Cette quatre portes dérivée de la Biturbo est une anomalie dans la généalogie Maserati. Si elle porte le nom des grandes berlines de la marque au Trident, Quattroporte, elle n’en est pas pour autant la descendante, s’apparentant plutôt à une Biturbo 4 portes restylée. La grandeur de ses aînées n’est plus là et la Quattroporte IV joue même de sa compacité pour séduire. Avec 4 mètres 55, elle a le gabarit d’une Peugeot 406 contemporaine au centimètre près. Dessinée par Marcello Gandini, elle étire à son maximum le style Biturbo initié par Pierangelo Andreani. Certains l’adorent (moi), d’autres la détestent. Elle aura cependant su faire le lien entre Alejandro de Tomaso et Ferrari.
Héritière de la Biturbo
Dans la galaxie Biturbo, on trouve des 4 portes dès 1983 avec la 425 (V6 Biturbo 2.5 de 200 chevaux), rapidement rejointe en 1985 par la 420 (185 ch) puis la 420 S à carbu (210 ch) ou la 420i (185 ch mais avec l’injection) en 1986. La 420 Si (223 ch) sera éphémère tandis que la 430 (225 ch) la remplacera, accompagnée d’une 425i (188 ch), puis d’une 422 (223 ch). Au début des années 90, le design initié par Gandini sur la Shamal sera décliné sur la gamme Biturbo 4 portes tandis que l’antique Quattroporte III disparaissait : 4.18 de 223 chevaux, 4.24 (à 24 soupapes donc) de 245 ch, puis 4.24 catalysée (240 ch) et 430 4v (279 ch).
Vous l’aurez compris, il y en avait pour tous les goûts, et toutes les couleurs, mais avec pour seul choix moteur le V6 Biturbo. Les versions deux litres étaient réservées à l’Italie et sa fiscalité particulière, tandis que les cylindrées supérieures se destinaient à l’export. À partir de 1991, ne restent plus que la 4.24 et la 430 au catalogue, mais l’âge se fait sentir. En 1992, Maserati rajeunit ses versions coupé avec la Ghibli II et décide de s’attaquer aux versions quatre portes avec un “presque” tout nouveau modèle, usurpant un peu le nom de Quattroporte généralement dédié à de vraies limousines. Avec ses dimensions réduites, la toute nouvelle Quattroporte IV, présentée au salon de Genève en mars 1994, n’en est pas tout à fait l’héritière mais elle n’en a cure : elle cherche à concurrencer BMW et ses série 3 dans ses versions berlines, perpétuant encore et encore l’héritage Biturbo.
Entre De Tomaso et Fiat
Si Maserati reste une entreprise artisanale, elle est passée depuis 1989 (et petit à petit) entre les mains de Fiat. De Tomaso écarté, la stratégie devient plus claire : patienter avec la très réussie Ghibli II puis cette Quattroporte de transition, avant de refiler le bébé à Ferrari pour constituer un pôle luxe et sport. Sous l’égide turinoise, l’officine de Modène va donc concocter cette berline hybride, entre grand luxe, sport et compacité, avec l’espoir de remonter la pente après des années d’errements sans financement. La Quattroporte IV va donc s’inspirer du style de la Ghibli II, étirer son châssis, et récupérer ses moteurs V6. Mais elle fera encore mieux, en s’offrant le V8 3.2 développé pour la Shamal et légèrement modifié pour plus d’onctuosité. À moindre coût, la nouvelle voiture s’avère particulièrement séduisante techniquement, avec son ABS de série, et son différentiel à glissement limité : une vraie sportive en habit bourgeois.
Une ligne signée Gandini
Gandini va lui sculpter une ligne sans pareil, qui heurte encore aujourd’hui : l’auteur de la BX n’hésitera pas à lui coller un étrange déhanchement sur la roue arrière, un popotin haut rappelant la Ghibli, et un avant plongeant mais carré : c’est très élégant, pointu diront les puristes, même si les observateurs d’aujourd’hui restent (pour certains) dubitatifs. On est très loin des multiples coups de gouge des modèles actuels, bénéficiant des progrès techniques de l’emboutissage, mais qui en font trop. La Quattroporte est incongrue, trop carrée pour des années 90 revenant aux rondeurs, et trop lisse pour les années 2020 faites de plis, de surplis, et d’artifices en plastique ! D’une certaine manière, la Quattroporte IV n’est jamais à sa place, tant dans ses dimensions que dans son design, et c’est ce qui fait son charme décalé.
À l’intérieur, c’est la même chose : elle reprend le côté baroque des Maserati précédentes, avec moult cuir, Alcantara, et boiseries kitsch. L’espace reste limité par les dimensions extérieures, et notre 4 portes italienne n’est pas plus logeable qu’une vulgaire 405. Ce qui pourrait être un handicap n’en est pas un : elle inspire, que dis-je, elle aspire à la conduite. Il ne s’agit pas d’une voiture de standing conduite par un chauffeur, mais bel et bien d’une auto à conduire, presque une auto d’égoïste ! Ok, elle a 4 portes, et 4 places, mais juste pour l’apparat. Tout juste servira-t-elle pour accompagner Madame en manteau de fourrure à la Scala de Milan.
Un peu de Ferrari dans le sang
Lorsque Fiat racheta l’intégralité du capital de Maserati, la Quattroporte était déjà bien avancée dans son développement. A son lancement, elle ne dispose que des moteurs V6 en 2 litres (marché national, 287 ch) et 2.8 litres (export, 284 ch). À partir de 1996, elle récupère donc le V8 de la Shamal et ses 335 chevaux. A partir de 1998, le 2 litres disparaît du catalogue tandis que la Quattroporte IV se fait une cure de jouvence chez Ferrari (sous le nom d’Evoluzione), tout comme la Ghibli : si le restylage est subtil, la qualité est transfigurée, faisant oublier les tracas des Biturbo des années 80.
L’insuccès de cette berline hautement désirable est sans doute à trouver dans ses origines : la Biturbo avait trop irrité ses propriétaires dans les années 80 avec des pannes à répétition. La réputation de fragilité des Biturbo rejaillissait sur la Quattroporte IV avec une certaine forme d’injustice. Les errements de l’ère De Tomaso se payaient cash, malheureusement, et seuls 2 841 exemplaires trouvèrent preneurs entre 1994 et 2000. Fait notable, la Quattroporte restera stable dans ses ventes tout au long de sa carrière, connaissant même un regain d’intérêt vers la fin, dans ses versions Evoluzione “fiabilisées” par Ferrari. Elle quittera la scène en 2000 par la petite porte, et il faudra attendre 3 années avant que ne surgisse la Quattroporte V.
Une affaire à saisir aujourd’hui
Modèle de transition, faite de bric et de broque mais remarquablement conçue, la Quattroporte, comme sa sœur Ghibli II, représentait ce qu’aurait dû être la Biturbo à son lancement. Il était sans doute trop tard pour faire un carton, tandis que la concurrence allemande offrait des modèles bien plus faciles à prendre en main. S’acheter une Quattroporte à l’époque, c’était marquer une différence nette, préférer la distinction, se détacher du commun des mortels, choisir la difficulté mais avec tellement plus en retour : une ligne à couper le souffle, un luxe inouï, un chouïa de drôlerie, un dessin original, de la classe à l’italienne, et un comportement forcément compliqué, même en version Evoluzione. Profitez-en aujourd’hui tant qu’elle est dans le creu de la vague : cela ne durera pas !
3 commentaires
Cher Paul, nous sommes effectivement bien peu à savoir apprécier cette auto à sa juste valeur. Mais depuis près de 10 ans et plus de 90000 kms effectués à son volant, je ne peux que souscrire à ton avis que je partage évidemment à 100%! J’ajouterai simplement qu’il s’agit d’un vrai TGV avec lequel je fais plus de 1000kms en un week-end très régulièrement et qui me permet d’arriver à destination frais et dispo dans un temps record. Kim
Vite un sujet sur Marcello Gandini qui vient de disparaître hier, mercredi 13 mars. Station Haxo nous manque aussi !
Un peu débordé en ce moment pour faire vivre le site 😉