Lorsque la Renault 5 sort en 1972, l’heure n’est pas encore aux petites GTI qui cartonneront une décennie plus tard. Pour l’heure, la jeunesse et les amateurs de sensations fortes se font la main sur des Renault 8 Gordini et sur la toute nouvelle R12 du même sigle. Pourtant, l’idée d’une petite sportive dérivée de la petite citadine qui cartonne va peu à peu prendre corps pour donner naissance à une petite bombe sur roue : la Renault 5 Alpine, d’abord atmosphérique pour gavée au turbo pour garder la cadence face à une concurrence toujours plus féroce.
Production (1975-1984) : 89 965 exemplaires (Chiffres Alpine « TCM » – Tombée de chaîne mécanique).
Dont R5 Alpine (Décembre 1975-août 1981) : 56 616 exemplaires
R5 Alpine Turbo (juillet 1981-juillet 1984) : 33 349 exemplaires
Des envies de sport
Dès 1972, l’idée d’une version sportive de la pimpante R5 trotte dans la tête des ingénieurs de chez Renault qui réalisent, à Viry-Châtillon, un prototype dotée d’une mécanique de Renault 12 Gordini et d’une carrosserie évocatrice. Malgré l’intérêt d’un tel projet, il est rapidement abandonné, jugé irréalisable industriellement. Pourtant, l’intérêt pour une version sportive persiste et, en 1973, Dominique Guérin (Alpine) se voit confier le projet R1223 pour le compte de Renault. Il s’agit de proposer une R5 aux performances améliorées (180 km/h), restant accessible et rentable à partir de 6 exemplaires produits par jour.
Un moteur à moitié espagnol
Pour un tel projet, il faut être ingénieux et faire avec ce que l’on a. Or aucun moteur français ne convient réellement pour la future 5 sportive. Il faut alors se tourner vers la filiale espagnole FASA qui produit pour le marché local un Cléon-Fonte de 1 397 cc pour la Renault 12, et qui pourrait faire l’affaire. Tout le bas moteur sera récupéré tandis qu’une nouvelle culasse hémisphérique et des nouveaux pistons sont dessinés pour l’occasion par . Avec son haut moteur spécifique et son carburateur double-corps, ce nouveau bloc passe de 70 chevaux pour la version espagnole à 93 dans la petite R5 qui se voit dotée de barres de torsion à l’arrière et d’une barre antiroulis à l’avant. Pour la boîte de vitesses, on choisit d’utiliser celle de la Renault 16 TX tandis que le train avant vient des R5 LS, TS et LeCar. La voiture ne pèse que 840 kg et confie son ralentissement à des disques à l’avant, mais des tambours à l’arrière.
Une sportive signée et siglée Alpine
Si la partie mécanique est figée, il faut aussi marketer le produit. Yves Legal signe une élégante mais discrète déclinaison. Avec son gros pare-chocs avant, ses jantes spécifiques, ses rétroviseurs obus et ses liserés rouge agrémentés du sigle A5, elle rappelle sans ostentation sa destinée sportive et se démarque élégamment de ses sœurs plus sages. Parlons justement du A5 sur ses flancs. Non seulement la voiture a été conçue chez Alpine et doit être produite à Dieppe aux côtés des dernières A110 et de l’A310, mais elle doit en porter le nom. Filiale de Renault depuis 1973, Alpine entend bien profiter des retombées d’image qu’une petite citadine sportive peut lui apporter tandis que Renault décide de laisser le label Gordini (enfin presque, voir encadré) tomber en désuétude. La petite nouvelle s’appellera donc Renault 5 Alpine.
Renault 5 Gordini
Si Renault abandonne le nom Gordini pour celui d’Alpine pour ses déclinaisons sportives, ce n’est pas le cas partout. En effet, la marque Alpine appartient dans un certain nombre de pays et en particulier en Grande Bretagne à Chrysler Europe qui a pris le contrôle du groupe Rootes dans les années 60 (Sunbeam Alpine) et qui l’exploite encore avec la Chrysler Alpine (une Simca 1307/1308/1309) sur les marchés britannique et espagnol. Renault se voit donc contraint de vendre sa voiture sous le nom de Gordini. Le problème se posera à nouveau avec les Alpine GTA qui deviendront des Renault by Alpine outre-Manche. La R5 Gordini est présentée au marché anglais fin 1978 au salon de Birmingham et sa commercialisation débute en avril 1979. Elle passera elle aussi au Turbo en 1981.
L’A5 fait sensation
La voiture est présentée en juin 1976 et elle fait sensation. Certes Peugeot a pris les devant en commercialisant depuis septembre 1975 sa 104 ZS, mais elle ne propose que 66 chevaux (72 chevaux à partir de 1979 et 93 chevaux en 1978 sur la rare ZS2). En Allemagne, c’est la Volkswagen Golf GTI qui fait sensation avec son injection et ses 110 chevaux en septembre 1975 mais elle n’arrivera en France qu’un an plus tard, le temps de répondre au succès immense qu’elle connaît outre-Rhin. La R5 Alpine trouve tout de suite sa clientèle, du moins en France. Certes, la concurrence germanique est dure mais la Golf arrive au compte goutte sur le marché français (au début). L’Alpine coûte en outre un peu moins cher (42 000 Francs contre 43 850 pour la Golf GTI en 1978, mais 30 700 Francs pour la Peugeot 104 ZS) tout en proposant une conduite plus sportive et moins lisse qui comble les amateurs de R8 puis R12 Gordini.
Renault 5 Copa (environ 2000 exemplaires entre 1977 et 1982)
En Espagne se posent deux problèmes : le nom Alpine y est aussi la propriété de Chrysler (via sa filiale Barreiros) et les taxes d’importation restent particulièrement élevées. Cependant, Renault y possède une filiale industrielle locale, la FASA. Cette dernière va donc reprendre la formule de la 5 Alpine en l’adaptant à sa clientèle. La Renault 5 Copa dispose elle aussi d’une décoration spécifique (capot noir, caisse colorée, le plus souvent jaune) et reprend la même disposition technique et son Cléon-Fonte de 93 chevaux. En 1981, une version Turbo (110 chevaux là encore) verra aussi le jour mais restera peu de temps au catalogue.
Des résultats inespérés
La R5 Alpine compte bien entretenir ce côté sportif. Depuis 1975, Renault organise avec Elf une coupe nationale monotype avec la R5 LS. A partir de la saison 77-78, c’est la petite Alpine qui devient la monture des jeunes pilotes (voir encadré). Les débuts commerciaux de la 5 Alpine sont en tout cas très encourageants et la cadence montera même jusqu’à 80 véhicules par jour (à comparer aux objectifs du projet R1223). Cependant, la petite sportive s’essouffle petit à petit face aux coups de butoirs de la Golf GTI désormais disponible en grand nombre et sans doute plus policée à conduire. Il faut donc se renouveler pour ne pas être distancé.
Renault 5 Alpine Coupe (Atmo : 656 ex ; Turbo : 706 ex)
Pour la saison 1977/1978, la Coupe de France Renault Elf change de monture et quitte la peu puissante 5 LS (64 chevaux) pour la 5 Alpine qui prend l’appellation de Coupe. Cette dernière est bien évidemment allégée, renforcée, avec des barres de torsion plus grosses, des disques à l’avant (ventilés) comme à l’arrière, ainsi que quelques modifications techniques. Pour la saison 81/82, la 5 Alpine Turbo Coupe prend le relais avec la même formule jusqu’à son remplacement par la GT Turbo en 1985/1986.
Renault 5 Alpine Groupe 2 : une quasi victoire au Monte Carlo
En 1977, Renault engage deux Renault 5 Alpine Groupe 2 en Rallye avec Jean Ragnotti et Guy Fréquelin à leurs volants. En janvier 1978, au Rallye de Monte Carlo, les deux petites Groupe 2 (137 chevaux, 795 kg) vont profiter de conditions climatiques dantesques et de leur agilité naturelle pour s’immiscer au milieu des puissantes Groupe 4. Si la victoire au classement général leur échappe face à la Porsche 911 Carrera de Jean-Pierre Nicolas, Ragnotti finit 2ème et Fréquelin en 3ème position devant les Fiat 131 Abarth ou les Lancia Stratos. Renault s’empressera de communiquer sur cette performance et lancera même une série spéciale de la R5 sur la base de la TS et dénommée Monte Carlo, tout simplement. .
Un Turbo pour relancer l’Alpine
A cette époque, Renault mise tout sur le Turbo, en compétition comme en série. C’est évidemment cette option qui va être choisie pour améliorer l’A5. Dès 1980, la Régie a présenté un ovni destiné à quelques amateurs : la Renault 5 Turbo à moteur central arrière. Pour 1981, c’est au tour de l’Alpine de passer au turbo et de rejoindre enfin la Golf à 110 chevaux, mais sans passer à l’injection. Avec cette écurie sous le capot, l’A5 se pare de quelques différences notamment intérieures, de nouvelles jantes et des logo Turbo remplace les A5 latéraux de la version atmosphérique. Le tarif grimpe aussi rapidement que la puissance, passant à 55 000 Francs en 1982.
Des Renault 5 Alpine au GIGN
Si l’on connaît bien les voitures des BRI et ERI de Gendarmerie, celles du GIGN sont généralement plus discrètes. Or, il se trouve que le célèbre Groupement d’Intervention de la Gendarmerie Nationale disposait de petites bombinettes siglées Alpine Renault. D’après les informations transmises par la Gendarmerie à Station Haxo, le GIGN commanda 3 exemplaires de la R5 Alpine en 1977. Elles seront remplacées en 1984 par 3 exemplaires de Lauréate Turbo (2 blanches et une noire). A la même époque, le GIGN disposait aussi de 14 Renault 18 Turbo banalisée acquises entre 1982 et 1984. Il semblerait que la Police Nationale ait possédé aussi au moins deux exemplaires de la R5 Alpine Turbo : acquisition ou prêt de Renault ? Nous n’avons pas d’informations les concernant.
La concurrence devient rude
C’est cher, certes, mais c’est le prix à payer pour rouler en petite sportive française. La 104 ZS ne peut pas suivre, et la nouvelle Talbot Samba non plus (il faudra attendre juillet 1982 pour voir la Rallye avec seulement 90 chevaux). Cependant, la R5 commence à vieillir et avec elle sa déclinaison Alpine. Dans les cartons, une nouvelle citadine se prépare (ce sera la Super 5) et rien n’est fait pour mieux vendre la Renault 5 Alpine Turbo qui voit rapidement ses ventes stagner puis baisser. La fin est proche, et même tellement proche qu’en mars 1984, le logo Alpine disparaît de la petite sportive pour devenir Lauréate Turbo (voir encadré). Il faut dire qu’entre temps, une nouvelle concurrence avait débarqué : la Peugeot 205 GTi bien que moins puissante à ses débuts en mars 1984 (105 chevaux) débarque sur le marché pour le renverser totalement, laissant la vieille Lauréate Turbo sans défense.
Renault 5 Lauréate Turbo
En Mars 1984, la gamme Renault 5 prenait le nom de Lauréate et ne conservait plus que 4 finitions : L, TL, GTL et Turbo. Si la gamme se rétrécissait, la Turbo y conservait toute sa place histoire de patienter jusqu’à l’arrivée de la Super 5. Elle se distingue des précédentes Turbo en perdant le nom d’Alpine, évidemment, et en récupérant une nouvelle signature stylistique : boucliers peints, bande latérale spécifique siglée Lauréate, jantes issues des Alpine atmosphériques, et équipement réduit. Alors que l’Alpine Turbo s’affichait à 64 000 Francs début 84, la Lauréate Turbo s’offrait pour 61 000 Francs. Elle ne sera produite qu’entre mars et juillet 1984, autant dire qu’il s’agit d’une vraie rareté.
Fin de carrière
En juillet 1984, le couperet tombe : l’Alpine Turbo devenue Lauréate tire sa révérence mais ne laisse pas sa clientèle orpheline. Il faut certes patienter jusqu’en février 1985 pour voir la toute nouvelle Super 5 GT Turbo (115 chevaux) présentée mais cela valait le coup d’attendre un peu car Renault peut alors enfin espérer lutter à armes égales face à la 205 GTI. Un regret cependant : la petite sportive au losange ne porte plus le nom d’Alpine, se contentant d’un patronyme proche de celui des V6 GT et Turbo. Seule consolation : la petite dernière reste fabriquée à Dieppe, comme ses sœurs aînées, faisant d’elle une Alpine anonyme.
Images : Renault Classic, DR