Aux débuts des années 80, les compétitions de hors-bords sont très populaires, particulièrement aux Etats-Unis. A cette époque, Renault tente de s’implanter outre-Atlantique par sa propre gamme mais aussi grâce à la prise de contrôle du constructeur américain AMC. Aussi, quand on propose à la marque de devenir sponsor d’un hydroplane pour le championnat du monde organisé par l’Union Internationale Motonautique, le service marketing y voit une possibilité d’augmenter sa notoriété à moindre frais. Ainsi naquit Miss Renault, portant sur les flots les couleurs jaune et noir du losange.
Nous sommes en 1983. Cela fait déjà trois ans que Renault détient la majorité du capital d’AMC, cheval de Troie de la marque pour pénétrer le marché américain. Depuis septembre 1982, une version américanisée de la Renault 9 dénommée Alliance est produite à Kenosha et doit convertir la population à la subcompact à l’européenne. Lorsque John Schoenith, un pilote de hors-bords réputé, et la société de marketing JSEI viennent proposer à Renault de devenir sponsor de son hydroplane alors en construction chez Jon Staudacher, célèbre designer et constructeur de bateaux de course dans le Michigan, l’état major saute sur l’occasion. A cette époque, le motonautisme est très populaire, tant en Europe qu’aux Etats-Unis. Le championnat du monde Unlimited Hydroplane Racing, organisé par l’Union Internationale Motonautique (UIM), est l’équivalent maritime de la Formule 1 dans laquelle Renault est aussi engagée. Le ticket d’entrée n’est pas très élevé pour une exposition relativement forte. Le losange dit banco et embarque aussi le pétrolier français Elf dans l’aventure.
Une Miss Renault de 3 000 chevaux
Contrairement à la Formule 1 justement, Renault se contentera d’être sponsor et de donner son nom au bateau : Miss Renault. De toute façon, la marque française n’a pas à disposition de moteur suffisamment puissant pour cette catégorie de bateau, à la puissance illimitée. C’est un moteur d’avion qu’il faut pour propulser Miss Renault à plus de 200 km/h. Le choix de Schoenith et Staudacher se porte sur le moteur du North American P-51 Mustang, un V12 Allison de 28 litres de cylindrée. Cependant, ce V12 ne va pas rester longtemps d’origine. Afin d’en augmenter la puissance et de rester cohérent avec la politique de Renault en matière de turbocompresseur, on lui ajoute deux turbos, ainsi que l’injection, afin d’atteindre la puissance extraordinaire de 3 000 chevaux.
Une victoire inattendue
Le championnat du monde 1983 organisé par l’UIM se déroule cette année-là à Houston, le 2 octobre. Miss Renault, pilotée par Milner Irvin, n’est absolument pas favorite : l’hydroplane est récent, et son pilote n’a jusqu’alors remporté aucune course. Miss Budweiser pilotée par Jack Schafer, et Atlas Van Lines, piloté par Chip Hanauer, sont les deux favoris parmi les 18 bateaux qualifiés. Rapidement, c’est l’Atlas qui prend la tête, suivi de près par Miss Budweiser mais Miss Renault reste en embuscade à quelques longueurs, prête à saisir toute opportunité. Et des opportunités, il va y en avoir. C’est tout d’abord l’Atlas qui subit une avarie, laissant Miss Budweiser prendre la tête, talonnée par Miss Renault. Terrible coup du sort, c’est au tour du leader Jack Schafer de voir son moteur rendre l’âme, laissant Milner Irvin prendre la tête et remporter cette course unique et remporter ce titre de champion du monde 1983.
Fuego pour tout le monde
Certes, la victoire est peu glorieuse, mais la course haletante aura tenu en haleine des centaines de milliers d’américains, exposés à la marque Renault alors en plein lancement commercial avec l’Alliance, et dont la Fuego, importée de France, remporte un joli petit succès au pays de l’Oncle Sam. D’ailleurs, pour fêter cette victoire, Renault offre à tous les membres de l’équipe une voiture à choisir dans la gamme : tous choisiront la Renault Fuego Turbo. Miss Renault entamera alors le championnat national, terminant la saison à la 5ème place. En 1984, un aileron fut rajouté et Miss Renault finira toutes les courses, obtenant même quelques podiums. Le sponsoring de Renault s’arrête au bout de cette saison. Le bateau sera ensuite re nommé et remotorisé, continuant sa carrière sur les flots américains.