Lorsque Peugeot présente son nouveau coupé en octobre 1996 au Mondial de Paris, c’est un coup de tonnerre. Treize ans après la disparition de la 504 Coupé/Cabriolet, la marque sochalienne refait le coup d’un modèle totalement différent de la berline dont il dérive, toujours avec l’appui de Pininfarina, et c’est un coup de maître : la 406 Coupé est stupéfiante et le public conquis. Mieux, elle transforme l’essai en devenant un véritable succès commercial pour une voiture de ce type et surtout de ce prix, preuve qu’un peu d’audace et un beau coup de crayon peuvent faire des merveilles.
Production (1996-2004) : 107 654 exemplaires (source : Peugeot)
Dont : environ 14 000 coupés V6 et 24 020 coupés HDi
Le retour du Coupé GT
Depuis 1983, Peugeot avait abandonné le segment des coupés de Grand Tourisme dérivés de berlines familiales. La 504 Coupé (comme sa version cabriolet) avait séduit par son style, mais ses ventes étaient restées relativement confidentielles malgré une présence de 14 années sur le marché. Constatant la désaffection pour ce type de modèle, la firme sochalienne s’était concentrée sur des véhicules destinés à une plus large diffusion. Pourtant, les têtes pensantes de l’Avenue de la Grande Armée ne peuvent que constater, au début des années 90, le succès de l’Opel Calibra. Ce concurrent n’avait pas baissé les bras en 1989 et remplacé sa Manta B par un coupé élégant basé sur la berline Vectra, profitant d’un marché allemand encore friand de ce type de carrosserie. Pour Peugeot, le challenge se révélait plus ardu puisque son principal marché, la France, semblait résister à toute envie de coupé depuis l’arrêt sans panache de la Renault Fuego en 1986.
Une intuition traduite magistralement par Pininfarina
Mais au milieu des années 90, Peugeot a le vent en poupe et se sent pousser des ailes malgré l’échec de sa grande berline 605. Pour accompagner sa 406 (qui remplace la 405) prévue pour octobre 1995, l’entreprise voit grand et se décide à lancer le projet D85, estimant qu’un objectif de 70 000 ventes seulement permettrait au modèle d’être rentable. Par rapport aux 31 163 exemplaires de 504 (coupés et cabriolets), cela peut paraître ambitieux mais les études semblent prouver qu’il existe un potentiel pour un coupé, à condition que son style soit une réussite. Respectant une tradition datant de 1955 et de la 403, Peugeot fait donc appel à Pininfarina, en concurrence avec le bureau de style interne dirigé par Gérard Welter. La proposition italienne, dessinée par le jeune et génial Davide Arcangeli, sous la houlette de Lorenzo Ramaciotti, remporte tous les suffrages. Comme pour la 504, la 406 Coupé se distingue totalement de sa sœur berline tout en l’évoquant suffisamment pour s’intégrer à la gamme.
Un coupé bien né
Cette fois-ci pourtant, Pininfarina et Peugeot trouvent la martingale : un dessin sublime, on l’a vu, évoquant pour certain la Ferrari 456 GT (excusez du peu) mais aussi une base technique particulièrement réussie. Les trains roulants de la 406 sont une référence en la matière, tandis que les moteurs Peugeot s’avèrent tout à fait convaincants pour la nouvelle référence de la gamme : le XU10J4R de 1 998 cc et 135 chevaux est une valeur sûre, tandis que le coupé étrenne un tout nouveau V6 conçu par la Française de Mécanique pour remplacer le PRV, l’ESL9J4 de 2 946 cc et 194 chevaux. Comme pour les 504 C, Peugeot ne positionne pas la 406 Coupé dans la catégorie des sportives mais bien dans celle des GT bourgeoises capables de cravacher quand il se doit (surtout en V6). Commercialisée en 1997, la belle se conquiert au prix d’un certain sacrifice financier : 174 800 Francs en 4 cylindres, 214 800 en 6 (voire 239 800 en version Pack toute équipée). Cela reste cependant moins cher qu’une 605 V6 (entre 219 000 et 249 000 selon l’équipement). Dès 1997, 11 076 clients se laissent séduire par le coupé sochalien. Sochalien ? Pas tout à fait. Certes les éléments mécaniques (châssis, moteurs, trains roulants) sont produits à Sochaux, mais envoyés ensuite près de Turin pour assemblage, à San Giorgio Canavese. Les carrosseries, elles, sont façonnées puis peintes à Grugliasco avant de rejoindre la ligne d’assemblage.
Une Peugeot 406 Coupé Venturi ?
Fin 1998, le patron de Venturi Michael Bishop accordait une interview au magazine Auto Live pour parler de l’avenir de la petite firme nantaise. Malgré les difficultés à écouler son excellente 300 Atlantique équipée du même V6 que la 406 mais dopé au turbo pour développer 281 chevaux (et alors qu’une version Biturbo de 310 chevaux est en préparation), Bishop se déclare confiant, suite à des pourparlers engagés avec Peugeot lors du Mondial de l’Auto 1998. Un rapprochement semble possible d’autant que le journaliste remarque sous bâche un véhicule dont la silhouette ressemble étrangement à un coupé 406. Ce projet ne sera jamais dévoilé : s’agissait-il de tester le V6 Turbo sous le capot avant de la voiture (une traction, rappelons-le) ou tout simplement d’adapter les excellents trains roulant de la sportive au coupé franc-comtois ? Nul ne le saura jamais. Il n’empêche, 281 chevaux sur la 406 Coupé, ça aurait eu de la gueule !
Succès et évolutions
En 1998, les ventes montent à 24 257 exemplaires (année qui restera le record absolu du coupé) et Peugeot, prévoyant de faire durer le succès, lui offre un lifting dès 1999. Oh pas grand chose certes, mais de quoi rester dans la course encore quelques années. C’est l’occasion de renouveler l’offre 4 cylindres avec un nouveau moteur 2 litres EW10J4R (1 997 cc pour 138 chevaux). Cela n’empêche pas les ventes de se tasser un peu (17 511 ex) mais le pari est d’ores et déjà réussi : l’objectif des 70 000 n’est plus très loin, trois ans seulement après son lancement. En 2000, Peugeot décide donc de soutenir son produit en lui offrant un nouveau spot de pub très réussi, s’inspirant de Paris et de Doisneau (voir la vidéo en fin d’article). La version V6 en profite pour passer à 210 chevaux. En octobre, Peugeot sort une série spéciale célébrant les 70 ans de la Carrozzeria Pininfarina dénommée tout bêtement Settant’anni (voir encadré).
Peugeot 406 Coupé Settant’anni
Pour les 70 ans de Pininfarina, Peugeot réalise la première série spéciale de la 406 Coupé. Cette dernière se voit équipée de jantes Nautilus bi-ton, de deux selleries cuir exclusives, de (fausse) loupes de noyer, de détails spécifiques, d’une plaque numérotée, ainsi que d’un set de bagagerie spécialement conçue pour elle. L’ensemble en fait un collector en puissance, produits à 1 305 exemplaires (au lieu des 1 200 prévus). Elle n’est disponible qu’en V6 210 chevaux (bien qu’un exemplaire HDi ait servi de prototype).
Du Diesel dans un coupé
Si les ventes chutent un peu en 2000 (15 570 ex), elles se reprennent dès 2001 (17 362) : pas mal pour un coupé âgé de plus de 5 ans. Peugeot va donc continuer à innover avec l’introduction d’une version Diesel en 2001. Ce 4 cylindres HDi de 2 179 cc et 136 chevaux peut paraître incongru sous une telle robe, mais l’époque était au Diesel, et Peugeot en était le champion : le coupé 406 était une bonne occasion de montrer l’agrément de ces moteurs dont le couple de 310 Nm était supérieur à celui du V6(285). L’idée n’était pas si mauvaise puisque 24 020 coupés furent motorisés ainsi entre 2001 et 2004. En 2002, c’est au tour de l’essence de voir sa gamme remaniée : le 2 litres cède sa place à l’EW12J4 de 2 230 cc et 160 chevaux. Les performances sont grandement améliorées tout en conservant une consommation parfaitement acceptable. Cette mécanique attrayante ne suffit cependant pas à compenser l’âge de plus en plus grand de la 406 Coupé (10 465 unités en 2002). Une nouvelle série spéciale fait son apparition : la Sport (ou Black Silver selon les marchés) vendue à 2 597 exemplaires.
Peugeot 406 Coupé Ultima Edizione
Pour célébrer la fin du coupé 406, Peugeot propose une Ultima Edizione plutôt bien équipée, numérotée (2 000 exemplaires prévus, 2 097 produits, dont seulement 158 V6). Elle reprend globalement l’équipement Pack richement doté et un cuir Alezan du plus bel effet.
Fin de carrière en beauté
Dès lors, Peugeot va accompagner la fin de carrière de son coupé star, le temps que la 407 Coupé lui succède, à coup de série spéciale. En avril 2003, la Griffe fait son apparition (une discrète mais luxueuse voiture non numérotée, mais très rare : 885 exemplaires). Les ventes sont cependant en berne avec 7 387 coupés seulement. En mai 2004, ça sent la fin puisque Peugeot propose une série limitée au nom évocateur : Ultima Edizione (voir encadré). Le dernier modèle sort des chaînes de San Giorgio Canavese le 24 octobre 2004, après 107 654 exemplaires, chiffre définitif fourni par Peugeot. Son héritière, la 407 Coupé, n’aura pas le même succès : la faute sans doute à son dessin plus maladroit (Style interne Peugeot), difficile de succéder à une icône.
Publicité : Le Baiser de l’Hôtel de Ville (2000)
Aller plus loin :
Nous vous conseillons la lecture très instructive du site du Club Coupé 406
Photos : Peugeot, Car Design Archive, Club Coupé 406, Communauté Venturi
Un commentaire
Voilà un encadré, dans l’article, qui met en appétit, le mystère du coupé 406 bâché. Il faudra un Gaston Leroux de la chose roulante pour soulever le voile, un peu comme pour l’histoire de la 607 Pescarolo, vraisemblablement jamais gréée du V6 promis des C60 Courage de Pescarolo Sport. Ce premier coupé 406 s’inscrivait bien dans cette décennie 90 qui redonna goût à l’automobile après des 80’ d’indifférence ou pis encore. Il y avait de quoi choisir, depuis le coupé Fiat si réussi, l’Alfa GTV en passant par l’Opel Calibra ou la Honda Prélude pour rester dans cette catégorie réaliste. « C’est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup », le soin apporté au dessin de la sellerie en cuir l’installait dans le registre du grand tourisme cosy et de bon goût. Et puis, cette Peugeot avait un « faux-air » comme aurait dit ma tante de Ferrari 456, en forçant bien l’imagination. « Juste une illusion ». En tout cas, un bel exemplaire aujourd’hui, dans la circulation quotidienne, a toute sa place. En jaune « Louxor ». Vécisse forcément. Et puis les photographies de présentation charentaises, dans l’article, la patrimonialisent à rebours (Corderie Royale de Rochefort, Hôtel-de-Ville de La Rochelle).