La génération précédente de Renault 5 avait apporté avec elle un vent d’air frais sur une catégorie naissante, celle des citadines. Si elle apportait un luxe, c’était surtout celui d’acquérir une voiture neuve, et si possible pas trop mal équipée. Les fous du volant pouvaient s’offrir une version Alpine, voire une Turbo, mais la qualification de luxe n’entrait pas dans le vocabulaire de l’entrée de gamme de la marque. Avec le lancement de la nouvelle 5, surnommée Supercinq, en septembre 1984, la donne changeait. La Peugeot 205 avait rebattu les cartes et obligeait Renault à revoir ses classiques. Si la GT Turbo attaquait frontalement la 205 GTI avec une philosophie différente (le turbo donc), la GTX et la Baccara innovaient totalement en apportant le luxe dans une catégorie qui l’ignorait jusqu’alors.
Production GTX/Baccara (juillet 1987-juin 1991) : environ 25 000 exemplaires (estimation)
Répondre à la 205
Avec sa 205, Peugeot avait frappé fort en 1983. La petite lionne s’était vite dotée de variantes intéressantes avec la GTI lancée en mars 1984 rapidement suivie de la Turbo 16 (limitée à 200 exemplaires mais à l’image forte). La même année, Peugeot inaugurait un partenariat avec Lacoste avec une 205 éponyme à la finition plus flatteuse (disponible entre 1984 et 1986). En 1986 apparaissait d’ailleurs une 205 cabriolet (CT et CTI dans un premier temps) renforçant le côté cool de la petite sochalienne. Pour 5, la concurrence devenait rude sur les niches. Il fallait être malin du côté de la Régie. Si la petite Renault maintenait son rang au nombre d’exemplaires vendus, elle perdait la bataille du sex-appeal alors qu’elle était plus récente.
Renault 5 Laurence et Auteuil
Dès 1983, Laurence Automobiles avait flairé le filon. Créée par deux amis (dont un ancien de Renault) et affiliée à l’une des succursales de la marque, rue de la Pompe à la Muette, Laurence se pique de rendre la Renault 5 plus luxueuse avec un modèle qui porte son nom, dérivé de la LeCar (pare-chocs, optiques) et richement dotée d’une sellerie cuir, de compteurs Jaeger, de peintures de grande qualité ou d’une chaîne stéréo Alpine. Après une poignée d’exemplaires produits, Laurence s’attaque à la Supercinq en 1985, désormais appelée Auteuil. Jantes alliages spécifiques, cuir, alcantara, tout est bon pour séduire mais là encore, le tarif prohibitif limite la clientèle, laissant la place à la Baccara bien plus accessible.
Montée en gamme
En effet, la nouvelle Renault 5 était présentée au public en septembre 1984 avec plus d’un an de retard sur la 205. Mais si cette dernière rompait radicalement avec ses devancières 104 (en 3 ou 5 portes), la Supercinq, elle jouait la continuité, laissant faussement penser à un restylage plutôt qu’à une nouveauté. Le leadership de la précédente 5 lui permit de rafler une bonne part des anciens clients, mais elle se retrouvait pour la première fois en face d’une sérieuse concurrence. Dans ce secteur, on gagne surtout de l’argent sur les versions optionnées ou de pointe, pas sur les entrées de gamme. A ce jeu là, Peugeot était déjà le champion : un exemple : la 205 GTI sera produite à 332 000 unités contre environ 160 000 pour la GT Turbo ; rajoutez à cela 72 500 cabriolet (quelques poignées chez Renault via le carrossier belge EBS), environ 24 000 Lacoste, et les très nombreuses Roland Garros à partir de 1989, vous comprenez le problème.
Le génie de Renault sera de faire autre chose que son meilleur ennemi. En 1987, la Lacoste s’est arrêtée, et la Roland Garros n’est pas encore dans les tuyaux. La Régie identifie alors pertinemment le segment à investir : celui de la petite citadine luxueuse, valorisante, presque mode, la deuxième voiture de madame dans les beaux quartiers mais que monsieur conduirait volontiers le week-end. De ce constat marketing naîtront deux modèles en juin 1987 : la Renault 5 GTX, disponible en 3 et 5 portes (70 200 Francs pour la première, 75 800 Francs pour la seconde) et la 5 Baccara, uniquement disponible en 3 portes et affichée au tarif ahurissant de 90 700 Francs, à peine moins chère qu’une GT Turbo (91 700 Francs).
Deux modèles pour séduire dans les beaux quartiers
Extérieurement, GTX et Baccara se ressemblent dans le traitement de leurs pare-chocs couleur caisse mais diffèrent au niveau des jantes en alliage (uniquement en option pour la GTX). Pour le moteur, c’est le même “gros” 1 721 cc issu de la Renault 21 qui s’y colle, avec 90 chevaux à la clé : largement de quoi satisfaire monsieur avec seulement 825 kg. La GTX comme la Baccara disposent de vitres teintées, électriques de surcroît (à l’avant seulement pour la GTX 5 portes), de la direction assistée et d’une sellerie velours pour la GTX. C’est sur ce point que tout change avec la Baccara qui accueille un intérieur tendu de cuir Connolly, des sièges au volant jusqu’à la planche de bord. Elle dispose en outre d’une pochette sous la plage arrière permettant à madame d’y glisser une robe sans la froisser, à monsieur son costume. Des raffinements qu’on retrouvera en 1988 sur la Renault 25 Baccara.
Un succès marquant
Si Renault avait poussé le bon goût jusqu’à mettre 90 poneys sous le capot de sa Baccara, ce ne fut qu’en version manuelle à 5 vitesses. Pour l’automatique à trois rapports, il fallait se contenter du 1 397 cc de 68 chevaux rendant la voiture asthmatique (pour ne pas dire plus). Les BVA sur les voitures de cette catégorie étaient souvent réservées aux femmes, alors pourquoi leur donner de la puissance hein ? Cette version sera cela dit assez peu diffusée puisque en fait, quel que soit le genre, personne ne voulait d’un tel veau. La GTX comme la Baccara (Monaco en Grande Bretagne, Exclusive en Allemagne) seront diffusées jusqu’en juin 1991 à environ 25 000 exemplaires (il s’agit d’une estimation extrapolée de la première années de production de 8 529 unités).
Il reste que la Renault 5 Baccara aura marqué son époque, initiant la série Baccara avant la 25 et qui perdurera sur la Clio, la Safrane, la R19 et la 21 avant de devenir Initiale suite à un procès perdu face aux Cristalleries Baccarat. Dommage car les Renault faisaient plus référence au jeu de casino (et au luxe associé des jeux de tables) qu’à la verrerie (fut-elle de grande facture) et qu’un accord fructueux aurait dû être trouvé. La force du nom reste dans l’imaginaire bien plus qu’Initiale qui n’a jamais su replacer Renault dans l’univers du luxe.
Images : Renault Classic, Car Design Archive, DR