Elle aura mis le temps, la 505, à remplacer dans les esprits conservateurs amateurs de Peugeot la 504 des familles, des rouleurs, ou des taxis. Il lui aura fallu dix ans de carrière, un restylage bienvenu, des versions sportives ou luxueuses, le renouveau de Peugeot et le statut de dernière propulsion de la marque pour enfin gagner les cœurs au point qu’aujourd’hui, nombreux sont ceux qui la regrettent. En Familiales (8 places), en Turbo Diesel, en GTI, en Turbo Injection, en 4×4 Dangel ou en V6 onctueux, la 505 aura tenu son rang jusqu’à l’arrivée par le bas de la 405 et par le haut de la 605, laissant la série 50X orpheline jusqu’à la 508 (en 2011 puis en 2018 pour la deuxième génération).
Production (1978-1999) : 1 351 254 exemplaires, dont 234 386 breaks (1981-1996).
Perpétuer la tradition en remplaçant la 504
Au début, il s’agit d’une histoire assez simple : la gamme Peugeot n’étant constituée que d’une 504 et d’une 204 (vite suivie par la 304 se voulant de la gamme supérieure), il s’agissait simplement de remplacer la grande par une nouvelle mouture. Mais lorsque le projet E30 est véritablement lancé en 1974, la donne a changé : la 104 a complété la gamme en 1972, la 604 est désormais proche de la production pour le haut de gamme, tandis que la 305 est dans les tuyaux pour s’affirmer en milieu de gamme. Le marché de la 504 s’apprête à se réduire par le haut comme par le bas, et la 505 encore en début de gestation se retrouve le cul entre deux chaises : elle ne doit être ni trop luxueuse pour ne pas concurrencer la 604, ni populaire pour laisser la 305 s’exprimer. Ah qu’il était bon le temps d’une gamme à deux modèles !
Un positionnement compliqué
Le positionnement est la grande difficulté de celle qui s’appellera 505 : sa devancière ratissait large alors qu’en 1979, l’année prévue du lancement du projet E30, la donne aura changé. Entre le début 1974 et 1979, Peugeot aura absorbé Citroën et Chrysler Europe, diminué sa capacité d’investissement par modèle et élargi son son offre d’une façon totalement nouvelle. Rapidement, la décision sera prise d’en rester aux fondamentaux de la marque avec cette nouvelle routière / familiale : du solide, de l’éprouvé, de la propulsion (on laisse encore la traction aux modèles plus petits), bref, ce qui représente Peugeot à l’époque et que la 504 a si bien porté depuis 1968. En ce sens, la 505 fera dans le minimalisme : une technique classique et issue de sa devancière, un style revisité par Pininfarina avec quelques modifications venues de La Garenne et surtout une version Familiale (8 places) prévue dès le début. Cette “vision” permettra à Peugeot de traverser les années 80 sans monospace dans sa gamme.
Peugeot 505 Break et Familiale (1981-1996)
Prévue dès la phase préparatoire, la version break est dessinée par Pininfarina en 1978 mais n’apparaîtra dans la gamme qu’en 1982 (les premières pré-séries, 33 exemplaires, sont fabriquées en 1981). Présenté en février, le break mesure 490 cm contre 458 à la berline et se décline en une intelligente familiale offrant 8 places grâce à une banquette supplémentaire logée dans le coffre (et rabattable). Grâce à cette astuce, Peugeot peut se permettre de décliner la proposition monospace de sa filiale d’alors, Matra, par manque de moyen. Lorsque Renault, qui a récupéré le projet Matra, lance l’Espace en 1984, Peugeot dispose donc de quoi riposter à son éternel rival. Si l’Espace a marqué les esprits, c’est surtout grâce à son design et sa modularité, mais dans les faits, le duo 504 / CX dans leurs versions familiales firent mieux que se défendre, rivalisant ensemble à l’offensive du losange. La 505 fit de la résistance dans cette configuration jusqu’en 1992 pour un total de 234 386 exemplaires (breaks et familiales confondus).
Une voiture sérieuse pour client sérieux
Jusqu’à l’apparition de la 505 Turbo Injection en 1983, la gamme 505 fait dans le sérieux, sans marcher sur les plate-bandes de la grande 604. Pas de V6 au programme, juste des 4 cylindres essence ou diesel, comme sa devancière 504. Au menu, le XN1 de 1 971 cc et 96 chevaux pour les finitions GL, GR, SR, (à BVM 4 et 5 vitesses ou BVA) et le ZEJ 1 971 cc à injection de 110 chevaux pour les TI et STI (5 vitesses ou BVM) pour l’essence. Le diesel n’apparaît qu’un an plus tard et ne propose que le XD2 (atmo) 2.3 litres de 80 chevaux. On le voit, la 505 se positionne parfaitement entre la 305 et la 604, prenant bien soin de n’en cannibaliser aucune. L’étroitesse de la cible n’empêche pas la 505 de trouver son marché et s’installe dès 1980 à un rythme de croisière calé entre 125 000 et 160 000 exemplaires produits, et ce jusqu’en 1985. Les volumes commencent alors à diminuer mais restent conséquents jusqu’au lancement de la 405 en 1987.
La Peugeot 505 aux USA
Ventes (1980-1991) : 121 871 exemplaires
La 505 Sedan est diffusée aux Etats-Unis à partir de 1980. Si sa carrosserie est adaptée à la législation US (pare-chocs, phares, feux latéraux, réservoir et ligne d’échappement du côté gauche, elle est équipée de la même gamme de moteur qu’en France : le 2 litres 96 chevaux essence et le 2.3 Diesel dégonflé cependant à 71 chevaux. La gamme commence à se différencier en 1981 avec une version S à l’équipement digne de l’Amérique (notamment la climatisation et le régulateur de vitesse) mais surtout avec une version Turbo Diesel jusqu’alors réservée à la 604 en Europe (2.3 de 80 chevaux) et dont 1 500 exemplaires seront vendus comme Taxi pour la ville de New York. Dès lors, la 505 va devenir de plus en plus américaine : Station Wagon et Turbo (142 chevaux seulement puis 180 chevaux, y compris sur les SW, dès 1985) en 1984, En 1987, les 505 américaines peuvent désormais s’équiper du V6 tandis qu’en 1989, la Turbo s’offre une rare version 200 chevaux qui ne sera distribuée qu’à une poignée d’exemplaires.
On a l’habitude de ricaner sur la présence française aux Etats-Unis et sur Peugeot en particulier, mais la 505 ne fut pas le bide qu’on imagine. Certes, elle ne dépassa que rarement les 15 000 unités par an, mais au total, ce sont 121 871 Sedan ou SW qui s’écoulèrent entre 1980 et 1991 : un chiffre non négligeable pour la grande Peugeot qui s’avérait assez réussie malgré les contraintes et l’image quasiment inexistante aux USA. Propulsion, sportive (Turbo), onctueuse (V6) ou économique (Turbo Diesel), et particulièrement bien équipée, elle réussit à trouver son public décalé outre-Atlantique. Malheureusement, c’est plutôt sa petite sœur 405 qui ruinera les espoirs de Peugeot : on l’attendait avec impatience, elle fit un flop. Lancée sur le marché en 1988, elle n’arrivera pas à trouver sa place : trop européenne, trop petite, trop traction et trop chère. Seuls 11 398 exemplaires trouveront preneur avant le retrait calamiteux de Peugeot en 1991.
Enfin, sachez qu’en 1983, Peugeot Motors of America demanda à la société Cars & Concepts de développer un coupé et un cabriolet afin de répondre à cette demande très spécifique nord-américaine. Cette dernière livra deux copies particulièrement convaincantes mais en France, on voit d’un mauvais oeil cette initiative immédiatement retoquée. Les deux modèles seront stockés au siège à New York et sauvés in extremis lors du départ de la marque fin 1991 / début 1992. Ils se trouvent désormais au musée de l’Aventure Peugeot.
La Peugeot 505 en CKD (Argentine, Chili, Chine, Nigeria, Australie)
C’est à partir d’octobre 1980 que la 505 commence sa carrière dite “CKD” (envoie de kit depuis Vesoul puis assemblé sur place) en Australie. Rapidement, elle est produite en Argentine chez SEVEL, filiale commune de Peugeot et Fiat, au Chili, puis au Nigeria et en Chine. Elle y côtoie souvent la 504 qui reste une voiture fétiche pour beaucoup de clients (notamment en Argentine ou au Nigeria). Cette production n’était pas du tout anecdotique pour Peugeot puisque 292 668 exemplaires furent produits à Vesoul et assemblés à l’autre bout du monde. La commercialisation cessera rapidement en Australie (1983) mais durera jusqu’en 1995 au Chili et en Argentine, jusqu’en 1997 en Chine et jusqu’en 1999 au Nigeria.
Une montée en gamme face à une concurrence au niveau
Au début des années 80, la 505, moderne et sérieuse à la fois, se joue assez facilement d’une Renault 20 en fin de carrière mais cela ne l’empêche pas de se remettre en question (surtout avec la sortie de la Renault 25 annoncée pour début 1984. La sochalienne va donc faire évoluer son offre tout au long de sa carrière. L’offensive commence en 1981 avec l’arrivée du Turbo Diesel (XD2S de 80 chevaux) puis avec une STI revisitée à 117 chevaux (2 165 cc) pour un peu plus de muscles. En 1982, Danielson présente une version V6 de 195 chevaux qui restera unique, et une STI préparée de 138 chevaux (quelques fous s’offriront ce kit).
En 1983, la 505 devient carrément sportive avec une version Turbo Injection de 150 chevaux (voir encadré) mais c’est en 1984 que les changements se font plus précis, sans doute pour lutter contre la nouvelle R25 qui remplace à elle seule deux modèles : la R20 et la R30. Ainsi voit-on apparaître une GTI mi-83 remplaçant la STI et développant 130 chevaux (disponible en break à partir de 1986) et que le reste de la gamme essence passe au XN1A poussé à 100 chevaux (108 à partir de 1986).
Peugeot 505 Turbo Injection
Production (1982-1990): 22 580 berlines + 1 813 break (USA uniquement).
En mars 1983, Peugeot frappe fort avec sa 505 qui se libère un peu de son carcan de bourgeoise un peu guindée. Afin de dynamiser la gamme et l’image, la marque a décidé de faire appel à Porsche pour l’ingénierie et de piocher dans les moteurs Chrysler-Simca pour offrir une version de pointe appelée Turbo injection. Le 2 155 cc de Poissy (à ne pas confondre avec le 2 165 Douvrin qui équipera d’autres 505), choisi pour sa robustesse et sa capacité à sortir des chevaux, est dopé par un turbo et l’injection pour sortir 150 canassons.
Avec l’ajout d’un échangeur air/air en 1984, elle passe à 160 chevaux et peut même monter jusqu’à 200 grâce à un kit PTS développé par Danielson (on estime à environ 200 exemplaires ce kits extrêmement désirés). En novembre 1985, la Turbo Injection évolue encore et passe désormais 180 chevaux aux roues arrière. Elle reçoit rapidement une livrée restylée puis continue sa carrière en France jusqu’en 1989 (1990 aux Etats-Unis où elle est disponible en break et quelques rares versions 200 chevaux.
Peugeot 505 4×4 Dangel
A partir de 1986, le petit constructeur alsacien Dangel propose la même recette que pour la 504 sur la base de la 505. Cette fois-ci, seul le break est disponible mais grâce aux bons soins de Henri Dangel et de ses équipe qui lui greffent une transmission intégral et un look de baroudeur, il se transforme en véritable outil de franchissement, ciblant les administrations (DDE, pompiers, gendarmerie), les grandes entreprises (EDF, les PTT de l’époque), l’outre-mer et les zones de montagne. Les moteurs sont les 2 litres essence de 96 à 110 chevaux, ainsi que l’ensemble de la gamme diesel (il se murmure qu’il existe un exemplaire doté du moteur de la GTI dès l’origine). Environ 5 000 unités seront produites entre 1986 et 1994, ce qui en fait une rareté.
Petite anecdote : les élargisseurs d’ailes et les bas de caisse de la 505 Dangel ont été dessinés par Gérard Godfroy, l’un des deux créateurs de Venturi.
Le champ libre en attendant 405 puis 605
Avec la disparition de la 604 en 1986 (la production a cessé en novembre 1985 mais les stocks s’écoulent jusqu’en juin 1986), la 505 devient le seul haut de gamme de Peugeot, charge à elle de tenir jusqu’à l’arrivée de la remplaçante prévue pour début 1990 : la 605. Elle s’offre donc un lifting bienvenu qui la transfigure et lui donne un aspect statutaire sur l’ensemble de la gamme et non seulement sur les versions hautes. En outre, elle bénéficie d’une version V6 (voire encadré) qui tourne enfin rond grâce à des manetons décalés. Elle récupère aussi le XD3T Turbo Diesel de la 604 (2.5 litres et 95 chevaux). Avec le vieillissement de la 305 et dans l’attente de la 405, la gamme s’élargit aussi vers le bas et récupère le XM7 1.8 litre de 82 chevaux.
On compte fort sur la 505 du côté de l’avenue de la Grande Armée, et elle fait plus que résister, continuant ses scores honorables (128 822 exemplaires en 1985, 113 222 en 1986). Pourtant, chez les cousins de Citroën, la BX lui taille des croupières, et chez Renault, la 25 et la très récente 21 lui mènent la vie dure. Ses ventes diminuent sensiblement en 1987 à 76 859 unités. Entre une concurrence féroce et l’arrivée de la 405, certes plus petite (440,8 cm soit presque 18 cm de moins) mais plus moderne et joliment dessinée, difficile de maintenir les mêmes cadences pour une voiture de 8 ans d’âge.
Peugeot 505 V6
Production (1986-1990) : 10 005 ex dont 180 V6 S
Avec la fin de carrière de la 604 et dans l’attente de la 605, Peugeot se doit de faire perdurer son V6 PRV désormais plus équilibré grâce à l’adoption par Renault d’un nouveau vilebrequin et de manetons décalés. La Française de mécanique en extrapole une version 12 soupapes destinée à la 505, cubant 2 849 cc et développant 170 chevaux. Les ambitions sont mesurées : il s’agit simplement de patienter le temps que la 605 (dont le PRV passera à 3 litres pour 170 chevaux en 12 soupapes et 200 en 24 soupapes) ne pointe le bout de son nez. Cependant, la 505 V6 est chère et pour écouler les derniers modèles, Peugeot propose à partir de fin 1988 une version spéciale appelée V6 S à l’équipement dépouillé : seuls 180 exemplaires seront vendus jusqu’en 1989.
Une fin de carrière tranquille
En France, la casse est limitée en 1988 grâce aux bonnes ventes du break qui reste encore une valeur sûre pour les familles nombreuses et les amoureux. Enfin, les ventes en CKD (voire encadré plus haut) compensent la chute tant bien que mal et rapportent de l’argent sur un modèle bien amorti. Avec la sortie prématurée de la 605 à l’automne 1989, la 505 reste au catalogue avec une gamme rétrécie. Les dernières berlines destinées au marché français sont produites en 1991, et les derniers breaks en 1992. La production continue cependant à Vesoul pour l’envoi de kit de fabrication (CKD) aux usines hors d’Europe (la production à Vigo pour le marché espagnol n’aura duré qu’entre 1980 et 1986 pour un total de 145 073 voitures) mais dès 1996, celles-ci ne seront plus qu’anecdotiques jusqu’à la fin définitive en 1999.
Peugeot 505 Pick Up Gruau
En 1985, le carrossier Gruau développe une version pick-up double cabine sur la base de la 505, espérant trouver un marché notamment à l’étranger où les pick-up double cabine existaient déjà sur la base de la 504. Malheureusement, Peugeot ne donnera pas suite et Gruau n’écoulera que 6 exemplaires en motorisation 2.5 D Turbo de 95 chevaux.
4 commentaires
La version « US » apparait furtivement garée dans le clip de Bananarama » Cruel Summer » (vers la fin) c’est tout pour moi …
Ah la 505, dommage, elle me faisait penser à une série 5 française ! Robuste, bien finie (et jolis sièges 😁), grosse gamme de moteurs capables de rivaliser avec la gamme teutonne de la 518 carbu à la 528i en passant par la 524td, plus les breaks et Dangel.
Après est arrivée la 605, ruinant les espoirs du lion de concurrencer sérieusement l’hélice, l’étoile ou les anneaux…
Mention spéciale pour la belle iconographie, et notamment la photo de la 505 turbo rouge US vue de derrière, hormis les feux 309, on dirait une 405 Mi16, une tuerie (l’adaptation aux normes US était particulièrement réussie esthétiquement parlant).
Un Turbo « US », il y en a longtemps eu une dans mon quartier quand j’habitais Lille Cette, c’est vrai qu’elle « claque » . Si je pouvais encore conduire , je chercherais une Turbo ou une V6 .
PICK UP en vente sur le web :
https://www.kleinanzeigen.de/s-anzeige/x/2577093857