Les occasions de présenter un concept-car amené à être décliné en véhicules de série ne sont pas légions pour une marque comme Alpine. C’est pourquoi la révélation de l’Alpine A290 (habilement nommée beta) est un événement à classer du côté des réjouissances automobile, et ce d’autant plus qu’elle s’avère une réussite, du moins esthétique. Première pierre de l’élargissement de la gamme du petit constructeur français, elle fait saliver en attendant son lancement, sans doute aux alentours de 2025.
Commençons tout de suite par évacuer les habituelles critiques des rabats-joie bien connus de l’automobile, ceux dont le sempiternel “c’était mieux avant” nous casse les oreilles. A peine les premières images diffusées, les réseaux sociaux ont bruissé de “c’est pas une Alpine”, de “c’est nul c’est une électrique” et bien entendu du fameux “ça ne marchera jamais” si cher à Renault, propriétaire de la marque dieppoise. Disons le clairement : les grincheux sont fatigants tant jamais rien ne trouve grâce à leurs yeux. De toute façon, certains sont restés bloqués en 1977, lorsque la dernière A110 est tombée des chaînes : personne ne les changera et autant les évacuer tout de suite de notre spectre.
Le futur s’inspire du passé
Car si le SUV Alpine prévu pour compléter la gamme peut légitimement faire grincer des dents, cette A290, elle, puise indéniablement dans le passé de la marque sa pertinence. Elle s’inspire, évidemment, de la première “petite Alpine” présentée en 1976, la fameuse Renault 5 Alpine (ou parfois appelé Alpine A5 comme le suggérait son logo blanc placé ça et là sur sa carrosserie). Bien sûr, cette 5 vitaminée se basait sur une presque banale Renault 5 TS mais on ne pouvait pas nier le gain de sportivité : le blason Alpine n’était pas usurpé malgré sa qualité de traction d’autant que la petite bombinette était bien produite à Dieppe, avenue de Bréauté.
Renault 5 Alpine (59 202 exemplaires, 1976-1981)
Après la prise de participation majoritaire de Renault dans Alpine en 1972, la Régie décide de remplacer son badge sportif Gordini (dont les R8 et R12 avaient enchanté les apprentis pilotes) par celui, plus en vogue et plus porteur, d’Alpine. La nouvelle petite sportive siglée d’un A s’offre un Cléon-fonte dérivé du 1289 cc type 810 de la TS (67 ch). Avec son carburateur double corps, elle propose 93 canassons couplés à une boîte à 5 vitesses issues de la R16 TX.
Renault 5 Alpine Turbo (23 425 ex hors modèles Coupe, 1982-1984)
L’A290 s’inspire aussi par la capillarité de la Renault 5 Alpine Turbo qui prend la relève en 1981. Il s’agissait alors de rattraper le retard de puissance vis à vis de la Golf GTI en montant l’outil magique du Renault de cette époque : un turbo ! Si le moteur est le même que sa devancière, il passe avec cette astuce à 110 chevaux. Malgré ce regain de puissance, l’Alpine paie sa base ancienne et ne reste pas longtemps au catalogue.
Avec ces deux modèles, fabriqués à Dieppe, Alpine est donc parfaitement légitime pour présenter une citadine sportive telle que l’A290. D’ailleurs, à la même époque on trouvait aussi sur les lignes de fabrication normandes un autre joujou très compact, la Renault 5 Turbo étudiée elle aussi par le Berex ! Avec le remplacement de la Renault 5 par la Super 5, la version sportive perd tout blason Alpine pour s’appeler sobrement GT Turbo. Elle reste pourtant fabriquée dans l’usine de Dieppe, développée par le Berex, et Alpine revendique aujourd’hui cet héritage pour l’A290.
Renault Super 5 GT Turbo (environ 160 000 exemplaires 85-87, dont 32 369 phase 1).
Pour sa nouvelle petite sportive, le look se modernise permettant une silhouette visuellement plus musclée que les précédentes R5 Alpine. Si ces dernières fleuraient encore bon les années 70, la GT Turbo, elle, respire les années 80. L’influence de son style est perceptible sur lA290. Sous le capot, l’évolution est maigre : 115 ch puis 120 ch en phase 2, mais elle s’avère beaucoup plus moderne, joueuse et performante que ses devancières.
Un nom ésotérique
Après ce long propos liminaire, venons-en à notre sujet : l’Alpine A290_β. Expliquons déjà son nom. Le 2 correspond au deuxième segment du marché automobile (autrement dit le segment B), ce qui semble logique (même si le 1 de l’A110 devient du coup moins lisible). Pour le 90, on rentre dans l’ésotérique puisque Alpine précise que le nombre 90 s’apparente à la gamme Lifestyle de la marque : pourquoi 90 et pas un autre nombre ? Nous n’aurons pas plus d’explications et il faudra sans doute attendre les autres produits pour comprendre le sens exact de cette numérotation (ou pas ?). Enfin, le signe β est une référence évidente à l’informatique ou au gaming, signifiant qu’il s’agit d’une version proche de la série (à 85 % selon les équipes Alpine) sans être définitive : une version test, en quelque sorte.
Surfer sur la nostalgie : avant Alpine, Roland Garros
En 2022, Renault chipait à Peugeot le sponsoring de Roland Garros. On reconnaît bien là l’opportunisme du dynamique directeur marketing de Renault, Arnaud Belloni. Moins d’un an après cette prise de guerre, la marque au losange présente la probable déclinaison en série de ce partenariat, à l’instar de Peugeot avec ses légendaires 205, 106, 405 Break ou 306 Cabriolet. Elle se présente sous la forme de la R5 Prototype, dans une livrée sobre mais classe aux logos bien reconnaissables. Entre cette version et l’Alpine A290, la nostalgie des années 80 atteindra son paroxysme !
Il suffit de regarder l’A290 pour comprendre qu’il s’agit, comme la 5 Alpine à l’époque, de la version sportive de la future R5 électrique présentée en 2021 et attendue pour 2024. On imagine logiquement que la petite Alpine viendra en aval, aux alentours de 2025. Elle partage avec la R5 sa plate-forme CMF B EV et devrait hériter du moteur de la Megane E-Tech de 220 chevaux (à moins qu’on ne décide, chez Alpine, d’y mettre plus de puissance. Pour la batterie, 40 kwh ? 52 ? 60 ? Pas de précision non plus, on ne peut donc que supputer (tout comme sur le tarif potentiel).
Une Renault 5 électrique parfaitement grimée en Alpine
Les lignes de l’A290 signées Antony Villain et ses équipes sont parfaites. Sur la base déjà réussie de la R5 électrique, les références sont subtiles, la sportivité parfaitement suggérée, et l’ensemble très équilibré malgré une taille dépassant largement celle des citadines d’aujourd’hui (4,05 mètres de long tout de même). Certes, tout ne sera pas repris en série, comme ce pare-brise plongeant spectaculaire ou la disposition centrale du volant et du siège conducteur, mais l’effet général sera clairement conservé et il faut bien le dire : ça a de la gueule.
Le seul reproche qu’on peut lui faire, tout comme à sa sœur R5, c’est d’être exclusivement électrique. Certes, c’est dans l’ordre des choses et même la future A110 y passera, mais on aurait aimé une version thermique en parallèle, histoire de profiter une dernière fois des plaisirs d’une telle motorisation, avant l’interdiction générale. Malheureusement, la marche forcée vers un progrès annoncé nous prive de ce petit bonheur. Or la sportivité d’une citadine électrique semble difficile à appréhender : sur quels critères techniques Alpine travaillera-t-elle pour offrir à sa clientèle ce sentiment sportif ? Nul ne le sait et il faudra donc patienter au moins jusqu’en 2025 pour découvrir de quel bois se chauffe l’Alpine A290.
2 commentaires
Avoir aussi également du thermique sur une plateforme EV ? Ca parait utopique. Mais logiquement il y a des solutions pour la rendre plus « fun » q la R5 (Liaisons au sol, puissance, bi-motor 4×4) !
En tout cas, c’est une réussite sans aucun doute ! On sent bien la griffe De Meo sur le plan produit, après des décennies de design fadasse (Zoe, Twingo etc.), enfin des autos avec du chien et du « legacy » !
Et tant pis pour les esprits chagrins !
Je suis d’accord : la griffe De Meo se sent… (et j’aime bien le mec et son franc parler chaleureux, et le tutoiement facile. Je sais c’est des paillettes mais ça compte. Chez Alfa y’a Imparato dans le genre, sans doute moins créatif).