiment parler d’un échec. Que les décideurs de Boulogne-Billancourt aient espéré un meilleur score, sans doute, mais surtout de la part de la berline qui, elle, fut vraiment un four (pour comparaison, la Peugeot 407 tutoiera les 900 000 voitures malgré l’échec de son coupé, quand la 508 I s’approchera des 600 000).
Renault Fluence : l’influenceuse
En 2004, Renault présente au Mondial de l’Auto le concept-car Fluence. Dessiné par l’équipe de Patrick Le Quément, il dévoile de façon plus radicale ce que deviendra plus tard le coupé Laguna (D91). Plus sportif d’allure, plus étiré, plus galbé, plus sportif (le moteur V6 Nissan propose 280 chevaux ici), la Fluence est l’exemple type d’un concept enthousiasmant qui, une fois sur la route, manque la cible. Le diable se cache dans les détails, et ces détails une fois gommés, il ne reste plus qu’une voiture finalement banale. Étrangement, le nom de Fluence sera repris par une drôle de berline tricorps réalisée avec Samsung Motors et destinée aux pays émergents. Logique non ?
Un air trop sage
Une fois l’église remise au milieu du village, parlons enfin de la voiture en tant que telle. Si le concept-car Fluence de 2004 laissait présager un coupé au style bien affirmé, il n’en fut finalement rien en réalité. Certes, la proue de la Laguna Coupé s’inspire du popotin de la Fluence (fortement influencé par le style Aston Martin), mais l’avant se conforme à une (fausse) obligation d’air de famille. Ainsi, le D91 reprend presque intégralement la face avant de la berline B91. Or, si cette face avant a bien une particularité, c’est d’être d’une triste banalité qui contribue sans doute à la discrétion visuelle du coupé. D’ailleurs, malgré sa diffusion correcte, vous souvenez-vous en avoir vu une récemment dans la circulation ? Non. Sans doute parce qu’elle se confond tant avec la berline qu’on finit par l’oublier. Là encore, la berline éclipse dans le mauvais sens son dérivé alors qu’une subtile distinction (façon 406 Coupé vs berline 406) aurait sans doute changé la donne. Mais avec des si… Vous connaissez la chanson.
Une voiture au niveau, et même plus
En outre, Renault offrira à son coupé le meilleur de sa technologie de l’époque, et notamment son châssis presque parfait, dont l’empattement raccourci renforce l’agilité. Une agilité elle-même grandement améliorée par l’excellent système 4Control (4 roues directrices) sur quasiment toute la gamme, faisant de la voiture une référence en la matière. Encore fallait-il le faire savoir ! De ce côté là, Renault fera le service minimum, comme si le programme X91, considéré comme raté dans son ensemble, ne méritait plus qu’on s’y attarde autrement qu’en limitant la casse ! Dommage car son équipement riche, sa qualité de fabrication (sans commune mesure avec sa devancière Laguna II), son dynamisme et ses moteurs méritaient mieux, d’autant que la voiture, bien que chère, restait bien placée dans son segment (mais avec une image moindre que celle de ses concurrentes). Quant aux moteurs, ils permettaient de combler tous les goûts.
Renault proposait ainsi un V6 3.5 essence d’origine Nissan développant 240 chevaux, ainsi qu’un 4 cylindres 2 litres en deux niveaux de puissance : 170 et 205 chevaux. Côté diesel (oui, les coupés de cette époque se vendaient aussi en diesel), même combat : un V6 3 litres Dci de 235 chevaux et deux turbo-diesel de 2 litres de 150 et 180 chevaux. Sachez que les 2 litres Dci seront les plus vendus (39 390 ex), suivis par les 2 litres essence (10 824). Le V6 essence suit avec 3 258 unités, tandis que le V6 Dci ferme la marche avec 1 368 clients seulement.
La discrète
Finalement, la Laguna Coupé ne s’en est pas trop mal tirée. Avec une équipe Renault désespérée par un projet global raté (X91), sans véritable soutien marketing ou publicitaire, un design qui manque d’ambition (alors qu’avec peu, il aurait pu connaître le même succès d’estime que la 406 Coupé signée Davide Archangeli), des qualités méconnues par le grand public, dépasser les 50 000 ventes était inespéré. Et pourtant, chacun continue à parler d’échec alors qu’autant de handicaps auraient dû tuer la voiture. Au lieu de cela, elle supportera la gamme en perdition avec brio (avec qui ?) jusqu’en 2015 avant de tirer, enfin, sa révérence.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, la Laguna Coupé peut être une excellente opportunité de s’offrir une grande routière, bien équipée, bien motorisée (le 3.5 Nissan dérive de celui de la 350Z de l’époque), à la tenue de route exemplaire, pour le prix d’une vulgaire occasion. A défaut de devenir collector, elle vous procurera un plaisir bien plus grand qu’une Dacia neuve, le temps de la rincer de façon écologique (oui, pousser une voiture jusqu’au bout, c’est écologique).
Un commentaire
Une excellente voiture largement sous-estimée, j’ai une GT turbo 205 4C achetée en 2ème main pour le prix d’une dacia neuve (aucun problème de fiabilité depuis l’achat), le comportement routier et la maniabilité sont exceptionnels. J’avais auparavant une clio 3 qui n’était franchement pas un tank niveau maniabilité et celle-ci tourne beaucoup mieux, la direction est directe et précise et le confort ou la finition sont d’un bien meilleur niveau même si certaines allemandes font bien mieux. Puissante ce qu’il faut sans être excessive elle a l’avantage de téléphoner avant de t’envoyer ch*** et l’esp laisse un tout petit peu de marge bien que non déconnectable. Rien à dire niveau équipement (modèle full option ceci dit) et le confort est appréciable. Petit bonus, le précédent propriétaire a mis des disques ventilés au lieu des disques plein d’origine, la voiture reste assez volumineuse et lourde même si sous certains angles elle a l’air beaucoup plus ramassée que son vrai gabarit (4m65 pour 1T5). Et la calandre ou les feux arrière de DB9 compensent les phares assez moches qui à mon sens sont le seul vrai point faible du design