Depuis le lancement de la Citroën Méhari, de nombreux constructeurs, grands ou petits, ont tenté de se faire une place au soleil sur ce créneau étroit mêlant l’utilitaire et le loisir dans une même voiture minimaliste. Fort de son succès dans un tout autre domaine, la voiture sans permis (VSP), un entrepreneur savoyard se fait fort d’offrir sa vision moderne d’un tel véhicule sous la marque Méga : la Club et sa déclinaison utilitaire, la Ranch. Malgré un succès d’estime et l’ingéniosité de ses modèles, la marque ne décollera jamais et reviendra à la fin de la décennie sur son cœur de métier.
Production (1992-1998) : entre 800 et 1 000 exemplaires
De la voiturette à la vraie voiture
L’histoire de Méga remonte en réalité à l’année 1975 et la création de la société Arola, spécialisée dans ce qu’on appelait encore la “voiturette”. Il s’agissait de véhicules généralement sans grâce dotés de moteurs de moins de 50 cc issus du monde du 2 roues. Le marché est étroit, mais il existe. D’autres marques comme Acoma (qui produit la Mini Comtesse) et bientôt Ligier sont présentes sur un marché intéressant mais bridé par la législation. Arola fait faillite fin 1982. Malgré cela, un industriel spécialisé dans l’enseigne lumineuse, Georges Blain, flaire la bonne affaire et rachète l’entreprise. Le changement de la loi concernant les VSP offre de nouvelles perspectives. Désormais, c’est la puissance (4kW, la vitesse maximale (45 km/h) et le poids (350 kg) qui limiteront les VSP. Sur les cendres d’Arola, Blain crée Aixam (l’usine se trouve à Aix les Bains) et démocratise la voiture sans permis en lui donnant un look plus séduisant, proche de celui d’une vraie voiture. Rapidement, Aixam domine le marché et l’entreprise se révèle très rentable.
Ressusciter la Méhari
Au début des années 90, l’entreprise est en excellente santé mais le marché des VSP stagne. Georges Blain décide donc de se diversifier : son équipe est compétente, maîtrise les matériaux composites et l’expérience acquise dans la voiturette permet d’envisager de voir plus grand. Il ne lui a pas échappé que la Citroën Méhari n’est plus fabriquée depuis 1987, laissant une probable clientèle orpheline. Faisant fi des échecs de Renault avec la Plein Air, puis de son partenaire Teilhol avec les Rodéo 4, 6 et 5, Blain va tenter sa chance avec une déclinaison plus moderne du concept. Pour lui, il existe un marché pour ce genre de produit destiné à une clientèle double : celle des artisans, commerçants, pêcheurs et ostréiculteurs pour lesquels un véhicule léger, pratique, passe partout, lavable et sans crainte de la rouille est nécessaire ; celle enfin, plus branchée, des particuliers fortunés désireux d’acquérir une voiture de plage ou de résidence secondaire. Pour les premiers, ce sera la Ranch 2 places quand les seconds pourront s’offrir la Club, vendue avec 4 places. Pour accueillir ce nouveau véhicule, une nouvelle marque est créée : Méga.
Une base de Citroën AX
Si Aixam (et par ricochet Méga) est un bon assembleur, il n’y a pas les compétences en interne pour développer un nouveau véhicule en intégralité. L’entreprise va donc frapper à la porte de Citroën pour négocier l’utilisation du châssis de la Citroën AX et de ses mécaniques. Chez PSA, on voit le projet d’un bon œil : c’est l’occasion de vendre des moteurs et de la pièce d’un modèle déjà largement amorti. Pour Méga, c’est l’assurance de mécaniques fiables, faciles à réparer dans un réseau national et, cerise sur le gâteaux, d’une base disponible aussi en 4 roues motrices (AX 4×4). Pour les moteurs, le choix se porte d’abord sur le 1 124 cc essence de 60 chevaux et le 1 360 cc de 75 chevaux. Plus tard, une version Diesel 1 360 cc 50 chevaux viendra compléter l’offre. Du côté de la carrosserie, Méga a dessiné une voiture pratique et surtout modulable et configurable en toutes sortes de versions grâce à des panneaux en matériaux composites. Le résultat est stylistiquement étrange, mais ce look va bien avec ses deux vocations principales. D’ailleurs, la Méhari n’était pas spécialement belle : c’est la nostalgie qui l’a rendue désirable par la suite. Le surcoût n’est pas énorme par rapport aux AX de même motorisations (en 2 roues motrices, les tarifs vont de 68 700 à 79 500 Francs).
Des débuts intéressants
Les Méga Club et Ranch sont présentées au Mondial de l’Auto 1992 et les deux modèles intriguent une clientèle potentiellement intéressée. La marque reviendra régulièrement Porte de Versailles pour présenter ses modèles et y fera parfois l’essentiel de ses ventes. En effet, la principale faiblesse de Méga réside dans son réseau. Si PSA fournit bien les composants, il ne s’est pas engagé dans la distribution des modèles dans le réseau Citroën. Du côté de Méga, on a sans doute cru que le réseau Aixam (environ 80 distributeurs à l’époque partout en France) suffirait à diffuser largement le modèle. Or la clientèle potentielle n’a jamais mis les pieds chez un concessionnaire de VSP et la marque manque cruellement d’image malgré les projets de Supercars (voir encadré).
Méga Track et Monte Carlo
En même temps que Méga se lance dans la production des Ranch et Club, Georges Blain décide de faire le grand écart et de se lancer dans la production d’une Supercar extraordinaire. Dotée d’un V12 Mercedes de 6 litres et 395 chevaux, elle se veut aussi à l’aise sur route que dans le désert. Look sportif et baroudeur, transmission intégrale, suspension pilotée réglable, la Track impressionne aussi par ses dimensions (5,08 mètres) comme ses performances (250 km/h limités électroniquement). Présentée en même temps que les Ranch et Club au Salon de Paris, elle est affichée au modeste tarif de 1 900 000 Francs. Elle trouvera tout de même 6 clients jusqu’en 2000. En 1995, Méga rachète le fabricant monégasque MCA (Monte Carlo Automobile) qui produit en toute petite série la Centenaire. Partant de ce projet, Méga va développer la Monte Carlo équipée du même V12 que la Track. Deux exemplaires seront produits avant que Aixam ne mette fin à l’aventure Méga.
Victoire au Trophée Andros
Cahin caha, l’entreprise diffuse une centaine de véhicules par an, mais cela ne suffit pas à rentabiliser l’investissement. Méga bénéficie des profits d’Aixam sur le marché des VSP mais il faut améliorer l’image et faire connaître la marque. Georges Blain va intelligemment se tourner vers le sport auto, mais pas n’importe lequel : le Trophée Andros et les courses sur glace. A cette époque, la formule fait recette et les nombreuses marques et stars engagées en font un circuit très suivi. Encore faut-il, pour émerger, gagner quelques courses. Le pilote François Chauche fera mieux, empochant le championnat en 1994 : une mise en avant bienvenue pour relancer un peu les ventes encore trop faibles. L’exploit ne sera pas réitéré : Yvan Muller, avec Oreca puis Opel France trustera les victoires sept années durant !
La fin de l’aventure malgré un dernier baroud d’honneur
Un autre problème vient fragiliser la petite entreprise : la production de l’AX n’est pas éternelle et PSA compte l’arrêter en 1998. Méga va tenter de créer un nouveau modèle sur la base de la Saxo, sous le nom de Méga Concept. Le style est adouci, et le concept un peu édulcoré d’autant que la nouvelle citadine de Citroën n’est pas disponible en 4 roues motrices. Méga cesse la fabrication des Club et Ranch en 1998 et n’arrivera jamais à industrialiser la Concept.
La firme tentera de persister dans le sport avec la participation au Paris-Dakar 2000 d’un buggy à la mécanique Mitsubishi, siglé Méga et piloté par Stéphane Peterhansel. Là encore, c’est la sensation : la voiture termine à la deuxième place mais ce ne sera qu’un baroud d’honneur. Conscient que la Concept n’arrivera pas plus que les Ranch et Club à convaincre largement, Georges Blain jette l’éponge et retourne à ses moins sexy mais plus rentables voiturettes. Aujourd’hui, Aixam existe toujours et appartient désormais à la firme Polaris. Elle produit des VSP électriques utilitaires sous le nom de Méga.
Images : Aixam, Addict_car, DR