Souvent comparée à sa rivale nationale, la Renault 21 2 litres Turbo, la Peugeot 405 Mi16 n’était pas la plus performante des deux. Pourtant, la lionne s’est vendue presque 4 fois plus que la 21 et 2 fois plus que ses petites sœurs 309 GTI et GTI-16. Pas mal non ? Honnête sportive, la Mi16 répondait parfaitement à la demande sur ce segment : des performances et de l’efficacité, certes, mais pour un usage bourgeois et avec une certaine polyvalence, le tout associé à une relative discrétion. Autant d’arguments que la bouillante Renault ne pouvait proposer tout en faisant payer plus cher (trop cher ?). Voilà comment la 405 Mi16 est devenue l’emblématique berline sportive des années 80 et 90. Cela valait bien qu’on en raconte l’histoire.
Production
405 Mi16 – x4 incluses – (1987-1995) : 45 659 ex (source Peugeot)
405 T16 (1992-1995) : 1 046 ex
Une intuition marketing géniale
Depuis le lancement et le succès fulgurant de la 205 GTi, on a compris, chez PSA, l’importance des déclinaisons sportives à tous les niveaux de la gamme, et quelle que soit la marque. Chez Peugeot, le sigle GTI est donc décliné sur la Peugeot 309, mais aussi sur les grandes 505 et 604. Pourtant, on sent bien que cette appellation ne correspond pas vraiment aux familiales : il fait bien trop référence à la jeunesse, à l’arsouille et à la gomme fumée. Alors que se prépare le projet D60 qui doit remplacer la vieillissante 305 et en partie la 505 (voir la gamme 40X et 50X), on pense évidemment à une version vitaminée apte à séduire les papas pressés. C’est là toute la force de Peugeot dans les années 80 : une intuition marketing qui lui permet de voler à nouveau de succès en succès, entraînée par l’insolente 205 GTi.
Production de la concurrence française
Renault 21 2 litres Turbo (1987-1993) : 13 788 ex
Citroën BX GTI 16 soupapes (1987-1993) : 15 440 ex
La Mi16 écrase la concurrence
En effet, si la R21 2 litres Turbo, présentée en juin 1987 au même moment que la Mi16, est une remarquable et puissante sportive (175 chevaux), elle apparaît plus bouillonnante, plus agressive et donc moins facilement domptable pour le conducteur moyen. La Mi16, au contraire, sublime la ligne de la 405 par un discret kit carrosserie, un aileron parfaitement intégré et des jantes alu de 14 pouces juste comme il faut. Peugeot est devenu, depuis quelques années, le spécialiste de la traction et la marque est réputée pour la tenue de route de ses automobiles. En optant pour un 4 cylindres atmosphérique de 1 905 cc produit à Trémery mais dopé par ses 16 soupapes (une technologie “moderne” qui fait rêver le consommateur bien plus que le Turbo) et seulement 160 chevaux, Peugeot positionne bien mieux sa voiture malgré une certaine pingrerie au niveau des équipement (pour avoir un rétroviseur extérieur droit, il fallait raquer) mais surtout au niveau des performances. Malgré un train arrière joueur, la 405 Mi16 semble accessible à tout conducteur, quand la 21 semble réservée à une clientèle avertie. La Mi16 n’est pas la seule à utiliser ce moteur puisque la Citroën BX GTI 19 16 soupapes en est également dotée (elle sera d’ailleurs la première à l’utiliser dès juin 1987).
Peugeot 405 Mi16 Coupé (Heuliez)
Conçu à la fin de l’année 1987 et présenté au Salon de Genève 1988, le coupé 405 reprend la ligne et l’accastillage de la Mi16. Il s’agit d’une proposition du carrossier picto-charentais Heuliez afin de titiller Peugeot. A cette époque, l’entreprise de Cerizay travaille beaucoup pour Citroën en produisant les CX et BX Evasion (et par la suite la XM Break) et espère bien séduire Peugeot avec ce coupé destiné à la petite série et qui serait le bienvenu sur le marché américain. Malheureusement, la firme déclinera l’offre (tout comme elle refusera la proposition d’une 309 break la même année). Particularité de la proposition : des jantes de 205 GTI 1.9 litres et deux profils différents, l’un (gauche) avec une porte “classique” de 405 “ et l’autre (droit) avec une porte rallongée.
D’aucuns auraient pu croire à l’erreur stratégique en présentant une voiture moins performante sur le papier mais en réalité, c’était un coup de génie marketing. Sur la route, la différence entre les deux rivales s’avère plus tenue que prévu, la 405 emportant le morceau par sa ligne si réussie et son apparence aussi chic que sportive. On s’imagine conduire la Mi16 en polo Lacoste, contre un survêtement Adidas pour la 2 litres Turbo, et cela fait toute la différence sur ce créneau. La Mi16 coûte par ailleurs moins cher (152 900 Francs en 1990, contre 166 100 Francs pour la Renault).
Peugeot 405 Mi16 Gutmann
Plus connu pour ses réalisations sur base 205 GTi (notamment la 205 i16v), le préparateur allemand Gutmann s’est également penché sur le cas de la 405 Mi16 (et même sur la 605). A la clé, un kit carrosserie à l’élégance discutable importé en France, et des préparations moteurs réservées à l’Allemagne (dont un break transformé à la sauce Mi16) car non homologuées en France. Un choix discutable bien que collector aujourd’hui dans le cercle des amateurs très pointus de bizarreries automobiles.
Présentée en juin 1987, comme sa rivale au losange, en même temps que le reste de la gamme 405, elle n’est cependant commercialisée qu’à l’automne. Début 1988, la familiale sportive se voit soutenue par un programme sportif d’ampleur avec la première participation d’une 405 T16 Grand Raid au Paris Dakar (voir encadré). Au même moment, la Mi16 est commercialisée en Europe et propose notamment pour la Suisse ou l’Allemagne une version catalysée qui perd des chevaux au passage (148 contre 160). Dès cette année, la 405 sportive rencontre son public quand sa rivale se contente des spécialistes. Basée sur la finition de la SRI de 125 chevaux (à quelques détails près), elle offre ce petit surcroît de performance qui plaît dans les beaux quartiers sans passer pour un parvenu.
Peugeot 405 T16 Grand Raid
Début 1988, Peugeot décide d’accompagner le lancement commercial de la 405 en engageant des 405 T16 Grand Raid aux côtés de 205 T16 toujours performantes. D’ailleurs, ne nous voilons pas la face : si les carrosseries diffèrent entre les deux modèles, il s’agit pourtant de la même voiture à quelques détails près (taille du réservoir, puissance de 400 chevaux et poids en baisse). Malgré une première participation marquée par la victoire de la 205 au détriment de la 405 mais le rapport de force s’inverse en 1989 et 1990 où la 405 s’impose comme la reine du désert. En 1991, c’est la ZX qui reprends le flambeau dans le désert avec la même base technique, laissant Peugeot s’investir aux 24 heures du Mans avec la 905.
On retrouvera aussi la 405 T16 gonflée à 660 chevaux dès 1988 (avec Ari Vatanen au volant) dans la célèbre montée de Pikes Peak. A la clé : une victoire éclatante face à Audi et un record du Monde qui tiendra jusqu’en 1994. L’année suivante, Peugeot remporte à nouveau l’épreuve mais cela ne suffit pas à soutenir les ventes de la 405 en Amérique. Restent les souvenirs et cette superbe vidéo de Vatanen à l’attaque du fameux pic !
En deux ou quatre roues motrices
En 1989, le groupe PSA s’initie aux 4 roues motrices permanentes : les BX en sont équipées, puis les 405 (utilisant par ailleurs la suspension hydropneumatique arrière Citroën, une première). La Mi16x4 en est évidemment la déclinaison haut de gamme (chez Citroën, seule la BX GTI 8 soupapes y aura droit, pas la 16 soupapes). Pourtant, le gain de la transmission intégrale n’est pas évident pour la clientèle, jugez plutôt : 200 kg supplémentaires sur la balance, 1 cheval fiscal de plus à cause d’une 5ème vitesse courte, des performances en baisse, une consommation en hausse et une facture augmentée de 25 000 francs. Le détail précis de la production de Mi16x4 n’est pas connu mais pour l’ensemble de la gamme 405, Peugeot n’aura produit que 14 419 modèles 4×4 (Mi16 et T16 comprises). Il s’agit donc d’une rareté forcément collector. En 1989 toujours, la 405 Mi16 est introduite sur le marché américain (voir encadré) : elle n’y restera que jusqu’en 1991, année du retrait définitif de Peugeot outre-Atlantique.
Peugeot 405 Mi16 US
A la fin des années 80, Peugeot croit toujours en ses chances sur le marché américain et mise sur sa 405 pour séduire la clientèle. Si la SRI est proposée avec son 1.9 dépollué réduit à 100 chevaux, c’est sur la Mi16 que compte la marque, lancée en septembre 1988 avec le 16 soupapes de 152 chevaux. Moins performante que sa cousine européenne (8 chevaux de moins pour 140 kg de plus), la Mi16 US compense par un équipement luxueux qu’on ne verra pas sur une 405 avant l’introduction de la STI en 1992 : cuir, sièges électriques chauffants, climatisation automatique, accoudoir central ou bien régulateur de vitesse. Malheureusement, cela ne suffira pas à redresser la barre du lion chez l’Oncle Sam. La marque cesse ses activités discrètement en août 1991 (2 223 exemplaires, 405 et 505 confondus, cette année-là). De nombreuses Mi16 US invendues seront discrètement distribuées dans le réseau occasion du Lion. Ce qui explique qu’on en trouve relativement souvent dans les petites annonces.
Nouveau maquillage et perte de puissance
En juillet 1992, Peugeot présente une nouvelle vision de sa 405. Cinq années après son lancement, il était temps de rafraîchir un peu la ligne et de doter la berline de moteurs dépollués. Plutôt que d’opter pour les 1 905 cc catalysés prévus pour certains marchés européens ou pour les USA, la marque va modifier le XU en un bloc de 2 litres à 16 soupapes et équipé du fameux (et tant décrié) système ACAV (acronyme de l’ésotérique “Admission à caractéristique acoustique variable”). Ce moteur équipera par la suite les Citroën ZX 16v et Peugeot 306 S16 premières moutures. Annoncé pour 155 chevaux, il n’en produit en réalité pas plus de 150 (et encore !), ce que finira par admettre Peugeot, plus tard. S’il est plutôt fiable, intéressant et plus coupleux que le 1 905 cc, il en perd aussi le caractère rageur tout en conservant des performances honorables. En réalité, il convient très bien à cette nouvelle 405 au style affiné, encore plus bourgeoise et bien mieux équipée que la première phase. Cependant, il faut bien l’admettre : la clientèle n’est plus vraiment là pour ce type de véhicule. La mode est passée.
Peugeot 405 Mi16 Le Mans
Si en Suisse, la Mi16 phase connut une série spéciale appelée Le Mans, il faut attendre la phase 2 et la commémoration des victoires des Peugeot 905 au Mans pour voir le constructeur proposer une série spéciale sous cette appellation. Tout comme la 106 XSi et la 306 S16, la 405 Mi16 reçoit en 1993 (pour 150 exemplaires, pas tous numérotés d’ailleurs) le logo spécifique, le rouge Lucifer (seule teinte disponible), des jantes alliage de 15 pouces spécifiques, une sellerie cuir-alcantara proche de celle de la T16, des sièges avant chauffants et une flamme TPS sur la calandre.
La T16 rentre tardivement dans la danse
Curieusement, Peugeot va pourtant se mettre en tête de développer une nouvelle version sportive de la 405 et malgré la fin de vie approchante du modèle. Au salon de Paris 1992, une nouvelle lionne fait son apparition dans la gamme : la T16. Il s’agit l’un d’un modèle haute performance. Si le moteur de 2 litres est le même que celui de la Mi16, il ne dispose pas du système ACAV mais récupère un turbocompresseur à géométrie variable (il prend alors le nom de XU10J4TEZ). A la clé, 200 chevaux et 288 Nm de couple. Mieux, grâce à l’overboost, la voiture gagne en puissance (220 chevaux) et en couple (318 Nm) pendant 45 secondes (elle hérite donc de la BVM de la 605 V6 pour encaisser le choc). La voiture récupère aussi la transmission intégrale des Mi16x4 disparues du catalogue avec le restylage, ainsi, entre autres, qu’une sellerie mixte cuir et alcantara. La voiture est séduisante sur le papier, mais s’avère fragile et d’un entretien difficile, tout en coûtant réellement un bras : 220 000 francs en 1993, contre 162 000 pour la Mi16 à la même époque).
Le lancement de cette T16 est inexplicable alors que les chiffres de ventes de la Mi16 indiquaient clairement une désaffection du public pour ce type de modèle. Et pourquoi ce modèle si proche de la fin de carrière de la 405, alors même que Peugeot fait le choix, pour sa future 406, de faire une croix sur le sport et préférer l’onctuosité du V6 ? Nul ne le sait. Lancée réellement début 1993, elle sera produite jusqu’en 1995 à 1 046 exemplaires (dont plus de la moitié pour la seule année 93). Environ 400 T16 seront vendues en France, le solde trouvant preneur à l’export.
Peugeot 405 T16 Gendarmerie
Alors qu’en 1992, c’est la Renault 21 2 litres Turbo qui est choisie pour équiper les Brigades Rapides d’Intervention (BRI) de la Gendarmerie Nationale, il faut cependant remplacer les modèles accidentés et compléter le parc. C’est la 405 T16 qui est choisie en 1995 et 10 exemplaires viennent renforcer les R21 bleues. A partir de 1998, les deux berlines sportives seront remplacées par des montures plus modestes : 306 S16 et Mégane Coupé IDE.
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Avec 45 659 exemplaires vendus entre 1987 et 1995, la 405 Mi16 a parfaitement tenu son rôle pendant presque 9 ans : celle d’une sportive bourgeoise performante et polyvalente qui aurait presque mérité une variante break que Peugeot n’osera jamais. A l’époque, elle reflétait bien une certaine idée du sport, avec juste ce qu’il faut d’ostentatoire tout en offrant une auto saine et véloce. Avec le recul, on peut cependant regretter l’indigence de son équipement et la piètre qualité de l’accastillage intérieur, un mal récurrent chez Peugeot pendant ces années-là. Malgré tout, elle distille aujourd’hui un terrible parfum nostalgique qui se mesure aussi à sa cote en hausse (sans parler de la T16 devenue hors de prix).